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Caméra embarquée dans le frigo : véritable arme antigaspi ou gadget ?

31 octobre 2024
Par Alexandra Bellamy
Caméra embarquée dans le frigo : véritable arme antigaspi ou gadget ?
©Smarter

L’idée d’installer une caméra à l’intérieur d’un réfrigérateur est loin d’être nouvelle. L’objectif : faciliter la gestion des stocks de nourriture et réduire le gaspillage alimentaire. Les technologies évoluant – on pense notamment à l’intelligence artificielle et à la reconnaissance d’images –, où en est-on en 2024 ?

Équiper un réfrigérateur d’une caméra : l’initiative peut encore sembler saugrenue aujourd’hui. Pourtant, elle est loin d’être récente. Dès 2016, Samsung dévoilait au CES de Las Vegas son réfrigérateur Family Hub pourvu de caméras et d’un grand écran en façade. Cela fait presque dix ans qu’on voit de tels prototypes se succéder chez différents fabricants (Samsung, mais également Haier, Bosch et Siemens, LG, Liebherr…) voire quelques modèles fonctionnels être commercialisés.

Réfrégirateur intelligent Samsung
Le Samsung AI Family Hub+ est l’un des rares modèles fonctionnels actuels embarquant une caméra et un système de reconnaissance d’aliments.©Samsung

Qu’est-ce qu’une caméra peut donc bien faire dans un “frigo” ?

On ne va pas se mentir, le but ultime auquel les fabricants aspirent est de parvenir à ce que le réfrigérateur reconnaisse les denrées et mette à jour automatiquement les stocks d’aliments, en comptabilisant tous ceux qu’on place dedans et qu’on retire. Il pourrait alors suggérer des listes de courses, voire commander automatiquement au Drive, envoyer des rappels lorsque certains aliments arrivent à la date de péremption et même en tenir compte pour conseiller des recettes quotidiennement. On n’est pas encore arrivé à un tel niveau de maturité (même si l’intelligence artificielle peut déjà nous aider), loin de là. À ce jour, voici les fonctions assumées par ces appareils.

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Aide-mémoire pour les courses

C’est la fonction la plus répandue et d’ailleurs la seule remplie par les modèles les plus basiques : prendre des photos de l’intérieur du réfrigérateur à chaque ouverture-fermeture de la porte, puis les transmettre à l’utilisateur dans l’application. Un doute pendant les courses ? Il peut ainsi vérifier s’il faut acheter à nouveau des yaourts ou du beurre… Il existe même des caméras à installer dans n’importe quel réfrigérateur pour remplir cette mission. On peut citer la Smarter FridgeCam, distribuée de manière très confidentielle en France. On peut également évoquer la caméra HNGRYnsite, qui elle, sera commercialisée par Liebherr en fin d’année (150 €) et compatible avec les réfrigérateurs de toutes marques – elle se pose tout simplement dans la porte.

La caméra Liebherr HNGRYnsite
La caméra Liebherr HNGRYnsite prend une photo après chaque fermeture de porte et l’envoie sur l’appli. Pour gérer plus finement les stocks de nourriture (par saisie manuelle), a priori, il faut un abonnement (xtraHNGRY).©Liebherr

Aide à la gestion des stocks

On peut se servir de cette fonction pour suivre ses stocks de nourriture, préparer ses listes de courses et pourquoi pas ses repas, mais cela n’est pas entièrement automatisé, même dans le cas des appareils les plus élaborés qui reconnaissent les aliments. Pour avoir une vision exhaustive de ce qu’on a dans son réfrigérateur, il faut compléter manuellement.

Surveillance des dates de péremption

Voilà une promesse intéressante. En effet, en France, le gaspillage alimentaire des ménages représente plus de 4 millions de tonnes de nourriture par an. Un petit coup de pouce ne serait donc pas superflu, par exemple une notification avant que le dernier yaourt oublié au fond d’une clayette doive être jeté.

Hisense RQ760
Sur son RQ760, Hisense propose une fonction inventaire qui fonctionne manuellement, sans caméra. Il faut renseigner soi-même les entrées-sorties d’aliments ainsi que les dates de péremption.©Hisense

Idées recettes

Le must, ce sont des idées de recettes pour les repas du quotidien, qui utilisent les aliments qu’on a en stock ou, mieux, en donnant la priorité aux aliments dont la date de péremption est la plus proche. Le nouveau Samsung Family Hub+, relié à l’application de recettes Samsung Food, en est capable.

