Décryptage

Les Cahiers d’Esther : comment dire au revoir à l’héroïne de Riad Sattouf ?

05 juin 2024
Par Clara Authiat
Le neuvième et ultime tome de la saga à succès “Les Cahiers d'Esther” de Riad Sattouf est attendu le 6 juin 2024 en librairie.
Le neuvième et ultime tome de la saga à succès “Les Cahiers d'Esther” de Riad Sattouf est attendu le 6 juin 2024 en librairie. ©Allary Éditions

Le neuvième et dernier tome des Cahiers d’Esther de Riad Sattouf paraît ce 6 juin. Depuis neuf ans, les aventures de la jeune fille accompagnent les lecteurs et lectrices de tous les âges. Comment se préparent-ils à s’en séparer ?

Le rendez-vous était fixé depuis longtemps. « C’est la contrainte que je m’étais donnée : arrêter la série quand Esther aurait atteint l’âge de 18 ans. Quand j’ai démarré, cela me semblait très, très loin, 18 ans. Et puis, pof, c’est arrivé ! », reconnaît Riad Sattouf dans les colonnes de L’OBS, dans lequel les planches des Cahiers d’Esther sont publiées chaque semaine depuis 2016. Lorsque la série débute, Esther a 10 ans, elle est en classe de CM1. Désormais, la jeune héroïne a grandi et prépare le baccalauréat. De quoi donner un coup de vieux aux lecteurs et lectrices de la première heure !

Une héroïne intergénérationnelle 

En neuf ans d’existence, Les Cahiers d’Esther ont cumulé plus d’un million et demi d’exemplaires vendus et des dizaines de traductions. La série est parvenue à s’infiltrer dans toutes les bibliothèques, et ce, peu importe l’âge des lecteurs et des lectrices. « Esther et moi, on a exactement le même âge. J’étais très attachée à elle dans les premiers albums, témoigne Ondine, lycéenne de 17 ans, avant d’ajouter : Chaque année, j’attendais la sortie du prochain tome avec impatience parce qu’elle vivait les mêmes choses que moi, au même moment. Je m’identifiais beaucoup. Je l’admirais même ! »

Il faut dire que Riad Sattouf ne part pas de rien pour faire vivre sa jeune héroïne. Il s’inspire du vécu de la fille d’un couple d’amis à lui. Depuis ses 10 ans, elle lui raconte régulièrement son quotidien : son entrée au collège, puis au lycée, la relation avec ses copines, ses parents ou son regard d’enfant, puis d’ado, sur l’actualité.

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Le dessinateur capture ainsi les codes de la jeunesse du XXIe siècle. « Ma belle-fille est de la même génération qu’Esther. Les Cahiers m’ont permis de comprendre, un peu mieux, sa vie », s’enthousiasme Mathilde, qui a découvert la saga alors qu’elle cherchait une lecture à se mettre sous la dent en attendant la sortie du prochain tome de L’Arabe du futur, l’autre saga à succès de Riad Sattouf. « À l’époque, je me souviens m’être dit que mes enfants étaient petits, mais que plus tard ça leur ferait une super BD, sans forcément penser que j’allais moi-même y adhérer ! », se remémore Julie, une autre lectrice.

Couverture du dernier tome des Cahiers d’Esther.©Allary Éditions

Ce n’est pas un hasard si l’engouement est aussi fort chez les jeunes que chez les adultes. Riad Sattouf a imaginé Les Cahiers d’Esther non pas comme une série de littérature jeunesse, mais pour celles et ceux qui se sentaient perdus face aux jeunes. « De mon point de vue d’adulte, je la trouve assez rassurante sur les ados d’aujourd’hui », admet Julie. Cette héroïne, honnête et spontanée, ouvre alors une fenêtre sur sa génération et son époque pour quiconque chercherait à les comprendre.

Transfert émotionnel

Les personnages de fiction sont comme des compagnons. Et la fin de leurs aventures peut parfois donner l’impression de quitter un proche. Au quotidien, ces êtres fictifs accompagnent les lecteurs et les lectrices dans leurs instants de joie et de doute. « Esther était comme une amie imaginaire. Elle était là pour moi lorsque je n’avais pas de bons ami·e·s à l’école, confie Ondine. J’aime l’authenticité des Cahiers d’Esther. Ils ne romantisent pas le fait de grandir, c’est juste vrai ! On m’a toujours dit, “Tu vas voir, l’adolescence c’est génial”… Sur le moment, j’étais bien contente de voir une fille comme Esther qui ne trouvait pas ça ouf non plus. »

Si la lycéenne raconte avoir moins suivi les derniers tomes, son attachement à la jeune héroïne n’en est pas moins fort. Les héros et héroïnes de saga, dont la narration s’étale sur plusieurs années, sont ancrés dans le processus de développement de soi des lecteurs et des lectrices. Clémence, 24 ans, a été émue à l’annonce de la fin de la série. Pour se réconforter, elle préfère considérer Les Cahiers d’Esther comme une archive de sa propre enfance : « J’aurais adoré voir comment elle se débrouille en tant que jeune adulte. Mais j’aime l’idée que je pourrais toujours me replonger dans ces albums. Même si j’ai quelques années de plus, ça reste la même génération. Cela me permettra de me rappeler comment j’ai moi-même pu être à 10, 12, 15 ou encore 18 ans ! »

Ce phénomène d’identification est très fort, peu importe l’âge. « Le passage de l’enfance à l’âge adulte, avec les questionnements que ça suppose, le tout sur fond d’actualité, témoigne d’un regard juste sur notre société. Esther, c’est nous, notre copine, notre fille, on s’y attache », déclare Julie. 

Le premier tome des Cahiers d’Esther.©Allary Éditions

Comment composer avec le sentiment de vide laissé par la fin de la saga ? Riad Sattouf prépare ses fans. Ce neuvième et ultime tome s’ouvre sur une Esther un brin mélancolique. Les années ont passé, son entourage, ses parents, son frère, sa meilleure amie, eux aussi, ont grandi au fil des albums. Puis, son anniversaire approche et, avec ça, le début de sa vie d’adulte. « On savait que la saga s’arrêterait pour ses 18 ans, c’était le deal. D’un côté, j’ai un peu de peine, mais en même temps, “il faut la laisser vivre sa vie”. Les albums, eux, sont là. Je vais les relire, mes enfants vont les lire, elle restera avec nous », reconnaît Julie. 

Pour consoler les plus nostalgiques, le dessinateur leur accorde même un petit clin d’œil : sur la couverture de ce nouvel album, Esther, désormais grande, marche en équilibre sur un bord de trottoir. Un rappel évident à celle du tout premier tome. La boucle est bouclée. Comme une invitation à recommencer la lecture depuis le début !

Les Cahiers d’Esther, tome 9 – Histoires de mes 18 ans, de Riad Sattouf, Allary Éditions, le 6 juin 2024 en librairie.

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