Entretien

Guillaume Labbé pour Anaon : “J’avais l’impression que Capucine faisait partie de ma famille”

14 mars 2025
Par Agathe Renac
La série “Anaon” sera présentée en avant-première au festival Series Mania.
La série “Anaon” sera présentée en avant-première au festival Series Mania. ©Prime Video/France Télévisions

Présentée en avant-première à Series Mania et diffusée en avril sur Prime Video, Anaon nous embarque dans une aventure haletante. On a profité de la venue de Capucine Malarre et Guillaume Labbé au festival pour entrer dans les coulisses de cette pépite éclectique, entre la série fantastique, le blockbuster d’action et le drame familial.

Commençons par une petite remise en contexte : quelle histoire Anaon nous raconte-t-elle ?

Guillaume Labbé : J’incarne Max, un père de famille qui vient de perdre sa femme – la mère de Wendie – dans un incendie qui a ravagé une partie de leur maison. La série commence un mois après l’événement, alors qu’ils sont en plein deuil. Une adolescente disparaît, des jeunes sont attaqués, et ceux qui échappent à ce monstre sont retrouvés dans un état inexplicable. Ils sont absents, plongés dans une sorte de coma éveillé, les yeux vides…

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Capucine Malarre : C’est comme s’ils avaient perdu leur âme. On suit deux enquêtes en parallèle : celle de Max, qui est gendarme, mais aussi celle de mon personnage, Wendie, et de son groupe d’amis qui se retrouve confronté à des phénomènes surnaturels. C’est un trio déterminé et plein d’amour qui poursuit cette quête de réponse, loin des théories rationnelles imaginées par les adultes.

G. L. : De son côté, Max est très cartésien. Il est persuadé que ces attaques sont liées à un homme bien réel.

Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre cette aventure ?

G. L. : Pour moi, tout part d’une rencontre. J’avais travaillé avec le réalisateur [David Hourrègue, ndlr] sur la série Rivages et j’étais hyper content de partager un nouveau projet avec lui. Quand j’ai découvert le scénario, j’avais envie de passer par les émotions du personnage et de les vivre pleinement. J’aimais aussi l’idée d’aborder la question du deuil à travers le prisme du fantastique, de l’action et du divertissement.

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C. M. : Quand j’ai rencontré David, ça a été une évidence. J’ai tout de suite eu envie de travailler avec lui, je sentais que ça allait être génial… et j’avais raison ! On s’est vraiment trouvés sur ce projet. En réalité, j’ai tout de suite été attirée par Anaon, dès la lecture du scénario. L’aspect fantastique m’a vraiment emballée, j’y ai vu des possibilités incroyables en termes de jeu. J’ai aussi été touchée par toute la dimension émotionnelle : la relation forte avec le père, les liens intergénérationnels entre les femmes de la famille, les liens d’amour puissants qui les unissent, ou encore la dynamique du trio.

Max et Wendie ont effectivement une relation complexe et touchante, marquée par le deuil. Comment avez-vous travaillé ensemble pour donner vie à cette dynamique et construire cette connexion ?

G. L. : Ce qui est fou, c’est qu’on ne l’a pas travaillée en amont. On s’est rencontrés durant la lecture préparatoire et tout s’est fait de manière naturelle entre nous, que ce soit dans le jeu, dans les personnages ou dans notre manière de travailler. J’avais presque l’impression qu’elle faisait partie de ma famille, alors qu’on ne se connaissait pas du tout !

Dès notre première lecture, elle m’a touché. Et quand on a commencé à jouer en ajoutant un peu d’émotion, tout ce qui la traversait, je le ressentais aussi. C’était une connexion presque physique. Ça s’est poursuivi tout au long du tournage. On n’a pas spécialement noué de liens en dehors du plateau, mais il y avait une vraie liberté dans notre façon de jouer l’un avec l’autre.

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C. M. : Je partage le même ressenti. En y repensant, je me dis que cette connexion est peut-être liée à l’univers dans lequel on s’est retrouvés. On était dans le même bateau, plongés dans la même intensité, et ça a forcément créé un lien. Dès les premières lectures, j’ai aussi ressenti quelque chose de fort. Ce qu’il faisait, ce qu’il me renvoyait, ça me percutait vraiment. Cette alchimie peut aussi s’expliquer par le fait qu’on se ressemble sur certains points, en tant qu’acteurs. Il y a eu une vraie connexion.

