Contrairement à ce qui était prévu, les smartphones ne bénéficieront pas d’un indice de durabilité. La Commission européenne a en effet décidé de mettre en place un outil européen plus global. Si cet élargissement à l’échelle de l’Europe est une bonne nouvelle, les consommateurs risquent de perdre quelques informations au passage. Décryptage.
En matière d’information des consommateurs sur la réparabilité et la durabilité des produits, la France est pionnière. En effet, en vertu de la loi AGEC, un indice de réparabilité a été mis en place dès janvier 2021 pour cinq catégories d’appareils (les lave-linge à hublot, ordinateurs portables, smartphones, téléviseurs et tondeuses à gazon), avant d’être étendu à d’autres équipements en 2022 (aspirateurs, lave-vaisselle, lave-linge top et nettoyeurs haute pression).
Cette loi prévoit aussi la transformation progressive de cet indice de réparabilité en indice de durabilité, dès cette année. Les critères de l’indice actuel seront complétés par d’autres reflétant la fiabilité et la robustesse.
L’indice français abandonné au profit d’un étiquetage européen
L’Europe s’intéresse de près aux dispositifs mis en place par la France, notamment à ces indices. Des travaux ont d’ailleurs également été réalisés à l’échelle européenne. Ils ont donné naissance à un indice européen pour les smartphones et les tablettes, qui devrait être visible dans les pays de l’Union européenne à partir de juin 2025.
La Commission européenne ayant estimé que deux indices ne pouvaient cohabiter et que l’affichage européen prévalait, la France est contrainte d’abandonner sa version de l’indice de durabilité des smartphones. Il était pourtant prêt à être déployé sur cette catégorie, de même que sur les téléviseurs et les lave-linge (à hublot et à ouverture par le dessus). Seuls les deux derniers auront donc droit à leur indice de durabilité, a priori en 2024.
Une étiquette globale plus qu’un indice de durabilité
Par rapport aux indices français, l’affichage européen se présente différemment et ne comporte pas les mêmes informations. Pour rappel, en France, l’indice de réparabilité actuel adopte la forme d’une note sur 10, calculée sur la base de cinq critères et d’une grille détaillée. Le logo porte la note, le terme « indice de réparabilité » et sa couleur varie graduellement du vert au rouge, les appareils les mieux notés ayant un logo vert tandis que les moins bons élèves héritent d’une teinte rouge.
Le futur indice de durabilité reprendra la même forme globale, le même logo, le même principe de notation sur 10 et ses codes couleur, avec quelques ajouts. Le terme « indice de durabilité » sera cette fois accompagné d’une Marianne tricolore et des mots « fiabilité, réparabilité, évolutivité ».
L’Europe a choisi une autre voie, puisque les smartphones et tablettes ne porteront pas un indice de réparabilité en tant que tel, mais une étiquette énergie, sur laquelle les informations liées à la réparabilité et à la durabilité cohabiteront avec d’autres. La raison évoquée est que les consommateurs sont habitués à cette étiquette.
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Quatre critères et pas de notes, mais des classes
Cette étiquette européenne des smartphones et tablettes portera quatre critères liés à la durabilité et à la réparabilité :
- la résistance aux chutes libres,
- la classe de réparabilité,
- l’endurance de la batterie,
- l’indice de protection contre l’eau et la poussière.
L’information la plus visible sur cet affichage demeurera la classe d’efficacité énergétique à laquelle nous sommes déjà habitués, avec les mêmes couleurs allant du vert au rouge et une classe s’étendant de A à G. Les critères précédemment cités seront eux aussi accompagnés d’une classe sous forme de lettre. L’indice européen abandonne donc le principe de notation.
Certaines associations de consommateurs, à commencer par HOP (Halte à l’obsolescence programmée), regrettent également que les informations liées à la durabilité soient présentées indépendamment plutôt qu’agrégées. Forcément, dans ces conditions, comparer deux produits selon les critères de durabilité et de réparabilité sera moins aisé.
Pas de prise en compte du prix des pièces détachées
Si tout le monde s’accorde pour saluer la mise à disposition de tels outils pour l’ensemble des consommateurs et consommatrices d’Europe, certaines parties prenantes françaises sont en désaccord avec la Commission européenne sur plusieurs points.
Le plus important concerne le prix des pièces détachées. Diverses études (notamment de l’Ademe) montrent que le premier frein à la réparation est le prix (d’où la mise en place du bonus réparation pour faire baisser son coût). Or, le prix des pièces détachées peut faire grimper en flèche un devis de réparation et décourager certains consommateurs de faire réparer un appareil. Dans certains cas, le prix des pièces peut être aussi pénalisant que leur non-disponibilité. C’est pour cette raison qu’il fait partie des critères de calcul de l’indice de réparabilité français et du futur indice de durabilité (est calculé le ratio du prix des pièces les plus sujettes à la casse ou aux pannes par rapport au prix de l’appareil neuf).
L’étiquette énergie européenne des tablettes et smartphones fait totalement l’impasse sur ce critère. Il est juste prévu que cette information, parmi d’autres, soit accessible en scannant le QR Code qui figure sur l’étiquette. Selon la Commission européenne, la prise en compte de ces prix à une si grande échelle serait trop complexe.
Des ambitions revues à la baisse ?
C’est ce que pense HOP, qui qualifie l’indice européen de « beaucoup moins ambitieux » que l’indice français. « Beaucoup d’éléments de durabilité ne font pas partie de l’étiquette énergie comparée à l’indice français », déplore l’association. Celle-ci étaie ses propos : alors que 22 critères font partie de l’indice de durabilité français, seulement cinq sont répercutés dans l’indice européen.