
À 84 ans, l’ex-Beatles Ringo Starr sort un nouvel album, tourné vers la country. Retour sur une carrière de près de 70 ans et incroyablement riche.
Sir Ringo Starr, qui a sorti en janvier dernier l’album Look Up (son 21ᵉ en solo) est une figure discrète. Déjà, au temps des Beatles, on se représentait le batteur souvent en retrait ou en tant que « simple » élément comique du groupe de musique anglais, connu pour ses bourdes, sa gentillesse et ses bons mots un peu naïfs. Pourtant, au-delà des plaisanteries faisant de lui le moins talentueux ou le moins doué du groupe, l’interprète de Yellow Submarine est surtout un artiste accompli dont le talent ne cesse d’impressionner depuis le début des années 1960.
Un batteur avec une immense culture musicale
Jeune ouvrier britannique à la santé fragile, Richard Starkey, batteur passionné par le rock et la culture américaine, s’envole pour Hambourg en 1960 pour tenter de se lancer dans la musique à plein temps. Après un an passé à jouer dans des groupes de second rang et après avoir pris le pseudonyme de Ringo Starr, il remplace Pete Best dans un groupe promis à un certain avenir : les Beatles sont nés avec leur formation définitive.
Pendant dix ans, il est le membre le plus stable du groupe : trait d’union avec les autres membres durant les moments de tension, auteur de certaines chansons cultes (Don’t Pass me By, Octopus’s Garden…), il garde avec l’ensemble de la formation de très bonnes relations après la séparation tumultueuse du groupe.

Un des apports majeurs de Starr est son amour immense de la culture américaine, particulièrement du blues, du jazz et du cinéma de l’âge d’or hollywoodien. Dès 1970, après l’explosion des Beatles, Starr se lance en solo. Là où George Harrison, Paul McCartney et John Lennon explorent majoritairement des registres tournant autour du rock expérimental ou psychédélique, le batteur se tourne plutôt, et avec succès, vers le patrimoine musical du XXᵉ siècle américain.
Un succès modeste et des tentatives artistiques à tout-va
La carrière solo de Starr démarre ainsi sur les chapeaux de roue, avec les albums Sentimental Journey et Beaucoups of Blues, résolument tournés vers les classiques du blues et de la country. Mais c’est l’album de rock Ringo, en 1973, qui lui assure une notoriété mondiale avec les tubes Photograph, You’re Sixteen et It Don’t Come Easy. Un succès qui ne sera hélas pas renouvelé par ses albums suivants, une série de fours commerciaux, malgré des critiques parfois enthousiastes. Ringo s’essaie au disco, aux albums de reprises, revient au pop rock classique avec Old Wave, mais rien n’y fait. Du milieu des années 1970 à la fin des années 1980, Starr peine à placer le moindre single dans le top 100 des ventes.

L’artiste ne chôme pas pour autant, et s’essaie tout au long de cette période à d’autres domaines artistiques. Déjà remarqué pour des petits rôles au cinéma pendant la période Beatles, Starr tourne pour Peter Sellers, Carl Gottlieb, Frank Zappa ou Ken Russell, et se fait notamment remarquer pour sa performance dans That’ll be the Day, un énorme carton au box-office anglais de 1973 dans lequel il tient l’un des rôles principaux.
Il tourne dans une vingtaine de films, auxquels s’ajoutent de nombreuses prestations à la télévision : téléfilms, doublage, comédie musicale, émissions pour enfants… Starr est partout. Considéré comme un acteur plutôt doué et plutôt commode de caractère, figure sympathique et joyeuse de la télévision britannique, il se désintéresse cependant du monde de l’audiovisuel au début des années 2000.
Sa passion reste avant tout la musique. Hélas, ses albums ont de moins en moins de succès, sortent parfois sans la moindre promotion, et Starr finit même par peiner à trouver des maisons de disques pour les éditer. Une traversée du désert marquée par plus d’une décennie d’alcoolisme et de dépression, dont il finira par se sortir progressivement au cours des années 1990. En 1988, alors que sa carrière musicale est quasiment à l’arrêt et qu’il semble définitivement has been, Ringo fait néanmoins un retour remarqué sur scène.
Retour sur scène
Sorti de ses problèmes d’addiction, le batteur fait son retour sur scène en 1989, avec la formation musicale à géométrie variable Ringo Starr & His All-Starr Band, un supergroupe taillé pour la scène, où Ringo invite la crème de la crème du rock mondial à jouer avec lui dans des concerts de grande envergure. Si les ventes de disques restent modestes, voire très décevantes, ce come-back dans les salles de concert et dans les festivals assure le retour de Starr dans le cœur du public. Le All-Starr Band, toujours en activité, s’est produit avec divers musiciens des centaines de fois depuis sa formation.
Il ne peine plus à faire éditer ses albums, change moins souvent de maison de disque et renoue même avec le succès grâce au prestigieux album Y Not en 2010. Ce dernier, publié en collaboration avec des poids lourds du milieu, dont Joss Stone, Gary Wright ou Paul McCartney, est son premier succès à la fois public et critique depuis plus de 25 ans !

Depuis lors, Ringo publie tous les deux ou trois ans des albums suivant sensiblement la même formule : des feats avec des stars de la musique, un mélange de reprises, de compositions plus personnelles et de ressorties de titres de l’époque des Beatles… Et quelques expérimentations un peu plus audacieuses, comme le récent Look Up, un retour assumé à la country qui a bercé son enfance.
70 ans de carrière et toujours des projets
Celui qui déclare vouloir « continuer la musique bien au-delà de ses 80 ans » ne semble pas prêt de raccrocher. À 84 ans, Ringo prévoit une grande tournée américaine au printemps prochain avec son groupe pour la promotion de Look Up. Il continue en parallèle une activité artistique, publiant des recueils de photographies, des livres pour enfants et exposant les étranges peintures qu’il réalise en parallèle de la musique depuis 2005.
Une partie de ces activités créatives ainsi que nombre des concerts du All-Starr Band sont aussi consacrés à la collecte de fonds pour des fondations soutenues par le batteur, dont la Fondation Lynch luttant contre le stress post-traumatique, ou encore, bien sûr, la recherche contre le cancer, maladie qui a emporté son ami George Harrison au début des années 2000.

Nous sommes en 2025, et celui qui a toujours eu une carrière discrète, mais sincère, ne semble avoir perdu ni sa créativité ni son capital sympathie (malgré une ombre au tableau sous forme d’évasion fiscale organisée révélée en 2021). Finalement anobli par Elizabeth II en 2018, après des décennies d’attente, ce pilier de la musique contemporaine a définitivement gagné sa place au sein du panthéon mondial de la musique. Avec un peu d’aide de la part de ses amis, bien sûr.