Avez-vous été particulièrement challengés physiquement ou émotionnellement par une scène ?

G. L. : Il y en a eu beaucoup ! Déjà, sur le plan purement physique, la bagarre dans le lavoir était un cauchemar. J’avais tellement froid et, surtout, je n’avais aucune envie d’avaler cette eau stagnante. [Rires] Je me disais : “Mince, si je bois la tasse…” – et j’ai bu la tasse. Après ça, j’ai passé six jours à écouter mon corps, à guetter le moindre signe. Finalement, je ne suis pas tombé malade et je me suis dit : “Maintenant, je peux boire n’importe quelle flaque d’eau à la paille, je suis invincible.”

C. M. : Boire la flaque d’eau à la paille ! [Rires]

G. L. : Ouais, non, évite, c’est pas ouf. Surtout à Paris. [Rires] Pour revenir à la scène du lavoir, j’étais gelé, c’était horrible. Je me souviens de David [Hourrègue, le réalisateur, ndlr] qui me montrait les images en me disant : “Regarde comme c’est beau !” et moi, j’étais en mode : “Mais j’en ai rien à faire, je me pèle, laisse-moi tranquille !” [Rires] Ça, c’était pour le défi physique. Ensuite, j’ai été confronté à des challenges particulièrement difficiles dans le jeu, notamment sur une séquence qui se déroule à la fin de la série, dans une église.

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Je ne vais pas vous spoiler, mais il y avait énormément de possibilités dans l’interprétation de ce moment. Je me demandais : “Que ressent Max à cet instant ? Qu’est-ce qu’il comprend à ce moment-là ? Est-ce qu’on joue le surnaturel, le sous-texte, le deuil, la bête ?” Tout ça tournait dans ma tête et, à force de trop analyser la scène, je me suis déconnecté de la situation.

Heureusement, on a pris du recul avec David [Hourrègue, le réalisateur, ndlr] et on a tourné d’autres scènes. Ensuite, je marchais dans la forêt, la nuit, je cogitais, je cherchais le bon jeu, je méditais, j’ai tout essayé pour trouver le bon ton.

C. M. : Je vois tellement ce que tu veux dire. Ce moment où tu tentes par tous les moyens de te connecter à ton personnage.

G. L. : Exactement ! Tu erres, tu réfléchis trop, tu veux intellectualiser la scène, mais ça ne marche pas. Au final, il est revenu me voir et m’a dit un truc tout simple. On s’est reconnectés à cette scène, et ça s’est super bien passé.

C. M. : C’est tellement satisfaisant quand tu trouves enfin ce que tu cherchais. De mon côté, je n’ai pas eu de défis aussi intenses d’un point de vue physique, même si le tournage au château d’eau était éprouvant. On a fait une vingtaine d’allers-retours dans les escaliers en courant, mais on devait tous trouver un même rythme pour fuir à la même allure. Je faisais clairement moins la maline à la vingtième prise. [Rires]

Je me bats aussi contre un monstre, mais c’est différent parce que j’ai des pouvoirs. Cela dit, c’était quand même un challenge de jouer face à une personne qui incarne la créature et qui ne voit rien à cause du costume. D’autant plus que ce sont des séquences hyper importantes dans l’histoire, donc il y avait forcément une pression pour que ça rende bien à l’écran.

©Prime Video/France Télévisions

J’ai aussi été confrontée à des scènes à l’intensité émotionnelle énorme qu’on tournait en plusieurs parties. C’était un challenge technique et d’acting, mais ça s’est finalement bien passé. Il y a des moments où je n’arrivais pas à trouver le bon ton, donc on faisait une pause, on allait manger et, en revenant, je comprenais ce qui coinçait. Un des vrais défis, c’était de ne pas m’éloigner du personnage de Wendie et de ne pas retomber dans ma manière d’être à moi, Capucine.

On avait travaillé un ton particulier pour elle, quelque chose de doux-amer. Et parfois, après quelques jours de pause, David me disait : “Là, je vois Capucine.” [Rires] C’était subtil, mais je sentais la différence. D’ailleurs, j’ai vu la nuance en regardant la série. Je vois à quel point Wendie et moi sommes différentes dans notre manière d’être et dans nos réactions.

