Série événement et essentielle de ce début d’année, Nudes sera dévoilée dès le 1er février sur Prime Video. Les réalisatrices Andréa Bescond et Sylvie Verheyde nous ont ouvert les coulisses de leur nouvelle création.
Victor, Ada, Sophia sont trois ados que vous n’êtes pas près d’oublier. Ce sont les héros et victimes de Nudes, la nouvelle série coréalisée par Andréa Bescond, Sylvie Verheyde et Lucie Borleteau pour Prime Video. Les cinéastes ont décidé de s’emparer du sujet difficile du cyberharcèlement chez les plus jeunes et réussissent la prouesse de divertir, émouvoir, éduquer et surtout bousculer les consciences.
Comment est né le projet Nudes ? Trois histoires, trois réalisatrices, trois visions du cyberharcèlement ?
Sylvie Verheyde : Wild Bunch avait acheté cette série norvégienne avec comme projet de l’adapter avec un auteur différent par histoire. Ils m’en ont parlé et je leur ai rapidement fait part de mon intérêt. Je venais de finir Stella est amoureuse, un film pour lequel j’avais travaillé avec plein d’ados, et j’avais l’impression de ne pas avoir fini ce travail sur cet âge si particulier. L’idée de prolonger ce travail me plaisait énormément. D’autant plus que ce projet bénéficiait d’un certain espace de liberté grâce à son ton et son casting : il n’y a pas beaucoup d’ados connus dans le cinéma français aujourd’hui. Ensuite, il a fallu trouver les deux autres auteurs, autrices en l’occurrence : Andréa et Lucie se sont naturellement imposées.
Andréa Bescond : De mon côté, ça faisait un petit moment que je voulais me pencher sur le format sériel. J’en consomme beaucoup, et j’adore ça – surtout les miniséries. Je voulais me confronter à leur rapidité et leur côté fractionné. Quand je me suis lancée dans Nudes, j’ai tout de suite flashé sur le personnage de Victor (Baptiste Masseline). Sans trop spoiler l’histoire, il a filmé une jeune fille sans son consentement. C’est un vrai problème et ça me paraissait très important d’aborder ce sujet, après avoir traité celui des victimes de violences diverses, d’emprise ou de pédocriminalité. Il me semblait percutant de pouvoir aborder un autre angle de cette problématique.
Le fait que vous racontiez l’histoire de Victor peut surprendre. Quelles difficultés avez-vous rencontrées à vous placer du point de vue de l’auteur du harcèlement ?
A. B. : Tout l’enjeu était qu’on l’aime. Il fallait éradiquer ce qu’on entend trop souvent sur les agresseurs, à savoir que ce sont des monstres. Non, justement, l’agresseur, c’est le gars qui est avec toi, que tu aimes, que tu salues le matin, qui est hyper intégré dans la société, qui est lumineux et même sympa ! Je voulais absolument que le public adore Victor et qu’il se retrouve face à un dilemme en se disant qu’il a fait des choses affreuses, mais que c’est aussi un type bien.
Je voulais aussi qu’on le sente se désintégrer progressivement. Mon but n’était pas tant de condamner les agresseurs que de montrer également tout un mécanisme et la conséquence des actes.
S. V. : Alors qu’au départ, on pourrait presque avoir le réflexe de justement les minimiser…
Comment vous êtes-vous attribué ces trois histoires ?
S. V. : J’ai choisi celle de Sophia (Léonie Dahan-Lamort), parce que j’avais déjà traité le sujet du transfuge de classe, d’une personne qui s’émancipe dans mes anciennes réalisations. C’est une problématique que je voulais continuer à explorer.
A. B. : Concernant Lucie Borleteau, l’histoire d’Ada (Sacha Lauras) était comme une évidence. Elle a une fille du même âge que le personnage et elle avait très envie de se plonger dans ce récit de cyberharcèlement pédopornographique. Au final, la répartition des trois sujets s’est faite de manière très naturelle entre nous.
S. V. : Nous étions toutes les trois convaincues qu’il y avait une nécessité d’utilité publique de parler du cyberharcèlement du point de vue des ados et non, comme trop souvent dans les fictions, de celui des adultes.
A. B. : C’est ce qui nous attirait toutes les trois et ce qui nous a liées dans notre façon de réaliser nos épisodes.
Vous l’avez dit, cette série est une adaptation. Qu’avez-vous apporté à l’œuvre originale ?
A. B. : Principalement de la diversité dans les histoires que nous racontions. Ça nous semblait essentiel de refléter une certaine réalité.
S. V. : Les milieux sociaux sont aussi des points importants dans nos récits. Les trois histoires se déroulent dans des environnements bien différents. Nous avons également apporté de la nuance : nos méchants ne sont pas des loups tapis au fond du bois. Ils font partie de l’entourage et agissent parfois pour des raisons triviales ou même par amour. Enfin, nous voulions montrer qu’il y a une énergie de vie qui est plus forte que tout dans l’adolescence.
Avant de nous quitter, pouvez-vous nous partager vos derniers coups de cœur culturels ?
A. B. : Je suis allée voir l’expo de Ron Mueck à la Fondation Cartier. Pour moi, il n’y avait pas assez d’œuvres, mais je suis toujours transcendée par le travail de ce sculpteur. C’est infiniment grand, infiniment petit, il montre la douleur de l’humain… Ça a vraiment été mon dernier coup de cœur de l’année.