“Mais t’es où Philippe là ? / Ben j’suis sous mon bob.” C’est avec ces mots que débute Zouzou, le nouvel album de Philippe Katerine, un concentré de chansons un brin zinzins, d’une liberté de ton jouissive et parfaitement revigorantes. Entretien.
D’un dialogue surréaliste avec son sexe sur un prélude de Bach à des imitations de Clara Luciani et Zaho de Sagazan, Zouzou, le nouvel album intimiste de Philippe Katerine, ne manque pas de fantaisie et d’audace. Aussi poétique que politique, il figure parmi ses meilleurs, se situant entre le mélancolique Mes mauvaises fréquentations (1996), un petit chef-d’œuvre à (re)découvrir, et le déjanté Robots après tout (2005). L’Éclaireur l’a rencontré pour évoquer cette mise à nu merveilleusement percutante.
Pouvez-vous nous expliquer le titre de ce nouvel album ? D’où vient son nom ?
Zouzou est, en réalité, le nom de ma chienne de 4 ans qui est très mélancolique, comme moi, mais il se rapproche aussi de Zazou, créant un lien avec Brigitte Fontaine. C’est aussi une injonction : « Allez zou ! ». Ce mélange m’a complètement séduit.
Vous avez dévoilé Nu, le premier single de Zouzou, lors de la cérémonie des Jeux de Paris 2024, en tenue d’Adam. Vous attendiez-vous à des réactions aussi extrêmes ou opposées ?
Je savais que cette prestation aurait un certain impact, mais pas à ce point ! D’autant qu’elle a duré à peine un peu plus d’une minute. Finalement, certaines personnes ont davantage été choquées par l’évocation du tableau Le Festin des dieux de Jan van Bijlert, pensant qu’il s’agissait de La Cène de Léonard de Vinci, que par le fait de me découvrir nu à l’écran. Aussi, la présence sur le plateau de drag queens a heurté certains esprits chagrins, mais, au final, le sport l’a emporté ! J’ai par contre halluciné de voir les réactions en Chine, qui n’ont pas été pour me déplaire. La reproduction qu’ils ont fait de cette scène est d’une nature enfantine, loin de toute prêtrise. Chacun voit midi à sa porte !
Après Nu, vous enfoncez le clou avec Que deviens-tu ?, dans lequel vous prenez des nouvelles de votre verge. Peut-on y voir une forme de douce provocation ou une envie de titiller certains esprits moralisateurs ?
Pas du tout ! Ce n’est pas mon dada. Je travaille davantage sur mes angoisses et ma mélancolie. Si je voulais provoquer, je m’y prendrais autrement. Comme le reste du corps, la verge vieillit. Il ne faut pas pour autant la négliger. Instaurer un dialogue me semble aussi nécessaire que naturel.
Cette chanson qui traite finalement du vieillissement repose sur un prélude de Bach. Comment l’idée vous est-elle venue ?
Je l’écoutais à la radio, en dessinant une maison et je chantais en même temps cette mélodie. Ces mots me sont venus automatiquement. Je ne sais pas vraiment pourquoi, comme un collage surréaliste. J’ai voulu respecter cette instantanéité et l’enregistrer telle quelle.
Quel est votre rapport à la musique de Bach ?
C’est la base. Jean-Sébastien Bach porte bien son nom, puisqu’on dit “come back” et j’y reviens régulièrement. Sa musique est ma source. Elle est aussi élégiaque que mathématique, les deux s’y rejoignent dans un dialogue somptueux.
À l’image de la chanson Cinéma, Zouzou est constituée de plusieurs arrangements organiques qui évoquent votre concert avec l’orchestre philharmonique de Radio France à l’Hyper Weekend Festival, en 2022…
Dans un premier temps, j’ai composé cette chanson tout simplement à la guitare, puis j’ai voulu lui apporter du lyrisme et du romanesque. Pour ce faire, je me suis tourné vers Henri Lucas qui a effectivement arrangé l’orchestre philharmonique de Radio France pour la création de la deuxième édition de l’Hyper Weekend Festival. Il s’est occupé des arrangements de cordes de ce titre, mais tous les autres ont été réalisés par le multi-instrumentiste Adrien Soleiman et Victor le Masne.
Dans Total à l’ouest, il est question de vos origines vendéennes. On sent que vous y êtes attaché. Quel est votre rapport à vos origines ?
Nous avons réalisé un arbre généalogique du côté de ma mère et de mon père. Les deux s’enracinent totalement en Vendée. Certains ne savent pas d’où ils viennent, ça peut être une chance ou une malchance. Moi, je ne le sais que trop bien. J’adore évidemment cette région d’où me viennent cette colère rentrée et ces manières avenantes. Les Vendéens ont envie de tendre la main au monde entier, c’est une évidence !
Mais dans cette chanson, vous revendiquez aussi votre façon d’être parfois à l’ouest…
C’est comme ça que je me sens : complètement à côté de la plaque. Je ne suis pas dans le réel ou dans le pratique. La plupart du temps, je ne m’en plains pas, mais, attention, il y a des inconvénients !
Dans Une chambre à moi, composée avec Flavien Berger, vous chantez votre envie de jouer du saxophone pour vous-même. En jouez-vous vraiment dans l’intimité ?
Oui ! J’en ai un chez moi qui s’appelle Jean-Philippe. À l’époque, en 1979, il faisait partie de la fanfare des forces armées tchèques. De celui-ci, j’ai dû en jouer une dizaine d’heures dans ma vie, mais d’autres, j’en joue régulièrement. Sans connaître le solfège, ce qui est mon cas, on peut arriver à s’amuser facilement avec, ce qui n’est pas le cas avec la trompette, par exemple. Avec le saxophone, j’arrive très aisément à sortir un son et à improviser. Ça m’amuse, mais beaucoup moins mes colocataires.
Parmi vos colocs, il y a votre fille avec qui vous avez écrit La Chanson d’Edie et qui fait des imitations d’Angèle, de Camélia Jordana, de Pomme, de Clara Luciani ou de Juliette Armanet…
Elle s’est découvert ce don il y a trois ans. Elle a une grande facilité pour ça, et il me semblait que c’était un bon moyen pour exprimer qui nous sommes : c’est-à-dire pas singuliers, mais complètement pluriels. Clara Luciani, Camélia Jordana, avec qui j’ai déjà chanté, Juliette Armanet… Elle les adore et moi aussi, ça tombe bien ! Elle les imitait toutes, sauf Zaho de Sagazan. Je lui ai proposé d’essayer. En 30 minutes, elle y est arrivée. En tant que père, je peux être fier !