Qu’avez-vous de Capucine et de Max en vous ? En quoi vous sentez-vous proches ou différents d’eux ?

G. L. : Je suis incapable d’accepter un rôle si je ne me retrouve pas un minimum dans le personnage. Sinon, c’est la catastrophe. Si je ne ressens pas une sincérité en jouant, ça ne marche pas. J’ai vraiment besoin de sentir un lien avec lui. Et plus il est éloigné de moi, plus j’ai besoin de l’intégrer en amont du tournage, de l’amener dans ma vie. Par exemple, si je dois bosser un accent, je ne vais pas juste le travailler en répétition, je vais l’adopter au quotidien. Je vais parler comme ça, tout le temps, même hors tournage.

Il y a même des personnages où, pendant une heure, je décide d’être eux dans la vraie vie. Comment il commande son verre ? Est-ce qu’il regarde le serveur ? J’ai déjà joué des mecs qui ne le regardent même pas, qui continuent juste à parler. Je l’ai fait dans la vraie vie pour préparer un rôle, c’était horrible. Quand un personnage a une manière d’être très différente de la mienne, je l’intègre à mon quotidien pour éviter d’avoir l’impression de fabriquer quelque chose au moment où on dit “Action”. Je veux que ce soit naturel.

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Néanmoins, Max est assez proche de moi, même s’il vit des choses très particulières. Je pense qu’on est très différents dans notre rapport aux émotions, dans le sens où j’exprime beaucoup plus ce que je ressens et je n’ai pas de mal à en parler ou à demander aux autres comment ils se sentent. Lui, c’est plus verrouillé.

Mais je me suis vraiment reconnu en lui dans sa manière de protéger – ou plutôt surprotéger – ses proches, et surtout sa fille. J’ai aussi ce truc-là avec les gens que j’aime. À vouloir tellement bien faire, on peut en arriver à ne pas avoir assez confiance en leur capacité à affronter les choses. Ça, c’est quelque chose que j’ai vu chez Max… et chez moi.

C. M. : Moi, je me retrouve surtout dans l’amour fort qu’elle porte à ses proches et dans son côté protecteur, surtout envers ses amis. Wendie a ce réflexe de vouloir protéger très vite, parfois même en avançant seule pour éviter de mettre les autres en danger. Ça, c’est quelque chose que je comprends bien. À la première lecture, il y avait des choses qui me semblaient familières dans sa manière d’être, mais je pense qu’elle est plus sensible que moi. Elle vit les choses d’une manière plus brute, plus à fleur de peau. Et la vraie différence, c’est qu’elle a des pouvoirs que je n’ai pas. [Rires]

Wendie découvre effectivement un étrange don au fil de l’histoire. Si vous pouviez choisir un pouvoir dans la vraie vie, ce serait lequel ?

C. M. : La téléportation pour pouvoir voyager partout, quand je veux, de manière écologique, et sans payer. [Rires] Et quand je dis partout, c’est partout.

G. L. : Tu peux aussi aller sur une autre planète ?

C. M. : Partout ! En plus, je peux m’échapper d’une situation compliquée ou dangereuse en une seconde. Un tueur en série ? Téléportation, bye bye.

G. L. : Je n’aurais pas choisi ce pouvoir, parce que tu perds beaucoup de sensations. Tu ne voyages plus, tu ne vois plus le paysage défiler, tu n’as pas la sensation de voler… C’est juste très pratique. T’es très peu sensorielle, en fait… [Rires]

C. M. : Ouais, non, d’accord, je change. [Rires] En fait, je choisis le pouvoir de voler et tu ne peux pas dire la même chose.

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G. L. : Je dois admettre que je rêve de plus en plus de me téléporter pour assurer à la fois les tournages et la vie de famille. Ce serait tellement pratique ! Mais quand t’y penses, ce pouvoir te ferait perdre un peu cette connexion avec les gens. T’imagines, tu passes une demi-heure avec quelqu’un, mais comme tu peux apparaître et disparaître à volonté, tu perds ce temps partagé, celui où tu restes avec eux, où tu es coincé dans un endroit et où tu profites vraiment de l’instant. C’est un peu étrange, non ? C’est un peu comme sur les tournages, où, après une journée, tu vas boire une bière avec l’équipe. Ce sont ces moments qui rendent tout plus authentique.

