Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, Limonov, la ballade a su marquer les esprits grâce à l’interprétation magistrale d’un Ben Whishaw habité.
Kirill Serebrennikov était de retour sur la Croisette, deux ans après avoir présenté La femme de Tchaïkovski (2022) dans le cadre de la sélection en compétition officielle de Limonov, la ballade. Adaptation du roman d’Emmanuel Carrère, le film présente de façon originale un biopic sur la vie du poète Édouard Limonov. Tour à tour militant, révolutionnaire, voyou, majordome ou sans-abri, cette nouvelle proposition de la part du réalisateur russe explore les différentes facettes d’un personnage aussi fascinant qu’effrayant à qui l’acteur britannique, Ben Whishaw, prête ses traits.
Bien qu’il soit difficile de rentrer pleinement dans le film, du fait des dialogues qui fusent et d’une mise en situation parfois dense, Limonov, la ballade surprend par son rythme, finalement fidèle à la trajectoire d’un personnage ayant eu plusieurs vies. Par ailleurs, cet aspect est renforcé par la notion de « road-trip » qui nous embarque de New York, à Paris, en passant par la prison sibérienne. Le film ne fait ainsi jamais du surplace et permet de rendre le propos plus digeste, à l’instar de sa mise scène.
Cette dernière — divisée en chapitres comme un écho à son adaptation littéraire et au romancier qu’était l’artiste surnommé « Eddie » — apparaît très pop, à l’instar d’un homme hors normes, qui se plaçait souvent en dehors des conventions.
Néanmoins, malgré cette « glamourisation », Limonov, la ballade porte en lui une certaine violence, parfois difficile à regarder. Son personnage dérange aux quatre coins du monde, Kirill Serebrennikov souhaitant avant tout rendre compte de la réalité d’un homme, de ses contradictions, d’un héros loin d’être manichéen, mais qui reste difficile à saisir.
Un Prix d’interprétation pour Ben Whishaw ?
L’acteur apparaît aujourd’hui comme un sérieux prétendant au Prix d’interprétation masculine. Après avoir évolué de façon subtile chez Ira Sachs dans Passages (2023), le comédien, dévoilé au grand public pour son rôle de Q dans la saga James Bond portée par Daniel Craig, incarne avec puissance le nationaliste russe décédé en 2020.
Il dévoile ainsi toute l’envergure de son jeu, et témoigne d’une capacité à se réinventer en explorant des rôles complexes. Surtout, Ben Whishaw se donne corps et âme pour ce rôle, que ce soit dans des scènes de sexe crues ou lorsqu’il déclame de la poésie ainsi que ses discours. Il multiplie registres et les métamorphoses à travers une variété d’identités, et de costumes. Passionnant.
Le Prix d’interprétation masculine serait une belle reconnaissance pour l’acteur qui ne cesse, à travers des projets — à la fois d’auteur ou plus grand public- — de surprendre son audience. Pour le savoir, il faudra attendre la cérémonie de clôture, ce samedi 25 mai 2024. On croise fort les doigts pour lui en tout cas !
