Pure fantasme de science-fiction il ya encore quelque temps, les drones sont désormais omniprésents au quotidien (loisir, commerce, armée…). Décryptage.
Les appareils volant sans pilotes sont désormais aussi présents dans notre vie que dans l’actualité. S’il est toujours assez illusoire d’imaginer voir ses commissions être régulièrement livrées sur le pas de la porte par un robot volant, les drones font à présent partie du quotidien de nos sociétés. Outil pour faire des photos de groupe depuis une position élevée, caméras volantes pour l’audiovisuel, dispositif de relevés scientifiques ou terrifiantes armes policières et militaires, ces appareils ont envahi l’actualité et le ciel en moins d’une décennie. Un déploiement aussi rapide que spectaculaire qui ne nous fera cependant pas oublier que les drones sont une idée finalement assez ancienne.

Une idée plus vieille que la science-fiction elle-même
Si les premiers drones (notamment de nature militaire) ont commencé à être utilisés au début des années 2000, l’idée d’un véhicule volant sans pilote commandé à distance remonte ainsi à la fin du XIXᵉ siècle. Et ce, avant même l’arrivée des premiers avions pleinement fonctionnels. L’idée flotte dans l’air du temps : puisque la science est sur le point de mettre en l’air des aérostats plus fiables et simples à diriger que des montgolfières, la prochaine étape ne serait-elle pas de le faire sans même avoir besoin d’un pilote ?
En quelques années, l’idée va germer simultanément chez plusieurs auteurs et créateurs : Sir Arthur Conan Doyle imagine un avion sans pilote dans Le grand moteur Brown-Pericord en 1891, alors que Thomas Edison est en train de plancher sur une nouvelle de science-fiction au concept similaire quelques mois plus tôt (elle sera achevée par son collaborateur George Parsons Lathrop en 1896). Dès 1895, des démonstrations techniques publiques mettent en scène des expériences de commande d’armes et de véhicules à distance, culminant avec une expérience du grand inventeur Nikola Tesla en 1898.

Le bateau téléguidé de Tesla cumulait plusieurs techniques en cours de développement, au centre desquelles se trouvait la transmission d’instructions par radio. De quoi imaginer par exemple la création d’avions de reconnaissance capables de prendre des photographies en territoire ennemi sans risquer la vie d’un pilote. Des appareils de ce genre sont mis au point juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale… Et seront quasiment la seule utilisation des drones pendant des décennies.
Des auteurs plus inventifs que les miliaires
Les drones du XXᵉ siècle, s’ils connaissent des évolutions, se cantonnent souvent à de tout petits avions légers capables de prendre quelques clichés, éventuellement de convoyer de légers explosifs… mais surtout de causer beaucoup de problèmes. Lents, facile à abattre, peu fiables, sujet au brouillage radio de l’ennemi, les drones peinent à convaincre les états-majors, qui commencent néanmoins à se doter d’une flotte d’appareils modestes des deux côtés du rideau de fer. Essentiellement pour éviter de perdre de précieux aviateurs dans des missions d’espionnage de routine.

Les auteurs de littérature d’anticipation, eux, se révèlent beaucoup plus imaginatifs. L’autrice féministe bengalie Begum Rokeya Sakhawat Hossain imagine dès 1905, dans Le rêve de Sultana une société dans laquelle il serait possible de se déplacer dans des taxis volants autonomes. En 1938, Manly Wade Wellman imagine dans Glimpse la création d’un drone avec une fonction caméra pour l’exploration des fonds marins. Plus sombre, le film Objectif Terre de 1954 imagine la possibilité de forces d’invasion entièrement automatisées, protégeant les envahisseurs des représailles ennemies.
Et après le second conflit mondial apparaît également l’idée de drones civils, à l’image du roman jeunesse Danny Dunn, Invisible Boy de Raymond Abrashkin qui, en 1974, imagine à merveille tous les usages d’un drone à destination des particuliers. Le roman va jusqu’à déterminer avec beaucoup de précision l’aspect et les méthodes de contrôle des drones modernes.
Dès lors, l’apparition de véhicules sans pilote devient assez commune dans la science-fiction, des machines tueuses de Terminator aux véhicules automatisés de Babylon 5 en passant par les drones policiers de Dark Angel.

La réalité dépasse la fiction
La véritable démocratisation des drones, cependant, et la multiplication de leurs usages, n’adviendra qu’au début du XXIᵉ siècle. Grâce au progrès de la transmission numérique et à la miniaturisation des pièces, il devient de plus en plus simple de produire en série et pour un coût relativement modeste des appareils à destination d’un public non militaire. Oubliés les avions en balsa de Tesla, voici venu l’ère des appareils de quelques centaines de grammes pouvant nous emmener en vue à la première personne à des dizaines de kilomètres.
Peu à peu, la pop culture se couvre de drones, qui ne sont plus uniquement des appareils futuristes ou de simples jouets, mais des objets du quotidien, à l’image des courses de drone dans les rues de Tokyo des jeux Judgment et Lost Judgment. Depuis quelques années, le métier de droniste se professionnalise et une réglementation de plus en plus élaborée encadre la pratique.
Cela n’empêche pas les auteurs de science-fiction de continuer à se creuser la tête pour imaginer les futures utilisations de véhicules sans pilote : le travail collaboratif Future of Warfare 2030–2050 publié en 2016 imaginait ainsi les différentes utilisations possibles de ce type de technologie en milieu militaire. Tandis que d’autres auteurs travaillent sur les limites et les dangers de ces technologies (perte de contrôle, dégâts environnementaux, etc.). De même que l’omniprésence des voitures n’empêche pas d’imaginer les véhicules de demain, la multiplication extrêmement rapide des drones dans notre quotidien ne dit encore rien de leur place dans nos vies dans un futur lointain !