[Rentrée littéraire 2023] Rencontre avec le phénomène surprise de la rentrée littéraire, Panayotis Pascot, pour son premier roman intitulé La Prochaine Fois que tu mordras la poussière, publié chez Stock.
Comment ce livre est-il né ? On a l’impression qu’il bouillonne en vous depuis longtemps.
J’ai mis environ quatre ans à écrire La Prochaine Fois que tu mordras la poussière. C’est un texte qui se passe sur trois périodes de ma vie. L’enfance, où j’étais plutôt proche de mon père ; la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte, au moment où je parlais moins à mon père ; et enfin, l’instant présent, où j’essaie de me reconnecter avec lui. Tout s’est fait de manière naturelle. Je n’avais pas de chronologie, j’écrivais quand je ressentais le besoin d’évacuer. Au fur et à mesure, j’ai commencé à accumuler les pages, à rassembler les pièces du puzzle et à créer mon ordre, ma propre chronologie.
Quand l’écriture a-t-elle fait irruption dans votre vie ?
Vers mes 12 ans, je dirais. Je fais beaucoup d’insomnie, j’ai du mal à dormir, je fais de grosses boules d’émotion et écrire me permet de les dissiper, de les faire partir. Depuis cet âge-là, j’écris ce que je ressens au moment où je le ressens. C’est quelque chose qui m’est nécessaire, j’ai besoin de me vider la tête et l’esprit, et ça passe par l’écriture. La thérapie aide à comprendre ce que l’on a dans la tête, l’écriture, elle, fait sortir des pensées et des idées qui sont dans les angles morts.
D’ailleurs, la nuit est omniprésente dans le livre. Est-ce un moment à part pour vous ?
C’est un moment où le monde est éteint. D’un seul coup, on n’est plus une personne en face d’autres personnes, on est une présence et on doit s’accommoder de cette présence. On est face à soi-même. C’est un moment plus ancré dans une psychologie profonde. Le social n’entre pas en jeu. Il ne s’agit que de présence.
Comment expliquez-vous la différence entre le Panayotis de la vie de tous les jours et le Panayotis qui écrit des sketchs et des livres ?
Quand j’écris, je vois un territoire à conquérir, je m’autorise à aller plus loin que dans le monde réel. Ensuite, je fais visiter ce territoire à d’autres gens. Mais cette conquête, elle ruisselle petit à petit dans ma vraie vie. Je commence à me lâcher.
« La thérapie aide à comprendre ce que l’on a dans la tête, l’écriture elle, fait sortir des pensées et des idées qui sont dans les angles morts. »
Panayotis Pascot
On pense forcément à sa famille, à son entourage, quand on se met à nu comme ça, non ?
C’est un piège que j’ai essayé d’éviter. J’ai tenu à faire lire le livre à tous mes proches avant d’imprimer les premières épreuves. Je voulais leur aval et leur dire que j’étais prêt à discuter de tout et même à retirer des choses, mais pendant l’écriture je ne pensais qu’à moi, qu’à mes émotions. Je n’ai eu aucun retour négatif, tout le monde a compris qu’on était dans un roman, que la fiction est un prisme et que tout n’est pas véridique au sens de la réalité pure. Il s’agit d’un ressenti sensible. Ça a même donné lieu à des discussions extrêmement intéressantes.
En même temps, ils sont un peu habitués, ce sont déjà les stars de vos spectacles.
Ils m’ont toujours fait confiance, ils savent que je fais toujours les choses avec bienveillance et amour. Depuis tout petit, je leur dis que je veux être artiste, alors je crois qu’ils sont simplement contents que tout cela se concrétise.
Est-ce qu’on s’autorise plus de choses quand on écrit un livre que quand on écrit un texte qu’on va jouer devant un public ?
Je ne sais pas si c’est de cet ordre-là. Déjà, on n’est pas dans l’obligation de devoir faire rire les gens. On a une direction, on a un but. Pour un roman, on est livré à nous-mêmes et, paradoxalement, c’est encore plus compliqué. J’essaie d’écrire dans un souffle, c’est mon approche de la littérature, j’aime bien laisser les idées macérer pendant une petite semaine et après pendant le week-end, écrire des dizaines de pages. Ce n’est qu’ensuite que je relis, je mets en forme, je taille le gras.
À quel moment la dépression débarque-t-elle dans votre vie ?
La dépression apparaît quand j’ai 19 ans. C’est ce qui m’a poussé à démissionner de la télévision parce que ça n’allait pas. À cette époque-là, je n’ai pas vraiment mis les mots dessus, je me disais que c’était une phase dépressive. Mais il y avait un mal-être, la célébrité n’a pas dû aider. C’est compliqué de ne pas savoir qui on est et de voir des millions de gens se projeter sur vous. J’ai vraiment compris le mal qui me rongeait quand j’ai traversé un gros épisode de dépression mélancolique. Heureusement, j’ai eu les bonnes personnes pour m’aider.
« Je vais essayer de découvrir qui je suis, pas quel homme je suis. »
Panayotis Pascot
Quelle relation entretenez-vous avec le bonheur ?
C’est quelque chose qui m’effraie. J’ai cette impression maladroite que le bonheur peut partir à tout moment. Le posséder, c’est avoir une chance qu’on vous le prenne. Mais c’est quelque chose que je convoite bien sûr, j’aime bien quand il me frôle.
Beaucoup de journalistes ont insisté sur votre coming-out en parlant de votre livre, mais c’est plutôt un roman sur l’amour, non ?
Oui, c’est un roman d’amour, c’est comme ça que je le labellise. Je crois que c’est un livre sur l’amour au sens large. C’est d’ailleurs pour cela que les personnages qui traversent ma vie portent des noms de parabole. Le Bonheur, La Vie, c’est plus simple comme ça… Ça ne m’intéressait pas qu’on sache que c’est un garçon ou une fille. C’est plus les sensations qui sont importantes.
La virilité est un de vos thèmes de prédilection. Quel rapport entretenez-vous avec cette injonction ?
Je ne me pose pas la question et c’est une chance. On fait partie d’une génération qui ne se pose plus la question. C’est plus simple de savoir qui on est plutôt que de savoir si on est un homme ou une femme. Je vais essayer de découvrir qui je suis, pas quel homme je suis.
C’est un livre qui va aider des jeunes, faire écho en eux. C’est important ça aussi ?
C’est une énorme chance. Depuis que le livre est sorti, je reçois énormément de messages, je croise des gens dans la rue qui viennent me parler du livre. C’est fou de se dire qu’il a un écho en eux. Je me rappelle encore des livres de mon adolescence, qui influencent encore des pans entiers de ma personnalité, comme Le Message d’Andrée Chedid. Ça m’a bouleversé plus jeune. Ce personnage qui traverse une ville en guerre pour apporter un message d’amour. Charles Bukowski aussi m’a beaucoup aidé, parce que c’était la première fois que j’aimais détester quelqu’un. Il m’a aidé à comprendre que les gens n’étaient pas parfaits. Ça puait la sincérité.
La Prochaine Fois que tu mordras la poussière, de Panayotis Pascot, Stock, 2023, 240 p..