Il n’a de cesse d’inspirer la pop culture depuis ses débuts au cinéma, et pourtant King Kong est l’un des grands absents du monde du jeu vidéo.
À l’origine, il y a bien sûr ce long-métrage de 1933 qui frappe l’imaginaire des téléspectatrices et téléspectateurs aux quatre coins du globe. Sur une idée originale de Merian C. Cooper et Edgar Wallace, le premier film King Kong raconte le périple d’une expédition échouée sur une île peuplée de créatures préhistoriques. Mais, alors que des indigènes enlèvent la demoiselle du groupe pour l’offrir en sacrifice à un singe de taille gigantesque, ce dernier s’éprend de la jeune femme.
Immédiatement, l’histoire et les personnages fascinent le public et King Kong devient un mythe rapidement transposé dans d’autres formats. Son histoire sert de base à des romans, des dessins animés, des bandes dessinées et même à des parcs à thème. Plusieurs suites sont mises en chantier au cinéma, jusqu’au remake de 1976 qui relance encore davantage le phénomène.
Tandis que l’image de ce gorille géant tenant une fragile humaine dans la paume de sa main s’ancre durablement dans les esprits, sa transposition en jeu vidéo paraît inévitable. La première adaptation officielle date de 1982, dans le jeu King Kong lancé sur Atari 2600.
Cette date est extrêmement importante, car la sortie de ce titre survient en réalité un an après celle du jeu Donkey Kong de Nintendo. Et ce n’est évidemment pas un hasard.
Donkey Kong conduit Nintendo jusqu’aux tribunaux !
Dans la version du jeu King Kong de 1982 sur Atari 2600, l’objectif est de sauver la jeune femme retenue captive au sommet de l’Empire State Building. Le joueur doit réussir à escalader la structure tout en évitant les projectiles lancés par le monstre. En bref, c’est une copie quasi conforme du Donkey Kong de Nintendo.
Seulement voilà, lorsque Nintendo lance son jeu Donkey Kong en 1981 dans les salles d’arcade, la société semble clairement s’être inspirée de la franchise King Kong… Les studios Universal vont donc intenter une action en justice contre la firme japonaise, l’accusant d’avoir violé les droits d’auteur en reprenant à son compte le personnage de Kong.
Le problème, c’est que les studios Universal ne détiennent pas les droits exclusifs sur ce personnage créé en 1933 par Merian C. Cooper et Edgar Wallace. Ils ne sont pas non plus propriétaires du nom de King Kong. L’histoire des droits de la licence King Kong étant pour le moins complexe, retenons simplement que Nintendo a remporté cette bataille juridique, notamment grâce au rôle joué par un certain Howard Lincoln.
Dans son ouvrage L’Histoire de Donkey Kong, l’auteur Régis Monterrin raconte que le conseiller de Nintendo of America et l’avocat John Kirby ont réussi à renverser la défense du géant hollywoodien en revendiquant l’appartenance de King Kong au domaine public. Non seulement Nintendo récupère 1,8 million de dollars en dommages et intérêts, mais le jeu Donkey Kong rencontre également un succès incroyable dans les salles d’arcade.
Mais dans quelle mesure les créateurs de Donkey Kong se sont-ils réellement inspirés de King Kong ? À la base, le titre était d’abord censé s’appuyer sur la licence Popeye. Mais, Nintendo ne parvenant pas à obtenir les droits, la firme s’est vue obligée de remplacer tous les personnages du jeu au cours du développement.
Shigeru Miyamoto a naturellement associé la silhouette débonnaire et virile de Brutus à celle du légendaire King Kong. Une forme simiesque fut donc octroyée à Brutus, son caractère benêt inspirant le nom du nouvel antagoniste « Donkey Kong », ce qui permit aussi d’atténuer la violence initiale du gorille géant.
Quant au nouveau héros destiné à remplacer Popeye, c’est un petit moustachu en salopette qui deviendra bientôt une icône du jeu vidéo, mais qui ne porte pas encore le nom de Mario. Sa mission : monter le plus haut possible pour sauver sa dulcinée Pauline des griffes du grand singe. Les niveaux construits comme des échafaudages à escalader évoquent d’ailleurs assez naturellement l’ascension du célèbre immeuble du film de 1933.
