Indétrônable classique de Noël, Love Actually continue de séduire les amateurs de comédies romantiques. Mais deux décennies plus tard, certaines de ses scènes et thématiques font débat.
Chaque année, à l’approche de Noël, les traditionnels films de fêtes envahissent nos écrans, apportant leur lot de magie et de nostalgie. Parmi eux, Love Actually reste un incontournable. Sorti en 2003, ce film choral a conquis les spectateurs grâce à un casting éblouissant (Hugh Grant, Emma Thompson, Colin Firth, Keira Knightley, Alan Rickman…), des histoires d’amour touchantes et des moments cultes – qui n’a pas souri devant Hugh Grant se déhanchant dans les escaliers du 10 Downing Street ?
Nous aussi, on l’a aimé. Pourtant, 20 ans après, ce classique de Noël montre des rides bien visibles. Certaines scènes ou thématiques, autrefois acceptées, posent aujourd’hui question. Si le film est le produit de son époque, certaines maladresses résonnent particulièrement à l’aune de notre regard contemporain. Retour sur trois problématiques majeures.
1 Des rôles de genre stéréotypés et datés
Dans Love Actually, les rôles féminins sont souvent secondaires, sacrifiés ou sexualisés, définis principalement par leur relation aux hommes. Karen (Emma Thompson), archétype de la mère dévouée, supporte stoïquement l’infidélité de son mari tout en portant seule la charge mentale des préparatifs de Noël. Natalie (Martine McCutcheon), pourtant pétillante et audacieuse, reste cantonnée à son rôle de secrétaire, réduite à servir le thé au Premier ministre qu’elle séduit. Enfin, Mia (Heike Makatsch), la secrétaire de Harry, est uniquement représentée comme une figure de tentation, flirtant ouvertement avec son patron et semant la discorde dans son mariage.
Cette dynamique genrée reflète une époque où, dans les comédies romantiques, les femmes étaient fréquemment cantonnées à des rôles d’abnégation ou à des figures accessoires, au service des intrigues masculines. Lulu Popplewell, qui jouait Daisy dans le film, résumait cette problématique en 2020 dans le podcast Almost Famous, rapporté par le média Femina : « Toutes les femmes sont présentées comme des objets, totalement passives. »
2 Une grossophobie qui fait grincer des dents
Le long-métrage regorge de remarques et de blagues déplacées sur le poids des personnages féminins, principalement concentrées sur Natalie (Martine McCutcheon). Décrite comme « potelée » ou affublée d’un « postérieur plutôt massif », elle devient la cible de commentaires humiliants, qu’ils viennent de sa famille, qui la surnomme « bouboule », ou de ses collègues au 10 Downing Street.
Comme le souligne justement Marthe Mabille dans Vogue France, « Natalie n’est qu’un ‘sacré morceau’ pour les hommes, une éternelle ‘bouboule’ aux yeux de sa famille ». Bien que ce personnage soit censé incarner une femme attirante et désirable, le film ne cesse de la réduire à son apparence physique, perçue comme problématique. Ce traitement reflète une époque où les normes de beauté imposées par la culture populaire laissaient peu de place à la diversité corporelle.
3 Une absence de diversité
Bien que le film se veuille un reflet de la société britannique, il présente une vision homogène et limitée des relations humaines. À l’exception du personnage de Chiwetel Ejiofor, qui occupe un rôle secondaire, la diversité ethnique est quasiment absente. Pire encore, l’amour entre personnes du même sexe est totalement ignoré.
L’intrigue entre Jamie (Colin Firth) et Aurelia (Lúcia Moniz), la femme de ménage portugaise, illustre également cette vision réductrice. Les scènes montrant la famille d’Aurelia, caricaturée comme bruyante et arriérée, ont été jugées offensantes, renforçant une représentation simpliste et stéréotypée des Portugais.
Richard Curtis, le réalisateur, a lui-même reconnu ces lacunes. « Ma fille m’a fait comprendre que mes films manquent de diversité », a-t-il confié, cité par Télérama. L’omission de représentations LGBTQ+ ou de couples inter-culturels, combinée à une exotisation maladroite des cultures non britanniques, donne au film un caractère étroit, éloigné de l’inclusivité attendue dans une œuvre célébrant l’amour universel.