Oubliez Sherlock Holmes, Benoit Blanc et consort : la sortie le 13 septembre de Mystère à Venise de Kenneth Branagh marque l’occasion rêvée d’évoquer Hercule Poirot, célèbre détective inventé au XXe siècle par la grande autrice britannique Agatha Christie.
Une fois n’est pas coutume, le fameux détective belge Hercule Poirot est de retour dans les salles obscures ce mercredi 13 septembre pour résoudre un nouveau mystère. Après Le Crime de l’Orient-Express et Mort sur le Nil, le réalisateur, acteur et metteur en scène britannique Kenneth Branagh enfile – pour la troisième fois de suite ! – la panoplie du personnage culte né de l’imagination d’Agatha Christie.
Ce blockbuster au casting une fois de plus bien fourni (Kenneth Branagh dans le rôle-titre du détective, secondé par Michelle Yeoh, Tina Fey, Jamie Dornan ou encore la frenchie Camille Cottin) prouve qu’Hercule Poirot jouit toujours d’une belle réputation dans la pop culture et ne cesse de convaincre les studios hollywoodiens de son potentiel.
Le “whodunit” a le vent en poupe
Le film Mystère à Venise, inspirédu roman d’Agatha Christie La Fête du potiron (1969), semble opter pour une tournure résolument horrifique, au vu de cette bande-annonce alléchante. Il débarque pourtant après des temps difficiles pour les blockbusters américains : le précédent opus, Mort sur le Nil, qui pouvait pourtant compter sur la mégastar Gal Gadot (Wonder Woman) parmi ses têtes d’affiche, avait dû être reporté à maintes reprises à cause de la pandémie avant de faire violemment naufrage au box-office (137 millions de dollars de recettes, contre plus de 350 millions pour le premier film qui partait pourtant avec un budget bien moins conséquent).
Si le cinéma (et la télévision) regorge depuis toujours de whodunit (littéralement, « qui l’a fait ? ») et autres meurtres à résoudre, on constate depuis quelques années un entrain retrouvé pour le genre, dont À couteaux tirés de RianJohnson est sans doute l’exemple incontournable. Sorti en 2019, le film, porté par Daniel Craig dans la peau du détective privé Benoit Blanc, avait fait des étincelles au box-office au point de convaincre Netflix d’en acquérir les droits et de produire dans la foulée une première suite, Glass Onion (2022), véritable carton d’audience pour la plateforme de streaming américaine.
Et on pourrait en citer bien d’autres : les films Murder Mystery (Netflix) avec Adam Sandler et Jennifer Aniston, Enola Holmes (Netflix, encore et toujours) avec Millie Bobby Brown, la saga Scream ou, plus récemment, Coup de théâtre avec Saoirse Ronan et Sam Rockwell.
Le coup de génie d’Agatha Christie
Concernant Mystère à Venise, une chose est sûre : les studios n’ont pas froid aux yeux dès lors qu’il s’agit de convoquer à l’écran un personnage aussi apprécié par le public qu’Hercule Poirot. Malgré l’échec cinglant de Mort sur le Nil, le nouveau film de Kenneth Branagh s’apprête à sortir au cinéma dans le monde entier, marquant le retour du personnage pour la première fois invoqué par Agatha Christie.
Figure de proue du roman à énigme, Agatha Christie introduit Hercule Poirot en 1920 La Mystérieuse affaire de Styles, ouvrage qui constitue à la fois le premier roman publié par l’écrivaine britannique (écrit quelques années auparavant, en pleine Première guerre mondiale, alors qu’elle n’a que 27 ans) et la première occurrence littéraire du célèbre détective à moustache.
Au total, Hercule Poirot apparaît dans pas moins d’une trentaine de romans d’Agatha Christie (Le Crime de l’Orient-Express et Mort sur le Nil, parmi les plus célèbres, donc, mais aussi A.B.C contre Poirot, Cartes sur table, Les Quatre, Le Train bleu et tant d’autres), l’autrice se hissant ainsi au niveau de l’illustre Arthur Conan Doyle et de son non moins célèbre détective, Sherlock Holmes.