Encore trop de contraintes et limitations

Bien que les fabricants s’y essaient depuis pas loin d’une décennie, ces technologies n’ont pas encore atteint leur pleine maturité. Selon nous, pour que la proposition soit pertinente, certaines contraintes ou limites doivent absolument être levées.

D’abord, même en intégrant plusieurs caméras dans la cavité du réfrigérateur, il est impossible d’avoir une vue globale de tous les recoins : clayettes, balconnets, bac à fruits et légumes… Il faudrait truffer l’appareil de caméras et encore… Grâce aux photos capturées, on peut donc voir une partie des aliments qu’on a en stock, mais pas la totalité. Rien que sur les clayettes, il est bien compliqué d’apercevoir ce qui se trouve derrière les aliments rangés au « premier plan ». D’ailleurs, toutes les démonstrations auxquelles nous avons pu assister sont réalisées avec des clayettes à moitié vides… Or, est-ce bien à ce moment, quand le réfrigérateur est quasiment vide, qu’il est le plus pertinent de vérifier ce qu’on a en stock pendant qu’on fait ses courses ?

Ensuite, en ce qui concerne la gestion des stocks, l’idéal serait que les aliments qui entrent et sortent soient automatiquement reconnus et comptabilisés. Or, malgré les progrès effectués en matière de reconnaissance d’objets, on n’y est pas encore. Par exemple, le Samsung AI Family Hub+, l’un des modèles les plus récents et élaborés, reconnaît actuellement jusqu’à 33 aliments grâce à sa fonction AI Vision Inside. Il va certes progresser et en identifier de plus en plus, mais pour l’instant, il faut combler manuellement.

réfrigérateur intelligent de Samsung
Pour l’instant, le réfrigérateur intelligent de Samsung ne suggère pas de dates de péremption ; il faut les saisir à la main, une à une, ce qui peut s’avérer fastidieux.©Samsung

Et même si on compte sur la progression de la reconnaissance visuelle, quid des aliments rangés dans des boîtes ou placés dans un récipient recouvert avec une feuille d’aluminium ? Pourtant, c’est justement ce que font de nombreuses familles qui ne veulent pas gaspiller – et on ne parle même pas des adeptes de batch cooking…

Enfin, si le but est d’en finir avec le gaspillage en gérant mieux les dates de péremption, il n’y a pas vraiment de solution entièrement automatisée pour l’instant non plus. Or, il n’est pas évident que l’on se prête à l’exercice à chaque nouvel aliment placé dans le réfrigérateur…

Pas vraiment de modèle fonctionnel commercialisé aujourd’hui

Là encore, certains fabricants (comme Bosch et Siemens) ont essayé d’automatiser la gestion des dates de péremption. Par exemple, sur le site de Bosch, on trouve des références à des technologies de ce type : deux caméras prennent des photos à chaque fermeture de porte. Il est précisé que « l’aliment n’est pas seulement reconnu, il reçoit même une date de péremption recommandée et est enregistré dans un inventaire. Si un aliment approche cette date, l’application te le rappelle automatiquement. »

Bosch
Exemple de fonctionnalité envisagée par Bosch il y a quelques années. Comme souvent, les démonstrations sont réalisées avec des clayettes peu chargées.©Bosch

Mais aucune des deux marques (Bosch et Siemens) ne commercialise actuellement de réfrigérateur équipé de caméras intelligentes en France. Pas plus que Haier, qui évoque pourtant sur son site cette technologie d’inventaire exploitant des caméras embarquées ; le modèle multiporte Cube 90 Series 9 en a bénéficié, mais il n’est plus disponible. Ni Haier ni Candy ne proposent de telles fonctions sur le marché français au moment où nous écrivons ces lignes.

En bref, hormis Samsung qui persévère, la plupart des marques qui ont travaillé sur la question ont abandonné ou sont revenues en arrière (à l’instar de Liebherr qui a finalement fait le choix d’une caméra à ajouter comme accessoire avec des fonctionnalités bien moins élaborées). Il est difficile de dire si les caméras embarquées pourront un jour constituer une aide antigaspi pertinente ou si les fabricants opteront finalement pour des solutions totalement différentes.

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Article rédigé par
Alexandra Bellamy
Alexandra Bellamy
Journaliste