
Au moment de l’examen de la loi contre le narcotrafic en France, le fondateur de Telegram s’est fendu d’un message aux utilisateurs et utilisatrices de sa messagerie. On vous explique pourquoi.
Hier, la messagerie instantanée concurrente de WhatsApp a envoyé un message à tous ses utilisateurs et toutes ses utilisatrices en France pour dire son inquiétude face au projet de modifier la loi contre le narcotrafic. Cet amendement permettrait d’installer une porte dérobée (backdoor) au sein des messageries chiffrées, abaissant considérablement leur confidentialité.
Telegram souffle, mais reste alerte
« Même des régimes autoritaires n’ont jamais interdit le chiffrement [des données] », écrit Pavel Durov, fondateur controversé de la messagerie privée lancée en 2013. Si une part du message envoyé hier aux internautes directement sur leur smartphone commence par saluer la « sagesse » des députés qui ont rejeté l’amendement à l’Assemblée nationale, le ton adopté ensuite est plus alarmiste.
En effet, le timing n’est pas innocent. Le message, déjà partagé sur X par Pavel Durov le 21 avril dernier, a donc été remis en avant par la plateforme le jour où l’Assemblée votait justement cette fameuse loi contre le narcotrafic. Alors, le pire est-il passé ? Pas tout à fait. Le matraquage des messageries chiffrées est une idée fixe des autorités dans de nombreux pays. Sous couvert de lutter contre des réseaux criminels qui prospèrent sur des applications comme Telegram ou Signal, les gouvernements ambitionnent de réduire les protections de tout le monde.
C’est cet aspect qui est inacceptable pour le très libertarien Durov. Lui retourne justement l’argument sécuritaire, qui est au cœur du débat sur le sujet depuis des années : « Il est techniquement impossible de garantir que seule la police puisse accéder à une porte dérobée. Une fois introduite, une telle porte peut être exploitée par d’autres – agents étrangers, hackers, etc. Résultat : les messages privés de tous les citoyens, même ceux qui respectent la loi, risquent d’être compromis. »

Telegram menace de quitter la France
Le chiffrement des données personnelles est un enjeu majeur des libertés individuelles. Et, même si Telegram s’est déjà vu forcer la main, notamment en France, pour partager les adresses IP de comptes clairement identifiés comme potentiellement criminels, il « n’a jamais divulgué le moindre message privé ».
Par ailleurs, Durov et d’autres personnes particulièrement sensibles à la question répètent que « cette loi n’aurait de toute façon pas aidé à combattre la criminalité. Si les principales messageries chiffrées devenaient vulnérables, les criminels se tourneraient simplement vers des dizaines d’autres applications, plus petites et plus opaques – tout en utilisant des VPN pour brouiller les pistes ».
Si, comme l’écrit pompeusement la messagerie, « le mois dernier, la liberté a triomphé », d’autres propositions de loi tenteront à nouveau de faire plier les services du genre. Sur ce point, Telegram a toujours été clair : la messagerie quittera instantanément les pays où le chiffrement des données personnelles est compromis.