Par la suite, le détective sera également interprété dans plusieurs pièces de théâtre – le premier à l’incarner sur scène, en 1928, fut l’acteur britannique Charles Laughton – et pas moins d’une cinquantaine de nouvelles. Le détective accompagnera Agatha Christie tout au long de sa vie : peu avant sa mort, la romancière publiera Poirot quitte la scène (1976), dernier tour de piste d’un personnage de fiction si proche du réel qu’il aura droit, fait inédit jusqu’à aujourd’hui, à sa propre nécrologie dans le New York Times.
Unique en son genre
Hercule Poirot se distingue aisément des autres figures littéraires de détective, dont Sherlock Holmes, lequel fut évidemment l’une des principales sources d’inspiration de l’écrivaine. Physiquement, déjà, la description du personnage est si savoureuse qu’elle en devient parfaitement identifiable : un homme de petite taille, une tête en forme d’œuf, des yeux « verts de chat », une belle et grande moustache en croc… Sans compter un accent français à couper au couteau et un style vestimentaire aussi irréprochable qu’inégalable.
Question caractère, le détective belge, que l’on rencontre dans le premier roman d’Agatha Christie tandis qu’il profite de sa retraite paisible en Angleterre, a de quoi donner du fil à retordre aux lecteurs : imbu de lui-même, orgueilleux – « Mon nom est Hercule Poirot, et je suis probablement le plus grand détective au monde », affirme-t-il modestement dans Le Train bleu –, borné et maniaque, Poirot n’est en aucun cas un homme parfait et c’est aussi ce qui fait son charme.
Hercule Poirot c’est aussi, au fil des pages, une constellation de personnages qui constituent son entourage et participent à donner du relief à un personnage on ne peut plus familier. Il y a par exemple son frère jumeau présumé, Achille, dont on apprend l’existence dans Les Quatre, et d’autres figures plus récurrentes telles que celles du capitaine Hastings, son ami le plus fidèle, de la romancière Ariadne Oliver, de l’inspecteur Japp, de sa secrétaire Miss Lemon ou encore de George, son valet de chambre. Côté cœur, on lui connaît seulement un faible pour la comtesse russe et voleuse de diamants Vera Rossakoff, apparue dans la nouvelle Un indice de trop.
Mais ce qui fait surtout de lui un détective hors pair, c’est sa manière de résoudre les énigmes : plutôt que de s’attacher aux indices matériels de la scène de crime, lesquels peuvent parfois avoir disparu ou se révéler n’être qu’une mise en scène visant à induire en erreur les protagonistes, Poirot est connu pour ses enquêtes fondées sur la psychologie fine des personnages et l’analyse méticuleuse de leurs discours.
Maniant habilement l’art de la conversation, le petit détective peut ainsi révéler au grand jour les contradictions et les hésitations des moindres personnages. C’est ce qui fait aussi la spécificité des romans d’Agatha Christie : un tas de personnages finalement tous aussi suspects les uns que les autres et que le détective saura démasquer grâce aux indices disséminés dans le langage.
De la page à l’écran
Enfin, que serait Hercule Poirot sans ses illustres interprètes ? Avant de revenir au cinéma sous les traits de Kenneth Branagh, le rôle a été porté par nombre de comédiens : Austin Trevor a été le premier à l’incarner sur grand écran, tandis qu’Albert Finney s’est glissé dans la panoplie pour Sidney Lumet dans l’adaptation du Crime de l’Orient-Express en 1974, laquelle rencontra un franc succès.
Dans les années 1980, Poirot est incarné à maintes reprises par l’acteur et auteur britannique Peter Ustinov, au cinéma comme à la télévision, avant que Kenneth Branagh ne reprenne le flambeau en 2017. Côté séries, on citera par exemple John Malkovich, qui est devenu le détective le temps d’une minisérie pour la BBC, mais surtout l’acteur britannique David Suchet, mondialement connu pour son interprétation d’Hercule Poirot dans une série révérée et diffusée pendant près de 25 ans (de 1989 à 2013). Une série que beaucoup d’ailleurs considèrent comme l’adaptation la plus fidèle à l’œuvre d’Agatha Christie.