Entretien

Silly Boy Blue : “La musique nous ramène à quelque chose qui nous rassure et qui nous fait énormément de bien”

11 août 2023
Par Lisa Muratore
Silly Boy Blue a sorti son dernier album “Eternal Lover” cette année.
Silly Boy Blue a sorti son dernier album “Eternal Lover” cette année. ©Aurélie Lamachère/Champs-Élysées Film Festival

À l’occasion du Champs-Élysées Film Festival, L’Éclaireur a rencontré Silly Boy Blue, étoile montante de la chanson afin d’évoquer ses débuts de carrière, son univers musical et ses références. Rencontre.

Qu’est-ce qui vous a amenée à la musique ?

C’est une chose que j’ai commencé à faire quand j’étais très jeune. J’avais 13 ans quand j’ai eu ma première guitare. Ça a toujours été un objectif de vie de faire de la musique mon métier, parce que c’est quelque chose que je fais finalement depuis que je suis enfant. C’est vraiment resté stable dans ma vie, peu importe la période.

David Bowie fait partie de vos modèles. Qu’est-ce qui vous a tant marquée dans son univers ?  

Ce sont plusieurs choses en même temps. C’est l’entièreté du personnage, son identité, ses chansons, ses paroles, les différents airs qu’il a eu dans sa vie. C’est aussi un mélange de tout ce qu’il a fait. C’est ça qui me fascine, parce qu’il est tellement complet. J’ai l’impression de le découvrir chaque jour, alors que je l’ai quand même pas mal étudié. La complexité et la pluralité de David Bowie me fascinent. 

Quand j’ai dû choisir un alias, c’était évident que ce serait en lien avec Bowie. Silly Boy Blue vient de l’une de ses toutes premières chansons, qui n’est pas connue. Je l’adore, mais surtout j’aime bien le fait que ce soit un morceau dans lequel il est jeune. Le choix d’un nom de scène en lien avec Bowie, ça m’a aussi beaucoup rassurée. 

« Quand on est en solo, tout repose sur nos épaules et les choix qui sont faits, ce sont les nôtres. »

Silly Boy Blue
Chanteuse

Avant de débuter une carrière solo, vous étiez dans un groupe. Comment avez-vous vécu cette transition ? Quel challenge cela-a-t-il représenté ? 

J’ai été dans plusieurs groupes et la différence par rapport au fait d’évoluer en solo, c’est que dans un groupe tu as toujours l’impression que tu peux te planquer derrière le chanteur, ou derrière le guitariste. Si pendant les concerts, tu n’es pas au top, tu as l’impression que tu pourras toujours te reposer sur tes camarades. Lorsqu’on est en solo, on se rend compte que l’on doit tout incarner. C’est l’inverse finalement. Tout repose sur nos épaules et les choix qui sont faits, ce sont les nôtres.

C’est à la fois très effrayant et génial. C’est gratifiant de se dire que l’on prend les décisions soi-même. Ça donne encore plus envie de se défoncer lorsque l’on est en solo, car on sait que l’on a moins le droit à l’erreur. 

Comment vivez-vous le processus créatif en solo ? 

Au début, c’était vraiment solitaire. C’était un peu compliqué. Puis, au fur et à mesure, j’ai appris à m’entourer. J’aime beaucoup ça. Depuis que je travaille en solo, j’essaie d’être moins dans mon coin, car l’écriture c’est quelque chose d’assez solitaire et de privé. J’ai réussi à faire confiance à suffisamment de gens pour pouvoir écouter et être moins seule. 

Clip de Not a Friend de Silly Boy Blue.

L’écriture, ça reste quand même quelque chose de très étrange, parce que c’est un moment hyper isolé. On sait quand ça commence, mais ne sait pas quand ça finit.

En tout cas, ça reste quelque chose de très fort, et même si je travaille avec des gens aujourd’hui, j’ai quand même besoin que ce soit solitaire d’une certaine manière pour pouvoir retranscrire ce que je ressens. 

« Ça me fait énormément de bien d’écrire sur l’amour, car ça me permet de comprendre un peu mieux mes sentiments. »

Silly Boy Blue
Chanteuse

On sent que ce processus créatif est lié à votre univers musical à la fois intime et mélancolique…

Absolument. Mon univers recoupe plusieurs influences comme la pop, le rock, mais aussi des influences électroniques et des sonorités new wave. Et en effet, il est assez nostalgique. Après, il y a aussi des côtés moins sombres, notamment quand je parle d’amour. L’amour est une des thématiques centrales de mon univers et de mon écriture. 