Quand Peter Jackson s’empare du mythe de King Kong
En réaction à tout cela, le premier jeu officiellement adapté de l’univers de King Kong un an plus tard, sur Atari 2600, reprend maladroitement tous les codes du titre de Nintendo, mais il ne rencontre évidemment pas le même succès. Par la suite, si l’on met de côté les jeux dits « électroniques » (type Game & Watch), on constate que les adaptations officielles vont se révéler étonnamment peu nombreuses, alors que le personnage jouit toujours d’une grande popularité.
On le retrouve seulement dans deux titres édités par Konami au Japon en 1986 : King Kong 2: Ikari no Megaton Punch et King Kong 2: Yomigaeru Densetsu. Ces deux jeux destinés aux consoles NES et MSX sont des adaptations du film King Kong Lives (renommé King Kong 2 sur l’archipel). Ils sont inédits en dehors du Japon. Les salles d’arcade accueillent également un flipper inspiré de la licence King Kong en 1990, édité par Data East. Ensuite, un long silence radio s’installe.
Le seul jeu ayant véritablement marqué les esprits est l’adaptation officielle du remake de King Kong par Peter Jackson en 2005. À travers son film, le réalisateur du Seigneur des Anneaux signe une véritable lettre d’amour à l’œuvre originale de 1933 et son traitement moderne se prête plutôt bien à une déclinaison vidéoludique.
De plus, le titre sort à une époque où les adaptations de longs-métrages en jeu vidéo sont quasiment systématiques, la précipitation de leur développement étant hélas rarement synonyme de qualité. Mais le King Kong imaginé pour l’occasion par Ubisoft sort nettement du lot !
Visuellement, la réalisation impressionne sur PC et consoles de salon, tandis que l’alternance des points de vue entre l’homme et le primate rend l’aventure moins prévisible que ce que l’on pouvait craindre. Le jeu combine ainsi des phases de tir en vue à la première personne et des séquences plus rares dans la peau du gorille, pour une action ininterrompue. Si le rythme ne retombe pas, l’expérience reste toutefois relativement courte, ce qui n’empêche pas le titre de laisser une impression plutôt positive.
2023 : Skull Island, la série Netflix et le jeu vidéo
Bien moins à l’aise sur consoles portables, la licence King Kong a tout de même donné lieu à quelques autres adaptations très anecdotiques, dont un épisode Gameboy Advance inspiré d’une série animée lancée au début des années 2000 sur Fox Kids. Le primate donne également rendez-vous aux cinéphiles en 2017 dans le film Kong: Skull Island, puis en 2021 dans Godzilla vs Kong.
Mais, côté jeux vidéo, c’est de nouveau le calme plat. Jusqu’à l’annonce surprenante d’un certain Skull Island: Rise of Kong programmé pour ce 17 octobre sur PC et consoles.
Au vu des premières images dévoilées par le développeur Iguanabee, on se dit que le jeu Skull Island: Rise of Kong est peut-être l’adaptation de la récente série animée Skull Island lancée à l’été 2023 sur Netflix. Destiné aux adolescents, ce dessin animé ne nous laissait que très peu d’occasions de voir le gorille à l’œuvre dans une trame surtout centrée autour de la survie d’un petit groupe d’explorateurs échoués sur une île peuplée de créatures primitives. En 2016, déjà, une autre série animée baptisée Kong: King of the Apes avait tenté de remettre le gorille sur le devant de la scène sous l’impulsion de Netflix.
Mais le jeu Skull Island: Rise of Kong est un projet complètement autonome. Il s’appuie sur le King Kong originel de Merian C. Cooper et sur les travaux de Joe DeVito pour nous raconter les origines du personnage. Centré sur l’ascension du primate face aux autres créatures de l’île, le titre voit le gorille grandir et gagner en puissance au fil des étapes franchies.
Kong est donc contraint de se battre sauvagement pour revendiquer sa place légitime en tant que roi de Skull Island. Il s’agit également d’une histoire de vengeance, puisque les géniteurs du singe géant auraient été assassinés par un prédateur alpha que le gorille compte bien terrasser.
Seul problème, les premières séquences dévoilées n’augurent vraiment pas du meilleur pour cette nouvelle transposition de Kong en jeu vidéo. Alors, à quand un projet de jeu vidéo vraiment digne de l’envergure du mythe ?