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Mais si je devais choisir un pouvoir, je pense que je contrôlerais le temps. Pas pour revenir dans le passé, ni avancer trop vite, mais juste pour le ralentir. Ce serait génial ! Par exemple, je termine une journée de tournage à minuit, mais je peux ralentir le temps, alors je fais mon voyage pour voir ma famille et j’arrive à 00h01 pour les retrouver. Ce serait magique. Et dans d’autres situations, comme le sport, tu verrais venir les coups et tu pourrais être le meilleur boxeur du monde en deux secondes !

C. M. : Mais je m’en fous de devenir le meilleur boxeur du monde ! [Rires] Qu’est-ce qu’il me raconte celui-là ? Je dois quand même admettre que ta réponse était meilleure, mais tu l’avais plus travaillée que moi.

Anaon s’inscrit dans un genre encore peu exploité en France : le fantastique. Êtes-vous amateurs de ce type de production ?

G. L. : J’en regarde un peu, mais je ne suis pas un fan absolu. En revanche, c’est très cool que ce genre se développe en France depuis quelques années. Avant, ce type de série était essentiellement produit par Empreinte Digitale et OCS, mais il y a eu un vrai tournant avec les plateformes. Les producteurs ont réalisé que le fantastique fonctionnait et s’exportait énormément. D’autant plus qu’aujourd’hui, on a une génération de réalisateurs et d’auteurs qui en ont consommé, qui connaissent les codes et qui savent l’écrire. Donc c’est trop cool qu’il y en ait de plus en plus.

Tout au long de la série, on fomente des théories, des explications aussi bien rationnelles que surnaturelles. Êtes-vous plutôt du genre à rationaliser ou à imaginer une autre option, moins terre à terre ?

G. L. : Moi, je rationalise.

C. M. : Je suis aussi plus terre à terre, mais en même temps… [Rires]

G. L. : Je sais ce que tu vas dire : t’es terre à terre, mais si on te dit qu’untel a été mangé par un esprit, tu vas dire : “Ah ouais, possible.” [Rires]

C. M. : Non, mais en fait, je suis un peu cette meuf chiante qui va toujours te contredire. Si tu me dis qu’il t’est arrivé quelque chose de fou, je vais te donner une explication hyper rationnelle, mais si tu me racontes une histoire avec une conclusion terre à terre, je vais émettre une hypothèse plus surnaturelle. [Rires] En fait, je suis très rationnelle au quotidien, mais j’aime penser qu’il peut parfois y avoir une autre explication.

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La série évoque de nombreuses légendes ancestrales. Êtes-vous plutôt du genre à être fasciné ou effrayé par ces histoires ?

G. L. : Ça me fascine. J’adorerais que les fantômes existent et qu’il y ait vraiment des âmes coincées dans notre monde. Ce serait fou.

C. M. : C’est fascinant, mais ça me terrifie. C’est aussi pour cette raison que je ne me plonge pas dans certaines légendes…

G. L. : Non, mais ça dépend du moment ! Si je suis seul dans une maison de campagne, je ne vais pas commencer à me dire : “Tiens, il y a peut-être des entités autour de moi…”

C. M. : Clairement. Je dis que je suis rationnelle, mais en même temps, je ne reste pas seule dans certains endroits par peur des fantômes – plus que des tueurs en série.

Quelles sont celles qui vous ont marqués ?

G. L. : Le mythe de Lilith. À l’origine, Dieu aurait créé la femme pour l’homme. Cependant, Lilith n’a pas accepté de se soumettre à Adam. Elle a refusé plusieurs fois, jusqu’à ce que Dieu décide de l’envoyer en enfer pour créer une autre femme, Ève, qui serait plus docile. Lilith serait donc restée en enfer, où elle continue de guetter nos bébés. J’aime bien cette légende, parce que c’est cool qu’une femme ait eu le courage de dire non et qu’il y ait une trace de cette rébellion féminine dans la religion.

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C. M. : De mon côté, j’ai plus été marquée par des légendes autour de l’amour. Certains mythes disent que les âmes sœurs auraient été coupées en deux et qu’elles passent leur vie à essayer de retrouver leur moitié manquante. Et selon une autre histoire, nos grains de beauté correspondraient aux endroits où elle nous a embrassés dans une autre vie.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste