Chacune de ses parutions est un phénomène en librairie. Riad Sattouf semble détenir la recette du succès. Rebelote avec la sortie du tome 8 de sa BD best-seller Les Cahiers d’Esther ce 1er juin ! Notre critique.
Depuis son lancement en 2016, la saga des Cahiers d’Esther de Riad Sattouf cartonne. La série, qui retrace le quotidien d’une jeune fille de ses 10 ans à sa majorité, comptabilise plus d’un million et demi d’exemplaires vendus pour les sept premiers tomes en France et des dizaines de traductions à l’international. Le huitième tome qui paraît ce 1er juin promet de vivre la même embellie, puisqu’il est déjà tiré à 160 000 exemplaires, soit 30 000 de plus que le précédent.
Comment expliquer ce succès ? Riad Sattouf croque comme personne les émois de l’adolescence. Il raconte la sienne dans sa série autobiographique L’Arabe du futur, celle de garçons en pleine puberté dans son film Les Beaux Gosses, ou encore celle d’une jeune parisienne ordinaire dans Les Cahiers d’Esther. Son regard singulier sur cette période de métamorphose sonne toujours juste, ce qui lui a même valu d’être le gagnant du grand prix du dernier Festival International de bande dessinée d’Angoulême, ainsi que du prix « Max und Moritz » de la meilleure bande dessinée internationale en 2018, justement pour Les Cahiers d’Esther.
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Un phénomène international
Les plus jeunes lecteurs s’y sont reconnus. Résultat : ils s’emparent d’Esther jusqu’à en faire un véritable phénomène TikTok. Des extraits vidéos des Cahiers d’Esther (adaptés en dessin animé pour Canal+ en 2018) sont repris par de nombreux comptes qui comptabilisent des millions de vues. Riad Sattouf lui-même surfe sur la tendance et crée son propre compte sur le réseau social lors de la sortie du tome 7 des Cahiers d’Esther en juin 2022. L’auteur y est aujourd’hui suivi par plus de 165 000 personnes.
Il faut dire que, pour une majorité de lecteurs et de lectrices, Esther est comme elles et eux. Elle a les mêmes intérêts, les mêmes problèmes… Sans doute parce que Riad Sattouf ne part pas de rien pour faire vivre sa jeune héroïne. Il s’inspire du vécu de la fille d’un couple d’amis à lui. Depuis ses 10 ans, elle lui raconte régulièrement son quotidien. Un terreau fertile pour faire pousser cette saga à succès. Esther est donc bien réelle, mais son identité reste secrète. Et rien n’est plus attrayant que le mystère…
Tome 8 : nouvelle année, nouveaux enjeux pour Esther
On n’est pas sérieux quand on a 17 ans… et l’héroïne des Cahiers d’Esther n’échappe pas au dicton. Désormais lycéenne, Esther continue de nous émouvoir alors qu’elle rentre en classe de première. Son horizon : le (terrifiant) bac de français. Comme à son habitude, Riad Sattouf découpe sa BD en 52 planches qui donnent à voir aux lecteurs et lectrices des fragments du quotidien de l’adolescente sur l’ensemble de son année. Esther fête ses 17 ans, effectue sa journée de Défense et citoyenneté, va dans des soirées où ses amis consomment des space cakes, vit sa première expérience professionnelle, voit ses parents vieillir, vrille en apprenant le coup d’arrêt à l’IVG aux États-Unis… En bref, Esther grandit !
Cette période troublante s’accompagne d’une prise de conscience, mais aussi de plusieurs questionnements pour notre héroïne. Est-ce que c’est « grave » d’être encore célibataire à son âge ? Les hommes sont-ils tous des gros relous ? Quelles sont ses passions ? Que veut-elle faire de sa vie ? Toutes ces questions trottent dans la tête d’Esther, qui continue de se chercher, tout en affirmant davantage sa singularité.
Comme dans le tome précédent, Esther est de plus en plus attentive au monde qui l’entoure. Au fil des albums, la jeune fille a dû composer avec le contexte des attentats de 2015 et 2016, l’émergence du mouvement #MeToo, l’assassinat de Samuel Paty, ou encore la crise sanitaire. Dans ce tome 8, c’est la guerre en Ukraine qui angoisse notre héroïne, scotchée à son téléphone, à l’affût de la moindre actualité. Un ancrage dans la réalité qui parlera aussi bien aux adultes qu’aux plus jeunes.
Avec la curiosité d’un anthropologue, Riad Sattouf scrute les us et coutumes de cette nouvelle génération d’adolescents et dresse un portrait juste de la jeunesse du XXIe siècle. Qu’on soit fidèle lecteur depuis le tome 1 ou nouvel arrivant curieux de comprendre la hype autour des Cahiers d’Esther, on ne peut s’empêcher de s’attacher à cette ado spontanée et honnête, qu’on regrette déjà de devoir quitter lorsqu’elle atteindra sa majorité, comme l’a annoncé Riad Sattouf… ce qui, hélas, ne saurait tarder.
Les Cahiers d’Esther, tome 8, de Riad Sattouf, Allary, 56 p., 17,90 €.