Héros emblématique de l’écurie Marvel depuis plus de 60 ans, les X-Men sont depuis toujours un formidable terrain de jeu pour les scénaristes. Rejet de l’autre, le vivre-ensemble, réflexions sur l’humanité… quand ils ne combattent pas des monstres venus de l’espace, ces mutants s’interrogent finalement sur un sujet bien plus complexe : l’être humain.
C’est assurément l’un des films les plus attendus de l’été, si ce n’est LE plus attendu ! Six ans après sa dernière aventure, le mercenaire le plus barré de l’univers Marvel, Deadpool, fait son grand retour au cinéma en cette fin juillet.
Pour ce troisième opus, l’anti-héros incarné par Ryan Reynolds partage l’affiche avec le mutant le plus connu du grand public : Wolverine. Vingt-quatre ans après avoir endossé les griffes pour la première fois et sept ans après son “adieu” déchirant dans Logan, Hugh Jackman est bel et bien de retour dans le rôle qui l’a rendu mondialement célèbre.
Pour ce nouvel opus, l’acteur campe une version inédite à l’écran du mutant, conséquence du multivers et de l’acquisition par Marvel Studios (en réalité Disney) de la Fox, et donc des droits cinématographiques des X-Men. Le calcul est donc simple : les mutants font désormais partie du Marvel Cinematic Universe et devraient dans un avenir plus ou moins proche côtoyer les Avengers. Reste seulement à savoir quand et comment ! Une chose est sûre, intégrer des personnages tels que Magnéto, Professeur X, Storm ou Jubilee apportera un vent de fraîcheur… et pas seulement côté casting.
Tout comme Captain America – Le Soldat de l’Hiver questionnait les conflits mondiaux et la notion de vie privée, les futurs films consacrés aux X-Men seront un formidable terrain de jeu pour aborder des questions sociales pas forcément attendues dans un blockbuster à plusieurs millions de dollars.
Entre rejet de l’autre et peur de soi-même, la communauté mutante de l’univers Marvel n’a cessé de questionner depuis ses débuts les notions de lutte sociale et de militantisme, et d’interroger la place des minorités au sein de la société américaine. Comme un symbole, les X-Men font leur grands débuts en 1963, année riche en événements aux États-Unis : George Wallace est investi gouverneur d’Alabama avec comme programme “la ségrégation pour toujours”, des émeutes raciales éclatent dans le pays, Martin Luther King est arrêté après une mobilisation pour les droits civiques, deux étudiants noirs sont admis à l’université de l’Alabama ou encore Martin Luther King qui prononce son célèbre “I Have a dream”, après une gigantesque marche pour les droits civiques à Washington.
Être ou ne pas être mutant, telle est la question
Dans une époque où beaucoup sont mis de côté, le monde des comics accueillent alors de nouveaux personnages, vivant cachés au sein d’une société qui ne s’intéresse pas à eux, ne les inclut pas et/ou est effrayée par leurs capacités. Peu importe qu’ils puissent voler, lire dans les pensées, se métamorphoser ou trancher tout ce qu’ils veulent, ces êtres surhumains ou mutants n’ont d’autre choix que de vivre reclus dans un gigantesque manoir… comme un asile éloigné du “monde normal”. En parallèle des aventures de Captain America ou de Spider-Man, les X-Men sont confrontés à un défi alors inédit : la défense des droits des mutants dans une société qui les perçoit comme une menace potentielle. Considérés comme une dégénérescence ou, à l’inverse, comme la prochaine étape de l’évolution de l’espèce humaine, cette communauté incarne ainsi une véritable fiction-chorale questionnant l’évolution au sens large de l’individu et de la société.
D’ailleurs, les X-Men ne sont pas de simples justiciers combattant le crime : il s’agit d’une équipe se consacrant à la défense des droits des mutants et à pacifier leurs rapports avec le reste de la population. Une lutte qui relève davantage du militantisme, face à l’Humanité et des oppresseurs différents que sont des politiciens fermement décidés à combattre cette nouvelle espèce. Parfait parallèle des minorités qui cherchent à faire valoir leurs droits, les mutants se divisent entre ceux qui veulent bâtir un monde unifié et pacifique, et ceux qui veulent dominer le monde, à l’image du célèbre antagoniste Magnéto.
Lui, l’enfant déporté dont les pouvoirs se sont manifestés pour la première fois dans les camps de concentration, garde depuis toujours une haine terrible envers l’être humain. Souvent, peu importe qu’ils soient bons ou méchants, les mutants sont stigmatisés et font peur. Un rejet également dû à l’apparence physique : Fauve, énorme créature velue, Diablo, vu comme le fils de Satan, Angel, contraint de cacher ses ailes, ou Cyclope, qui n’a d’autre choix que de porter des lunettes spéciales pour éviter que les rayons qui sortent de ses yeux ne fassent des ravages, en sont les meilleurs exemples.
Une équipe qui a su évoluer avec son public
Plus proches du “monstre de foire” que du super-héros invulnérable et adulé, les X-Men sont aussi l’occasion d’aborder le sujet des minorités sexuelles et de genre, dont la question n’a cessé de grandir au fil du temps. Dans les années 1960, les critiques et analystes traçaient un parallèle avec la situations de personnes LGBT et la discrimination qu’elles subissaient. Avec l’ajout de nouveaux personnages dans les années 70, le combat militant de ces héros ne se limite plus à une seule métaphore et les mutants X-Men pouvaient désormais être des adolescents, des homosexuels, des Afro-Américains ou des enfants d’immigrés. Tous ces jeunes mutants représentent cette jeunesse, issue de n’importe quelle minorité, en rébellion contre les générations précédentes. Tandis que l’homosexualité se fait de plus en plus revendiquée dès les années 90, les X-Men illustrent à nouveau cette tendance alors que la reconnaissance des mutants prend progressivement la forme d’un vaste coming-out.
Les pouvoirs ont alors une nouvelle symbolique : ils sont ceux que l’on découvre à l’adolescence, que l’on cache ou que l’on arbore fièrement ou qui conduisent parfois au rejet de la famille. De Charles Xavier avouant sa condition mutante aux médias jusqu’au jeune Iceberg, exclu par ses parents, plusieurs scènes-clés évoquent le traitement de la condition homosexuelle. Comme un symbole, il faut attendre 2012 pour que les fans assistent à l’un des rares mariages homosexuels représentés dans les comics de super-héros, un an avant que le mariage pour tous soit par exemple autorisé par la loi en France. Arrivée en début d’année sur Disney+, la série animée X-Men 97′ revisite justement cette période des années 90. L’un des meilleurs moyens, en attendant le développement futur des X-Men dans l’Univers Cinématographique Marvel, de replonger dans toutes ses problématiques essentielles pour les mutants, coincés dans un monde partagé entre la fascination et la crainte.
