Critique

Stallone : quand une femme prend son courage à deux poings

08 janvier 2022
Par Félix Tardieu
Pascal Sangla et Clotilde Hesme dans "Stallone"
Pascal Sangla et Clotilde Hesme dans "Stallone" ©Huma Rosentalski

Adaptée d’une nouvelle d’Emmanuèle Bernheim publiée dans Le Monde en 2003, Stallone raconte le parcours étonnant d’une jeune femme, Lise, dont la vie est rythmée par les films de son idole, Sylvester Stallone.

Lise n’en rate aucun depuis qu’elle a découvert Rocky III au cinéma : Rambo, Staying Alive, Rocky IV, Rambo II, Cobra, Tango & Cash, Cliffhanger… Sylvester Stallone n’est plus seulement une idole, mais un mantra, une idée, une force motrice. Lorsqu’elle découvre Rocky III et la bande originale enivrante de Surviror – le tube Eye of the Tiger – Lise décide de tout plaquer, son petit boulot, son petit copain, son petit deux pièces, sa petite routine, pour reprendre des études de médecine.

Clotilde Hesme est seule en scène aux côtés de Pascal Sangla, chargé à la fois de la composition musicale et de donner la réplique à la comédienne en interprétant tour à tour les personnages qui traversent la vie mouvementée de Lise. Le metteur en scène Fabien Gorgeart et Clotilde Hesme donnent brillamment corps à la nouvelle d’Emmanuèle Bernheim, écrivaine et critique disparue en 2017, avec ce personnage féminin animé par une rage de vaincre à toute épreuve, à l’image de Rocky Balboa. Le dispositif scénique est ramené à l’essentiel : Hesme et son micro, Sangla et sa mini-régie installée sur le plateau, dans les limites d’un tapis rectangulaire dont la blancheur rappelle à la fois l’écran de cinéma et le ring sur lequel remonte inlassablement Rocky. Seul le corps enhardi et habité de Clotilde Hesme est là, face au public, pour transmettre un discours fluide et poétique fait d’ellipses et de rebondissements inattendus. 

Clotilde Hesme dans STALLONE ©Huma Rosentalski

Stallone est peut-être moins une pièce à voir qu’à écouter, tant celle-ci travaille minutieusement à l’agencement des dialogues, tels des murmures finalement ciselés et drolatiques, et des variations musicales de Pascal Sangla autour du thème principal de Rocky et de Eye of the Tiger. Les échanges entre Lise et les personnages qui ponctuent son existence interviennent ainsi tels de légers intermèdes à un récit de vie haletant, comme les pauses méritées du boxeur au coin du ring. La présence de Stallone guidera ainsi Lise dans ses moindres faits et gestes jusqu’au dernier round de sa vie – non, elle n’ira pas jusqu’à appeler son propre fils Sylvestre – car tout combat a une fin. L’issue de la pièce, à la fois abrupte et délicate, n’est ni joyeuse ni pessimiste, elle est à l’image de la vie elle-même : c’est elle qui rend toujours le dernier coup.

Stallone de Fabien Gorgeart, Clotilde Hesme et Pascal Sangla (d’après la nouvelle d’Emmanuel Bernheim) – Théâtre du Petit Saint-Martin (Paris 10e), du 4 janvier au 26 février 2022 (puis en tournée dans toute la France) – Billetterie par ici

À lire aussi

Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste