La première série de Laetitia Masson s’intéresse aux blessures de l’enfance en nous dressant le portrait de deux petites filles aux destins liés.
Près de deux mois après avoir marqué les spectateurs avec Citoyens clandestins, Laetitia Masson est de retour sur Arte avec une mini-série bouleversante. La réalisatrice, actrice et scénariste française nous livre un show en trois épisodes qui s’intéresse aux blessures profondes de l’enfance, aux parcours de vie et aux destins brisés. Pour incarner ce sujet difficile, la cinéaste s’est entouré « d’acteurs innocents pour incarner des personnages qui sont tous coupables », comme elle le précise dans sa note d’intention.
Elle a donc choisi des comédiennes lumineuses, dont Élodie Bouchez (Pupille, Je verrai toujours vos visages), Lolita Chammah (Drôles d’oiseaux, Copacabana), Aurore Clément (Lacombe Lucien), Hélène Fillières (Mafiosa, le clan) ou encore Anna Mouglalis (Baron noir). Diffusé pour la première fois en 2018, Aurore a touché la chaîne publique, qui a souhaité faire (re)découvrir cette petite pépite à ses spectateurs.
Réparer les vivants
Cette production a une place toute particulière dans le cœur et la vie de Laetitia Masson. En effet, elle marque les premiers pas de la réalisatrice sur le petit écran. Un exercice très différent du cinéma, qui lui a valu de nombreux questionnements. « Pour la télévision, le spectateur n’est pas “captif”, explique-t-elle dans un communiqué d’Arte. Je pensais qu’il fallait donc le “captiver”. Ça voulait dire partir d’une idée concrète, forte, presque choquante – une enfant criminelle –, et ensuite élargir vers le sujet plus large, plus universel qui m’importait : l’enfance, ses dangers, la responsabilité des adultes pour les “prévenir” et la possibilité d’une rédemption. »
La cinéaste nous conte l’histoire d’Aurore et de Maya. La première est malmenée par une mère infantile qui « se donne aux hommes pour boucler ses fins de mois » et l’enfance de la deuxième a été brisée après la mort de son frère. Affamée et réclamant un gâteau à ce dernier, Aurore s’est emportée et l’a accidentellement tué. Cette scène de crime, où l’une est coupable et l’autre témoin, va marquer et lier les deux petites filles pour toujours.
Pour sa première série, la réalisatrice s’est inspirée des Grandes espérances de Dickens, de Manchester by the Sea de Kenneth Lonergan, mais aussi d’un fait divers qui était le point de départ de ce show. « Mais je n’ai pas cherché à donner au récit une forme de réalité documentaire. Je ne voulais pas prendre le spectateur en otage avec un style faussement réaliste qui aurait provoqué chez lui une émotion primaire, forte, mais l’aurait laissé à l’extérieur de l’histoire. »
Elle a donc pris le parti de présenter une forme « plus romanesque », entre la fable et le western, pour interroger le spectateur et faire émerger de nombreuses questions. « Comment régule-t-on la violence qui est en chacun de nous ? », « Comment apprend-on les limites aux enfants ? », « Quelles responsabilités ont les adultes autour d’eux ? », « Les coupables peuvent-ils réparer le passé ? », « Les victimes peuvent-elles résister, adultes, à la violence générée par leurs blessures d’enfance ? » … Toutes ces pistes de réflexion sont à (re)découvrir ce soir sur Arte, dès 20h55.