Critique

Derrière la façade, l’immobilier ne fait pas le bonheur

12 décembre 2024
Par Marion Olité
“Derrière la façade”, le 12 décembre sur Netflix.
“Derrière la façade”, le 12 décembre sur Netflix. ©Netflix

Après l’excellente Dead to me, la showrunneuse Liz Feldman revient le 12 décembre sur Netflix avec une nouvelle série portée par Lisa Kudrow, dans laquelle plusieurs couples convoitent une même maison aux sombres secrets.

En 2019, la comédie noire Dead to me, portée par les géniales Christina Applegate et Linda Cardellini et centrée sur l’amitié improbable entre deux femmes en reconstruction, avait ravi nos cœurs. Derrière ses rebondissements à la Desperate Housewives, la série parvenait à aborder avec pertinence des sujets sensibles comme la difficulté de faire son deuil, les relations sous emprise ou l’importance de la sororité. Forte de cette belle surprise, sa créatrice, Liz Feldman, a poursuivi sa collaboration avec Netflix. Elle revient avec Derrière la façade, une production en huit épisodes et centrée sur une obsession universelle de l’âge adulte : l’achat immobilier.

Une façade alléchante

Le show suit la mise en vente rocambolesque d’une superbe maison de style espagnol des années 1920, par Lydia et Paul Morgan, un couple endeuillé après la perte d’un enfant dans des circonstances floues. Trois couples vont alors faire des pieds et des mains pour décrocher la précieuse maison : Carla et Dennis, de jeunes mariés qui attendent leur premier bébé, Leslie et Sarah, un couple lesbien qui tente d’en avoir un, et Margo et JD, les voisins bling bling qui ne se plaisent plus dans leur maison trop high-tech. Le trailer de la série augurait d’un jeu de massacre réjouissant et d’une exploration mordante du couple contemporain.

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En effet, la production se distingue par un casting choral fort séduisant et les millennials seront plus que ravis de retrouver Lisa Kudrow. L’inoubliable Phoebe dans Friends tient ici le haut de l’affiche en pianiste touchante, incapable de jouer depuis la mort de son fils et à l’affût du moindre signe surnaturel de sa présence dans la maison familiale, qu’elle ne veut pas quitter.

L’actrice donne la réplique à Ray Romano (Tout le monde aime Raymond), qui fait lui aussi du bon boulot dans le rôle de son mari, dépassé autant par la situation que par ses propres émotions refoulées. Une grande partie de l’intrigue tourne autour de ce couple à la dérive, qui doit surmonter un deuil impossible.

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Linda Cardellini, qui brillait dans Dead to me, fait ce qu’elle peut dans un rôle plus archétypal, celui de la femme vénale, qu’on espérait plus complexe. Notons aussi les présences de Luke Wilson (Idiocracy), parfait en acteur has-been qui rêve d’un revival façon Kevin Costner dans Yellowstone, d’Abbi Jacobson (Broad City, Une équipe hors du commun) en sympathique apprentie détective un peu trop envahissante, ou encore d’O.T. Fagbenle, découvert dans The Handmaid’s Tale, et qui a ici bien du mal à gérer sa relation avec sa femme enceinte et avec sa propre mère très présente.

Dégât des eaux dans le scénario

Derrière la façade tient-il réellement ses promesses ? Si le show ne manque pas d’atouts sur le papier, le résultat à l’écran est malheureusement décevant. Malgré un casting réussi et une bande-son soignée avec ses solos de violon grinçants qui accompagnent parfaitement l’action, la sauce a du mal à prendre.

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La bande-annonce nous promettait une escalade féroce et potentiellement très drôle entre les couples pour obtenir la fameuse maison de rêve. Le genre de scénario qui a fait le succès d’une série comme Acharnés. Pourtant, il n’en est rien. Les trois couples ont assez de problèmes à gérer chez eux et se contentent plus ou moins de faire des offres aux propriétaires et de débarquer chez eux pour des visites inopinées. On a connu plus haletant.

Chacun semble évoluer dans une production différente : Sarah et Abbi dans une comédie de détectives, Carla et Dennis dans une sitcom familiale afro-américaine, JD et Margo dans une mauvaise parodie de soap… Les propriétaires évoluent, eux, dans un drame familial beaucoup plus lourd. Ces différents univers ne se rencontrent jamais vraiment et, quand le scénario tente de les réunir, tout sonne faux.

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Pour combler les failles d’un script qui échoue à exploiter correctement sa situation initiale, les rebondissements s’enchaînent, jusqu’à devenir de plus en plus hors-sol. Les ellipses mal choisies émaillent la série, qui ne trouve jamais vraiment son rythme. À tel point qu’on se demande ce qui s’est passé au montage.

Certaines situations annoncées par les personnages n’ont tout simplement pas lieu – par exemple, la très apprêtée Margo propose à l’austère Lydia de la maquiller, cette dernière accepte, mais on ne verra jamais cette scène de makeover prometteuse. Trop empêtré dans ses multiples sous-intrigues laborieuses, le show en oublie l’essentiel : raconter une histoire qui implique les spectateurs et donner corps à ses personnages.

Des couples en carton-pâte

L’auscultation promise du couple contemporain se révèle superficielle. Ces derniers ne sont caractérisés que par leur problème désigné : la PMA, gérer sa belle-famille, les mensonges ou encore le deuil. Si on peut se réjouir de la diversité des représentations proposées – on suit un couple afro-américain, un couple lesbien, un couple hétérosexuel et un couple avec une femme bisexuelle –, la série rate sa mission première, celle de nous faire rentrer dans l’intimité de ces couples et de nous faire réfléchir à la conjugalité.

©Netflix

Sur le sujet du couple traité dans toute sa complexité, on se tournera donc davantage vers des séries comme The Affair, This is Us, Scenes From a Marriage ou encore Big Little Lies. Et puis, la comédie noire est un genre délicat : il s’agit à la fois d’aborder des thèmes traditionnellement perçus comme sombres, d’aller gratter là où ça fait mal et d’arracher un sourire au public avec des dialogues décalés ou des situations sortant de l’ordinaire. Avec Dead to me, Liz Feldman avait trouvé ce point d’équilibre. Ce n’est malheureusement pas le cas avec Derrière la façade. La maison était belle de l’extérieur, mais, à y regarder de plus près, toutes les fondations sont à revoir.

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