Décryptage

Pourquoi Hollywood réadapte autant de sagas cultes en séries ?

06 août 2024
Par Hanneli Victoire
Les huit films “Harry Potter” sont disponibles sur Max, en attendant de retrouver la série.
Les huit films “Harry Potter” sont disponibles sur Max, en attendant de retrouver la série. ©Warner Bros.

Avec les reboots de Harry Potter et Twilight sur petit écran, ces œuvres s’offrent une nouvelle jeunesse et prennent le pari de séduire de nouveau leurs fans.

Alors que l’annonce du retour des livres Harry Potter en série par HBO était encore fraîche, Lionsgate Studio déclarait vouloir faire de même avec Twilight. Déjà adaptés en films cultissimes dans les années 2000, ces best-sellers n’ont pas fini de déployer leur potentiel audiovisuel. Cependant, ces décisions interrogent : pourquoi adopter une telle stratégie alors que les adaptations cinématographiques ont déjà été de francs succès ? Décryptage d’un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

Des films cultes pour toute une génération

C’était en juin dernier. Le mastodonte de l’audiovisuel HBO précisait les contours de l’adaptation de la saga Harry Potter en série, prévue pour 2026, en présentant la principale showrunneuse, Francesca Gardiner (aussi derrière Succession). Depuis l’annonce du reboot des aventures du plus célèbre des sorciers sur petit écran, les équipes distillent au compte-gouttes les informations pour faire monter la sauce.

Vidéo d’annonce de la série Harry Potter.

Chaque saison devrait suivre un livre de la série littéraire originelle, qui en compte sept, et la production devrait s’étaler sur plus de dix ans. Une ambition démesurée quand on connaît le succès phénoménal de la première adaptation en films, propulsant dans le star system le trio d’acteurs Daniel Radcliffe, Emma Watson et Rupert Grint, en 2001, alors qu’ils avaient tout juste 11 ans.

Est-ce un pari risqué ? Pas vraiment, pour la docteure en études cinématographiques et audiovisuelles Maureen Lepers : « Quand les productions misent sur des franchises installées, avec une fanbase, le public est déjà sécurisé grâce aux adaptations passées. Ce n’est pas le propre de toutes les séries du monde, c’est une logique hollywoodienne, de consensus, qui doit rapporter le plus possible. Ce genre de format familial avec un gros capital culturel ne prend aucun risque, dans une industrie qui cherche à les limiter. »

Daniel Radcliffe, Rupert Grint et Emma Watson.©Warner Bros.

Bien qu’elle soit la franchise la plus célèbre au monde, Harry Potter n’est pas la première saga à user de ce procédé. En effet, les trilogies Star Wars des films un, deux, trois, datant des années 2000, puis des films sept, huit et neuf dans les années 2010, sont d’abord les prequels (histoire qui arrive avant l’originale) et des sequels (suite de l’histoire originale) de la trilogie des années 1980, qui ont chacune connues de très bons succès.

Une logique étendue à chaque grosse franchise

Derrière l’idée de proposer des reboots, des prequels, des spin-offs (histoire avec d’autres personnages du même univers) ou des suites se trouve la logique d’univers étendu, comme l’explique Maureen Lepers : « Aujourd’hui, en termes d’écriture, pour que la franchise s’installe, il faut qu’elle soit étendue. Ce concept est né avec Marvel et les premiers films Avengers. Ça a changé la donne sur plein de choses. De nos jours, les grosses franchises tendent vers ça. » Twilight, Hunger Games, Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter, Star Wars, Marvel ou Game of Thrones sont autant de franchises populaires, au public déjà bien acquis, ayant provoqué la production de nouveaux projets.

Bande-annonce de Twilight, Chapitre 1 : Fascination.

Outre l’immense succès de ces sagas à l’écran, leur premier point commun, mis à part Star Wars, est d’être issues de séries littéraires, comme le souligne Maureen Lepers. « Une des matrices du cinéma hollywoodien depuis ses débuts, c’est l’adaptation cinématographique, comme Autant en emporte le vent ; ce n’est pas une nouveauté. L’industrie hollywoodienne, qu’il s’agisse du cinéma ou des séries, est en tension entre la standardisation et l’innovation. La question n’est pas de se renouveler. »

Tom Blyth et Rachel Zegler dans Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur.©Lionsgate

Plus particulièrement Twilight, Hunger Games ou Harry Potter sont des séries jeunesse, destinées à un public d’ados et jeunes adultes qui, bien qu’il vieillisse, se renouvelle à l’infini, ce qui active un levier générationnel entre les ados d’hier, devenus adultes, et leurs enfants. « La nostalgie marche très bien, on l’a vu avec Stranger Things, explique la spécialiste. Les franchises type Harry Potter ou Twilight sont des sagas historiques qui fonctionnent extrêmement bien en littérature jeunesse, toujours en top ventes dans le monde entier. Ce sont des jalons culturels. »

Des adaptations en série plutôt qu’au cinéma

Si plusieurs sagas ont déjà connu de premières extensions, avec la trilogie du Hobbit pour le Seigneur des Anneaux ou des Animaux fantastiques pour Harry Potter, force est de constater que, de nos jours, les projets télévisés sont davantage plébiscités. « La logique d’aller vers la série plutôt que le cinéma est plus intéressante financièrement, affirme Maureen Lepers. Elle est plus rentable, car elle n’a pas besoin de faire un nombre d’entrées pour rentrer dans ses frais. »

Elle poursuit : « Dans l’industrie du cinéma actuelle, les films ne sont pas rentables tout de suite, il faut une très grosse sortie de salle, puis une forte exploitation vidéo. Pour les plateformes, une fois que tu es abonné, c’est plus simple. » Est-ce le risque de voir les qualités artistiques décroître et les histoires s’essouffler au profit d’une logique de rentabilité et de création de contenus à tout prix ?

House of the Dragon est une série spin-off de Game of Thrones.©HBO

D’après l’experte, cela dépend fortement du projet et de la plateforme, explique-t-elle en citant notamment House of the Dragon, le spin-off de Game of Thrones. « L’assise des séries est très récente. Le monde de la télévision a beaucoup changé ces 15 dernières années, particulièrement avec Netflix et les autres plateformes. Il faut tenir la promesse de la nouveauté et, pour capter de nouveaux abonnements, il faut des produits d’appel très forts. »

« Ces grosses sagas permettent aussi de développer des séries parallèles plus originales, d’auteurs moins connus, conclut-elle. Par exemple, il y a plus de risques scénaristiques sur House of the Dragon grâce à l’assise de Game of Thrones, qui était plus conventionnel. » Alors que la suite des Anneaux de pouvoir, le prequel du Seigneur des Anneaux, arrive à la fin de l’été, on attend avec impatience les nouveaux projets.

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