Le film de Bernardo Bertolucci devait être projeté à la Cinémathèque française le dimanche 15 décembre, avant que l’événement soit annulé face aux nombreuses critiques. On vous explique.
En juin 2024, le film Maria (sélection lors du dernier Festival de Cannes) revenait sur la vie de Maria Schneider après le tournage du Dernier tango à Paris et le traumatisme causé par une scène de viol tournée sans le consentement de l’actrice avec Marlon Brando.
Dans le film – qui relate la relation sulfureuse entre un Américain et une jeune femme –, le personnage de Maria Schneider subit une sodomie avec du beurre. Lors du tournage, l’actrice ne connaissait pas l’existence de ce passage, qu’elle a vite dénoncé comme étant un double viol (de la part de l’acteur et du réalisateur). Elle a ensuite dû vivre avec ce poids et ce traumatisme pendant des années. La scène, qui n’était pas non plus dans le scénario, a été imaginée un matin par Bernardo Bertolucci, le réalisateur, et Marlon Brando, qui ont volontairement laissé la jeune Maria Schneider dans l’ignorance, évoquant un besoin de « réalisme ». Provoquant des réactions très vives lors de sa sortie en 1972 (au point d’être classé X), Le dernier tango à Paris est devenu l’un des symboles des violences sexuelles et des violences faites aux femmes dans le cinéma.
Alors que la parole en France s’est libérée avec notamment les affaires Judith Godrèche, Caroline Ducey et Marianne Denicourt, la programmation annoncée du film Dernier tango à Paris à la Cinémathèque française a suscité l’indignation.
Une rétrospective Marlon Brando qui passe mal
Le temple du 7e art à Paris est en effet en pleine rétrospective de l’acteur Marlon Brando et diffuse plusieurs de ses films. Le dimanche 15 décembre devait ainsi se tenir la projection du Dernier tango à Paris. La rétrospective ne proposait ni médiation, ni avertissement, ni contextualisation du film ou de la scène de viol. Un choix qui a vite sévèrement critiqué sur les réseaux sociaux.
Plusieurs collectifs luttant contre les violences faites aux femmes (dont le collectif 50/50, spécialisé dans l’égalité, la parité et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel) ont dénoncé un choix irresponsable de la part de la Cinémathèque française. La journaliste et autrice du livre Désirer la violence, Chloé Tibaud, spécialiste du sujet, a notamment indiqué sur les réseaux sociaux que « c’est un devoir pour la société de ne plus présenter ces films sans aucun contexte ». Le tollé prend de l’ampleur, relayée et explicitée notamment par Judith Godrèche, et la Cinémathèque française annonce alors qu’un « temps d’échange » sera prévu avant la diffusion du film.
Seulement, le mal est fait et une partie du public ne comprend pas pourquoi un tel film est montré lors de cette rétrospective Marlon Brando – qui est également vivement critiquée –, d’autant plus alors qu’une autre affaire de violences sexuelles dans le cinéma est médiatisée en ce moment : le procès d’Adèle Haenel contre le réalisateur Christophe Ruggia, qu’elle accuse de l’avoir agressée sexuellement alors qu’elle était encore mineure. Si certains dénoncent une forme de « cancel culture », en estimant que le film peut et doit encore être montré, le choix de programmer le long-métrage de Bernardo Bertolucci sans prendre en considération les violences faites aux femmes dans le cinéma et la dignité des victimes, dont Maria Schneider – qui a souffert toute sa vie après ce film – ne passe définitivement pas.
La polémique prend de l’ampleur et la Cinémathèque française renonce finalement à diffuser Le dernier tango à Paris, invoquant une crainte pour la sécurité du public et du personnel, mais sans pour autant évoquer le fond du problème.