Le 28 avril, Paris a célébré sa 36e Nuit des Molières, récompensant les pièces marquantes de la saison 2024-2025, sur fond d’inquiétude pour un secteur culturel fragilisé par les baisses de financements décidées par le gouvernement.
Deux spectacles ont éclipsé la concurrence lors de la 36e Nuit des Molières, tenue le 28 avril aux Folies Bergère à Paris. Le soulier de satin de Paul Claudel, mis en scène par Éric Ruf pour la Comédie-Française, et Du charbon dans les veines de Jean-Philippe Daguerre au Théâtre Saint-Georges, sont repartis chacun avec cinq statuettes. Une édition marquée par l’excellence artistique et une ferveur militante rarement aussi visible.
Le soulier et le charbon en haut de l’affiche
Le théâtre public a salué Le soulier de satin, couronné du Molière du Théâtre public, de la Mise en scène, de la Création visuelle et sonore, et des prix d’interprétation pour Marina Hands et Denis Lavant. Du côté du privé, Du charbon dans les veines a raflé les Molières du Meilleur spectacle, de l’Auteur francophone vivant, de la Mise en scène, ainsi que les prix d’interprétation pour Delphine Depardieu et Guillaume Bouchède.
La soirée a aussi consacré The Loop comme meilleure comédie, Les misérables pour le spectacle musical, et Paul Mirabel dans la catégorie Humour. Juliette Béhar et Vassili Schneider ont brillé parmi les révélations de l’année. Quant à Thomas Jolly, le dramaturge a reçu un Molière d’honneur pour son travail sur les Jeux olympiques et paralympiques, dédicaçant son prix au « spectacle vivant comme outil pour faire société ».
Une Marianne au cœur de la cérémonie
Au-delà de son palmarès éclatant, la cérémonie a été rythmée par plusieurs moments forts. Caroline Vigneaux a donné le ton en apparaissant bonnet phrygien vissé sur la tête et poitrine dévoilée, incarnant une Liberté guidant le peuple réinventée. Face à Rachida Dati, ministre de la Culture, présente au premier rang, elle a lancé avec ironie : « Votre présence ici ce soir est carrément un miracle. » Le refrain de France Gall, « Résiste », a rythmé la soirée, symbole d’un monde culturel vent debout contre les coupes budgétaires décidée par le gouvernement.
La ministre, visée par des piques successives, est restée impassible. « Quand on va débattre des coupes budgétaires, je vais vous tutoyer, mais résiste ! Prouve que tu résistes, ne signe pas », a insisté Vigneaux. La tension n’a pas empêché quelques moments d’enthousiasme, comme lorsque Didier Brice a interpellé la salle sur « 200 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches depuis 2017 », levant la salle… sauf la ministre.
Discours vibrants
L’émotion a dominé lorsque la comédienne sourde Emmanuelle Laborie a signé un discours silencieux, magnifié par l’interprétation de Vigneaux. Sur scène, les lauréats ont livré des interventions tantôt graves, tantôt légères.
Marina Hands a dénoncé les injonctions esthétiques pesant sur les femmes tandis que Denis Lavant, sacré pour Fin de partie, a préféré la fantaisie en posant son trophée en équilibre sur la tête. Delphine Depardieu, émue, a évoqué son chemin artistique : « C’est comme si le métier me disait, c’est bon Delphine, toi aussi, tu as ta place », a-t-elle déclaré au micro de France Inter.
En conclusion, Caroline Vigneaux a préféré à la traditionnelle fraternité une nouvelle devise : « adelphité », célébrant l’union de tous les êtres humains. Une manière de clore une soirée où le théâtre a rappelé, avec éclat, qu’il reste un formidable espace de résistance.
