Les rappeurs toulousains ont ouvert leur tournée des stades ce vendredi 8 décembre avec un show exceptionnel dans la plus grande salle d’Europe. Entre bangers et classiques, ils sont parvenus à surprendre et émouvoir les 40 000 spectateurs qui s’étaient déplacés pour l’occasion.
La première fois que j’ai entendu parler de Bigflo et Oli, c’était il y a dix ans. Luc Blanchot, le copain avec qui mon grand frère jouait de la musique dans mon village toulousain, commençait à faire du violoncelle avec « deux petits rappeurs de Toulouse ». Les années ont passé, les « petits » sont entrés dans la cour des grands du rap français et mon voisin a continué à faire le tour du monde à leurs côtés.
Autant l’avouer tout de suite : je ne suis pas leur fan numéro 1. Cependant, mes origines toulousaines impliquent nécessairement un certain affect. Alors, quand on m’a proposé d’assister à leur concert dans la plus grande salle d’Europe, je n’ai pas pu refuser et j’étais très intriguée par le show qu’ils nous préparaient.
Une affaire de famille
La première chose qui m’a marquée, ce sont les personnalités qui se sont déplacées pour l’événement. Alors que les trois premières parties s’enchaînaient (Tioma, Olympe Chabert et LauCarré), les gradins se remplissaient de visages (très) connus du petit écran. J’ai alors joué au jeu préféré d’Oli : le rat des stars.
Le principe est simple, il suffit de reconnaître les célébrités qui nous entourent – et ce concert était le terrain de jeu idéal. McFly et Carlito, Shym, Medine, Natoo, Morgan VS, Styleto, le couple d’influenceurs le plus mignon d’Instagram, Rayalix… Le plus jeune des frères aurait adoré le spectacle – mais il était occupé à nous en préparer un beaucoup plus impressionnant.
Dès les premières minutes du show, le ton est donné : ici, le plus important, c’est la famille. Le concert s’ouvre avec une vidéo de leurs parents qui quittent Toulouse pour assister à ce concert-événement. Ils sont ensuite filmés lors de leur arrivée dans la salle, avant de s’assoir dans le public, sous les applaudissements des 40 000 spectateurs. Une fois les VIP les plus importants de la soirée installés, le spectacle peut commencer – et le choix de l’ouverture est étonnant.
Tout commence avec un rap d’Oli a capella. Pas de musique, pas d’artifice. Il y a juste lui, son texte et son frère. Il explique à son public que leur nombre de fans a grandi. D’une personne dans leur salon, ils sont passés à 40 à la fête de la musique, puis 400 lors de leur premier concert, 4 000 à leur premier Zénith, puis 40 000 aujourd’hui.
« Le salon s’est agrandi et nous voilà dans la plus grande salle de Paris », s’exclame l’artiste avant d’entamer le concert avec La Vie d’après. Un choix audacieux (la musique dure plus de sept minutes et ne figure pas parmi les plus connues) mais qui marque leur retour et ce nouveau départ attendu.
Alors qu’ils enchaînent avec J’étais pas là (du même album), leur complicité est flagrante. Les morceaux s’enchaînent et ils ne cessent d’échanger, de se charrier, de commenter ce qu’ils voient et ressentent, et de partager des souvenirs, comme lorsque Oli jouait à Crash Bandicoot sur la PS1 et que Flo « cherchait quelque chose d’autre ».
Parce que Bigflo et Oli, c’est avant tout l’histoire de deux frères. Deux frères qui mettent en avant leur famille, notamment leur père – qui les rejoint sur scène pour chanter Papa –, José, leur grand-père argentin à qui ils rendent hommage avec la sublime José et Amar, jouée avec beaucoup d’émotion, mais aussi tous leurs musiciens, dont certains sont dans leur vie depuis la crèche et le lycée, et qu’ils ne cessent de remercier.
L’importance de fédérer
Les deux frères nous le font comprendre dès le début : ils ne sont pas que rappeurs, ils sont avant tout musiciens. La musique, ses interprètes et ses techniciens sont d’ailleurs salués à plus d’une reprise, et Bigflo et Oli n’hésitent pas à s’emparer d’une trompette ou d’une batterie pour accompagner l’autre ou jouer avec les mélodies.
Le choix des morceaux est d’ailleurs ultravarié et reflète parfaitement leur parcours et leur évolution. Durant le concert, on passe du rap engagé au piano-voix, des classiques aux bangers écoutés maintes et maintes fois. Comme d’hab, Alors alors, Bienvenue chez moi, Gangsta ou encore Début d’empire sont chantés par les fans de la première heure, et Dommage, Sacré bordel et Coup de vieux sont repris par les 40 000 spectateurs.
Les artistes n’ont qu’une envie : faire plaisir à tout le monde. Ils s’adressent très rapidement au « gang des +1 », ces personnes qui ont sûrement leur place dans les gradins parce qu’elles accompagnent un proche (vraiment) connaisseur. Ils leur dédient leurs plus gros tubes, les taquinent à plusieurs reprises et leur font des clins d’œil tout au long de la soirée. Il faut dire que le public de Bigflo et Oli est très diversifié. Enfants, adolescents, jeunes adultes, parents… Toutes les générations se mélangent, mais se retrouvent à scander les mêmes refrains en chœur, avec ce même sourire aux lèvres.
Alors qu’ils se défoulent, chantent et sautent sur Demain, Flo est admiratif face à ce qui « commence à être un putain de concert ». Les deux frères veulent faire plaisir à tout le monde et ça se ressent. Ils ne cessent de dialoguer avec les spectateurs et leurs échanges sont très naturels. Ils nous laissent entrer dans leur petite bulle et c’est bien la première fois que je vois des artistes autant communiquer avec leur public. Ils nous donnent la sensation de faire partie de leur grande fête, nous incluent complètement dans le moment qu’ils vivent.
Trop, c’est jamais assez
Cette volonté de combler tout le monde se ressent aussi dans les happenings. La scène est sobre, simple et met la lumière sur les musiciens. Mais, en réalité, le vrai spectacle est au-dessus de nos têtes. Un carré géant suspendu dans les airs qui se pose sur la scène pour former un cube de verre autour des rappeurs lors de Sacré Bordel (et qui nous rappelle le clip de ce même morceau), une Lune géante qui se balade dans la salle pour Sur la Lune, un avion XXL qui vole dans le stade tout au long du spectacle… Tout est pensé pour amuser le public, et ça marche. Les surprises s’enchaînent, on n’a pas le temps de s’ennuyer.
Qui dit surprise, dit aussi guests spéciaux. De Julien Doré à Vald, en passant par MC Solaar, Bigflo et Oli ont collaboré avec de nombreux musiciens. Sachant qu’ils sont aussi très proches des créateurs de contenu (dont Squeezie, Mcfly et Carlito ou encore Léna Situations), je guettais le moindre mouvement dans les gradins pour anticiper un potentiel happening tant les possibilités étaient infinies. Finalement, tous mes pronostics étaient faux et les deux frères nous ont surpris autrement.
L’humoriste David Castello-Lopes était le premier à apparaître, sur ce fameux cube géant, pour activer les bracelets des spectateurs (qui s’illuminaient lors des chansons et constituaient une autre attraction de la soirée), suivi du champion du monde de beatbox Wawad qui a repris des morceaux d’électro, de Billie Eilish, et accompagné les artistes sur leur propre son. L’humoriste Redouane Bougheraba, qui a évidemment chauffé le public parisien en scandant des « Allez l’OM », a clos ce défilé de célébrités en charriant les rappeurs sur leur âge, leur calvitie et leur featuring raté avec Orelsan.
Rêve de gosse
Quand Dernière retentit dans le stade, on sent que la fin du concert approche. Oli, toujours prêt à faire le show, se lance sur un bateau gonflable et demande aux spectateurs de le pousser jusqu’au bout de la fosse. Un drapeau LGBT sur les épaules, Flo regarde son frère partir sans sécurité et lui dit dans un rire qu’il ne « comprend pas sa stratégie », ni comment il va revenir.
Le Toulousain finit par traverser la foule en sens inverse, seul et sans encombre, avant de rejoindre son aîné sur scène pour clôturer le show alors que les 40 000 voix des personnes présentes dans la salle ne cessent de les acclamer, encore et encore, reprenant les dernières paroles pour que ce moment ne se termine jamais.
Les artistes sourient, émus aux larmes par ce moment inoubliable. Après plus de deux heures, le concert s’achève avec Bons élèves – encore un choix étonnant, étant donné la douceur et le rythme lent du morceau. Les musiciens sont de nouveau au centre de l’attention, leurs instruments résonnent aux quatre coins du stade, et Bigflo et Oli nous font leurs adieux avec la promesse d’un nouvel album en 2024 et des dernières paroles qui bouclent la boucle de cette soirée : « T’as été déçu par les gens du milieu, mais tant qu’on est tous les deux, c’est tout ce qui compte ».
Quand les lumières s’allument, tout le monde a un sourire accroché aux lèvres avec l’impression d’avoir assisté à un rêve imaginé par deux enfants qui ont des idées plein la tête. Ils l’ont rappelé à plusieurs reprises : La Défense Arena, c’est la plus grande salle d’Europe. Pourtant, ce soir, ils nous ont donné l’impression d’être dans leur salon et d’assister au « pestacle » qu’ils voulaient fièrement montrer à leurs proches. C’était beau, c’était frais, c’était touchant, c’était émouvant (même pour les +1 dans les gradins). Et on quitte la salle en se disant que, cette soirée, « ça peut pas être la dernière ».
Bigflo et Oli feront une tournée des stades en 2024. Ils seront à Lyon le 26 mai, à Lille le 31 mai, et au Stadium de Toulouse les 8 et 9 juin.