Originaire de Clermont-Ferrand, The Doug dévoile Réparer, un premier album cathartique poignant, mais aussi un antidouleur ! Comme sur sa pochette, Jules Garnier, de son vrai nom, s’y met à nu. À travers son portrait, l’artiste dresse celui d’une jeunesse de province désenchantée, non sans humour ! Rencontre.
Après une Cigale, à Paris, une tournée en Angleterre aux côtés d’Éric Cantona, et des Zéniths (des hôtels, bars et restaurants portant ce nom), The Doug repartira cet automne sur la route défendre son premier album Réparer, un disque naturaliste qui évoque le cinéma de Ken Loach ou de Bruno Dumont : sombre et réconfortant, tragique et lumineux !
D’où vous vient votre nom de scène, The Doug ?
Quand j’étais au collège, mon frère avait un ami écossais qui s’appelait Douglas. Je trouvais ça fou qu’un mec puisse s’appeler ainsi à Clermont-Ferrand. Je lui ai alors emprunté son nom, le précédant de The. À cette époque, j’imaginais que je pourrais monter un groupe de musique en anglais. Finalement, je chante en solo et en français ! [Rires]
La pochette de votre album est ambiguë, vous y apparaissez nu, comme dans vos chansons ?
Oui ! Réparer est autant une mise à nu qu’une thérapie. Sur cette pochette, on ne sait pas trop si je suis mal en point ou en train de faire une sieste réparatrice en me prenant dans mes propres bras comme si je me régénérais. Certains y voient aussi un addict au crack faire une overdose. En effet, elle est volontairement ambiguë.
Mais cette photo de Maya Le Bars fonctionne bien avec le titre de l’album, Réparer. J’avoue que ça n’a pas été facile de convaincre tout le monde de s’arrêter sur ce choix, mais moi, j’en avais la conviction.
Il est d’ailleurs question d’excès dans la chanson On savait s’amuser.
Oui ! Cette chanson parle de vie alternative en province, de cette façon dont certains jeunes vivent au rythme des rave-parties et de toute cette insouciance mêlée à la drogue qui peut virer au drame.
Certaines chansons sont particulièrement sombres. Le titre de l’album, Réparer, est-il annonciateur d’espoir ?
Au final, je pense que cet album n’est pas si nihiliste que ça. Il y a toujours une lueur d’espoir. Il est construit pour aller de l’obscurité vers la lumière, au fur et à mesure des morceaux. Les chansons sont un brin déprimantes, mais il y a toujours un peu d’humour salvateur dedans.
Il y a aussi des chansons d’amour comme Fou. De quoi parle-t-elle exactement ?
J’ai dragué mon amoureuse pendant longtemps. On avait commencé à se fréquenter, mais, du jour au lendemain, elle m’a dit “ciao, bye bye”. Il y a un peu plus d’un an, elle est revenue vers moi. Nous sommes encore ensemble. Mais, sur le moment, j’étais déboussolé.
Cette chanson raconte ce moment d’incompréhension. J’avais été blessé et je me demandais si, en acceptant de la retrouver, je n’allais pas droit dans le mur.
Vos chansons racontent des histoires, comme des petits films. Le cinéma vous inspire-t-il ?
Oui, plutôt, mais je m’y suis intéressé tard. J’aime beaucoup les débuts de Winding Refn, mais aussi les films de Kelly Richards et Wim Wenders. Dernièrement, j’ai vu Sombre, un film français de Philippe Grandrieux sous-exposé, sorti en 1999. Génial ! Dans un autre registre, le documentaire de Christine Angot, Une famille, est aussi très fort !
Au début, la presse vous a beaucoup comparé à Alain Bashung. Encore aujourd’hui, ça vous énerve ?
Non ! Mais, je ne l’écoutais pas tant que ça, même si La Nuit je mens est une de mes chansons françaises préférées. Je pense que c’est davantage notre tessiture vocale qui nous rapproche.
Une de vos chansons s’intitule Boomerang, peut-on y voir un clin d’œil à celle écrite par Serge Gainsbourg : Comme un boomerang ?
Pas du tout ! C’est un hasard ! Je n’ai pas pensé à cette chanson en écrivant la mienne, mais la métaphore fonctionne. Bien joué à lui de l’avoir trouvée en premier ! [Rires]
La guitare domine sur votre album, quel rapport entretenez-vous avec cet instrument ?
Je ne viens pas d’une famille de musiciens. À l’âge de 15 ans, mon frère voulait absolument une guitare pour faire le kéké au collège puis au lycée. À cette époque, nous écoutions du rock et du heavy metal. Moi, j’avais 12 ans, et j’ai eu envie de faire comme lui, de le copier, alors, j’en ai demandé aussi une à ma mère qui nous en a offert une à chacun. Nous avons même pris quelques cours dans une association du coin.
Au départ, je m’en servais juste pour m’accompagner, puis l’instrument m’a suivi. Au lieu de rapper sur des instrus comme tous ceux de mon lycée, j’ai commencé à composer sur ma guitare, ce qui a participé à définir inconsciemment mon style. Aujourd’hui, c’est mon principal outil de travail. Je ne me vois pas en changer. J’aime le son qui en émane, ce timbre folk et rock qu’elle apporte. Tout l’album a été composé ainsi, à l’exception de deux titres issus de boucles de piano.
Vous incluez-vous dans cette nouvelle génération qui décloisonne les genres musicaux ?
Oui ! J’écris des chansons avec des influences qui viennent du rock, du rap, de styles même beaucoup plus extrêmes que ma musique. Je dilue tout ça pour réaliser des morceaux teintés de rock ou de rap… Je ne me fixe aucune limite.
Qu’écoutiez-vous quand vous étiez adolescent ?
Du rap, mais aujourd’hui, je n’en écoute quasiment plus. Le groupe qui m’a le plus influencé vient du Texas : Brockhampton. Mais, j’étais aussi fan de Kendrick Lamar ou Youngstown, de trucs débiles comme d’autres plus malins. Mes années lycée ont été marquées par un retour au rap à l’ancienne en France, avec des groupes comme 1995. J’aimais aussi beaucoup Orelsan et ses textes très percutants.
Et aujourd’hui ?
En ce moment, j’écoute Jamie XX, Overmono et toujours The Radio Dept., des groupes shoegaze. Ça s’en ressent dans ma musique, mais par petites touches seulement.