Pourquoi l’amour vous fascine-t-il tant ? 

Tout le monde en parle, tout le monde le vit et tout le monde l’expérimente de manière différente, à différents moments de sa vie. L’amour est un sujet inépuisable. Il n’y a pas une seule rupture qui se ressemble, il n’y a pas une seule histoire qui se ressemble. Ça me fait énormément de bien d’écrire dessus, car ça me permet de comprendre un peu mieux mes sentiments. 

Clip de The Fight de Silly Boy Blue.

J’ai l’impression que quand quelqu’un sort une chanson d’amour, c’est à chaque fois différent. C’est ce que je ressens quand j’écris. J’ai l’impression que l’on pourra toujours écrire sur l’amour et que tout ne sera jamais dit.

À quoi sert la musique et l’écriture finalement pour vous ? 

Je pense que la musique a un côté hyper cathartique, mais aussi un aspect très fédérateur ; elle permet de se dire que l’on n’est pas tout seul. Quand j’écoute une chanson et que je me retrouve dedans, ça me rassure énormément, parce que je me dis que je ne suis pas la première personne à ressentir quelque chose comme ça. 

À l’inverse, quand des gens me disent : “J’ai écouté cette chanson, ça m’a accompagné pendant ma rupture”, je me dis que ma musique a aidé quelqu’un comme elle m’a aidée moi. J’aime beaucoup le fait de rassembler aussi ; il y a quelque chose de très beau de se dire que ça accompagne des gens à des moments donnés.

L’autre jour, j’écoutais une chanson et je n’arrivais pas à me souvenir à quel moment je l’avais entendue, alors que je la connaissais par cœur. Ça me faisait me sentir à la maison, d’une certaine manière. La musique, c’est comme un moment qui nous ramène à quelque chose, qui nous rassure et qui nous fait énormément de bien. 

Vous évoquiez l’influence de David Bowie, et votre EP But You Will est inspiré d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Dans quelle mesure la pop culture vous inspire-t-elle ? 

Ce que j’aime bien dans la création, c’est que tout est lié. Une œuvre, c’est quelque chose qui me touche, qui m’inspire, que ce soit de la musique, un film, une image, un lieu, ou un moment. Je n’ai pas d’exigence sur le format, tant que ça me touche et que ça me marque.

Le film de Michel Gondry résonnait beaucoup au moment où j’écrivais But You Will et j’avais envie que le nom de mon EP soit une référence à son œuvre. Je n’ai pas encore écrit de chanson directement inspirée par un film, mais ce dialogue sur l’espoir et sur la rupture résonnait tellement avec ce que je disais dans mon EP…

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J’ai aussi plusieurs films totems comme les Tim Burton ou les Gregg Araki. Sur le dernier album, ce qui m’a inspirée, ce sont les photographies de Pierre et Gilles. Je trouve leurs photos magnifiques depuis que je suis enfant, et j’ai réussi à faire ma cover avec eux. Tout cela fait partie d’une imagerie qui me plaît. 

L’image a une grande importance dans votre univers. La musique ne passe pas que par les oreilles, mais aussi par la vue. 

C’est tout à fait ça. En plus, j’ai toujours adoré participer à la pochette et faire des clips en réalisation ou coréalisation. J’ai besoin de tout retranscrire en images ; je vois des choses quand j’écris et que j’écoute des morceaux. L’image et le son sont très liés, selon moi. Il y a une réflexion qui accompagne mon univers.

Une chanson de votre dernier album, Eternal Lover, résonne-t-elle plus que les autres ? 

Je pense que ça dépend de certains moments, même si j’ai tout de même un très fort attachement pour Sparks, car c’est la première chanson d’amour que j’ai écrite, et elle parle d’un amour heureux. Elle représente le début de quelque chose pour moi. 

Clip de la chanson Sparks de Silly Boy Blue.

Quelles ont été vos influences tout au long de la création de votre dernier album ?

Sur cet album, ça peut paraître un peu nul, car je n’ai écouté que deux artistes en boucle [rires] : Bon Iver et Phoebe Bridgers. Après, avec mon producteur, on a écouté beaucoup de choses, des bouts de morceaux même, mais c’est vrai que ces deux artistes-là m’ont accompagnée pendant l’écriture d’Eternal Lover. Bon Iver m’apaisait beaucoup, ce qui me permettait d’écrire. C’est très chouette de procéder comme ça. Ça m’apportait le calme dont j’avais besoin pour avoir les idées claires.

Silly Boy Blue, Eternal Lover (2023), actuellement disponible.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste