Attendu ce mercredi 15 novembre dans les salles obscures après son sacre à Cannes dans la sélection Un Certain regard, How to have sex dresse le portrait percutant d’une génération désabusée dans un drame féministe. Critique.
Récompensé au dernier Festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard, le film How to have sex raconte les premières vacances entre amies de trois lycéennes britanniques dans une station balnéaire ultra fréquentée. Le trio de jeunes filles compte bien profiter de cette nouvelle liberté en attendant de savoir où est-ce qu’elles iront à l’université à la rentrée. Nuits blanches, coup d’un soir, drogues, alcool, tout est permis ! Pour Tara (Mia Mckenna-Bruce), ce voyage a la saveur électrisante des premières fois : la jeune fille compte bien profiter de ces quelques jours pour perdre sa virginité, encouragée par ses deux amies Skye (Lara Peake) et Em (Enva Lewis).
Or, lorsqu’elles vont faire la connaissance d’un groupe de touristes anglais venu célébrer le début de l’été, l’euphorie des premiers instants va laisser place à l’angoisse chez Tara. L’héroïne imaginée par Molly Manning Walker va subir des pressions de toutes parts, sa naïveté, presque enfantine, se fracassant contre la violence de la vie.
Un film de l’ère post #MeToo
Avec How to have sex, Molly Manning Walker dresse le portrait d’une génération désenchantée entre pression sociale, relation toxique, et une vision du sexe pervertie, en pleine zone grise, dans une ère post #MeToo. La cinéaste interroge notamment la notion de consentement dans son premier long-métrage, ou comment l’effervescence des premières fois, et la découverte du désir peuvent déboucher sur une crispante brutalité.
Par ailleurs, la réalisatrice se fait le porte voix des victimes de violences et d’agressions sexuelles. Elle filme avec pudeur l’engrenage féroce de la honte et du silence qui en ressort, mais aussi la quête jusqu’au-boutiste de la perte de la virginité. Elle prend d’ailleurs le contre-pied des comédies des années 1990 et 2000 dans lesquelles les personnages tentaient désespérément, à travers l’humour, de se faire dépuceler (American Pie, The to do list…).
Ici, l’heure n’est plus au rire. Molly Manning Walker le démontre avec une véracité bluffante, en dirigeant la brillante révélation du cinéma anglais, Mia Mckenna-Bruce, sorte de Florence Pugh du trash, au regard bourré d’innocence.
La réalisatrice interroge aussi les relations entre les hommes et les femmes, ainsi que les dynamiques féminines entres elles, à l’aube du passage à l’âge adulte. À travers la relation de Skye et de Tara, par exemple, Molly Manning Walker démontre que notre meilleure amie peut parfois être notre pire ennemie. La première est la fille la plus âgée, expérimentée, qui va sans cesse rabaisser la seconde. Jalouse des regards qu’attirent Tara, Skye va profiter de la vulnérabilité de son amie. À l’inverse, l’altruisme d’Em, est plus palpable et c’est cette appréhension des personnages féminins, à travers ce trio d’héroïnes, qui permet une variété de représentations, et donne au film, son souffle féministe. Le long-métrage casse les codes et le schéma classique des BFF en montrant des personnages tiraillés entre amitié et rivalité.
Que ce soit par les thématiques qu’il convoque, ou bien à travers l’appréhension des personnages, How to have sex est clairement un film de son époque. Il reflète et transpire – littéralement – les problématiques féministes contemporaines, aborde les dynamiques entres hommes et femmes, tout en dressant le portrait d’une génération en perte de repères.
Génération désenchantée
Sans jamais être moralisateur, le long-métrage montre avec humanité et complexité le destin de ces personnages souvent perdus, et rejetés. La station balnéaire devient alors le point de départ d’un voyage initiatique pour tous ces adolescents, qui espèrent savoir à la fin des vacances qui ils deviendront.
Cette perspective contraste avec l’aspect coloré, et fluorescent de la mise en scène, et une patte anglaise qui rappelle étrangement la série Skins, ainsi que les excès auxquels se livraient – encore une fois – les personnages.
Molly Manning Walker est parvenue à créer de véritables ambiances, dans lesquelles les corps en sueurs, sont à la fois la personnification de l’hédonisme, mais aussi celle de la souffrance. Sans cesse, la cinéaste joue avec deux aspects dichotomiques : la légèreté et le drame, l’euphorie et la douleur… Ceci, dans le but d’offrir un film sensible, percutant, parfois même pédagogique, qui donne à réfléchir sur nos comportements, notre vision du monde, et notre société.
How to have sex de Molly Manning Walker avec Mia McKenna-Bruce, Lara Peake et Enva Lewis, 1h28, le 15 novembre au cinéma.