Exit Netflix. L’actrice espagnole a décidé de poursuivre sa carrière du côté du grand écran, avec des projets forts et qui lui ressemblent. Avec Perdidos en la noche, elle revient avec un film politique et social, aux côtés de l’acteur mexicain Juan Daniel García Treviño.
Que ressentez-vous aujourd’hui, après avoir présenté votre film Perdidos en la noche au Festival de Cannes ?
Ester Expósito : On est vraiment excités, c’est un moment très spécial pour nous. C’est la troisième fois que je me rends au Festival de Cannes, mais je n’étais encore jamais venue présenter un film. Pour les deux éditions précédentes, c’était un voyage organisé avec des marques de mode, donc celle-ci est particulière. Il y a deux ans, j’étais sur le tapis rouge et je me disais : “J’aimerais tellement revenir ici pour un film” – et c’est arrivé. C’est génial. On s’est tellement impliqués dans ce projet… On a tellement travaillé. On est très fiers d’être ici ; tout ce qui arrive est vraiment beau.
Qu’est-ce qui vous a poussés à rejoindre ce projet ?
Juan Daniel García Treviño : Les thématiques qu’il aborde, comme les luttes sociales. C’est juste hallucinant.
E. E. : Oui, ces sujets sont importants. J’ai adoré l’histoire et la manière dont le scénario est écrit. Je pense que ce que j’ai le plus aimé, c’est mon personnage. C’est l’une des raisons pour lesquelles je voulais m’investir à fond dans ce film et donner autant de ma personne.
Comment définiriez-vous ce film ? Est-ce un drame politique et social, ou plutôt une œuvre sur le passage de l’adolescence à l’âge adulte ?
J. D. G. T. : Je dirais que c’est un beau mélange de tout ça, mais l’histoire est surtout construite autour de problématiques sociales.
E. E. : Oui, c’est clairement un drame social et politique.
Ester, En France, on vous connaît surtout pour votre rôle de Carla dans Élite. Souhaitiez-vous vous libérer de l’image que renvoyait ce personnage iconique en jouant dans un film politique comme Perdidos en la noche ?
E. E. : C’est vrai que ces deux personnages n’ont rien à voir. Carla est très intellectuelle, elle réfléchit et calcule tout. À l’inverse, Mónica est spontanée et impulsive. Depuis que j’ai quitté l’équipe d’Élite, je choisis mes rôles de manière réfléchie, car j’ai le privilège de pouvoir le faire. Je veux une longue et grande carrière, avec de beaux projets, des personnes talentueuses, de bons personnages et des histoires fortes.
Je ne suis pas pressée, je prends mon temps pour sélectionner des projets qui en valent vraiment la peine. Quand Perdidos en la noche est sorti de nulle part, je me suis dit que j’avais bien fait d’attendre. Aujourd’hui, on est à Cannes, et je pense que c’est la plus belle des récompenses.
Vous reconnaissez-vous dans le caractère et les valeurs de vos personnages ? Qu’est-ce que vous aimez le plus chez eux ?
E. E. : Je pense qu’on met toujours beaucoup de nous dans les rôles que l’on incarne. En tout cas, je ne peux pas faire autrement pour que mon personnage soit juste et vrai. Après, je suis très différente de Mónica sur plusieurs points – et c’est justement cette différence qui me plaît.
Par exemple, j’adore le fait qu’elle soit aussi spontanée et impulsive. Quand elle veut faire quelque chose, elle fonce et elle ne se pose pas de question. Elle est comme une enfant qui aime jouer avec la vie. Sa manière de jouer peut paraître étrange, mais je pense que c’est sa façon à elle d’exprimer sa créativité. À l’inverse, je réfléchis beaucoup trop avant de dire ou de faire quoi que ce soit.
J. D. G. T. : Pour le coup, je ne me reconnais absolument pas en Emilianó. Je n’ai pas les mêmes idées que lui. En revanche, j’aime beaucoup sa persévérance. Il a un plan et il va jusqu’au bout pour trouver la vérité sur la disparition de sa mère. Il n’abandonne jamais.
Les liens entre vos personnages sont très flous : est-ce de l’amour, du désir, de la curiosité… ? Comment avez-vous préparé vos scènes en duo, avant le tournage ?
J. D. G. T. : Nous n’avons rien préparé !
E. E. : J’ai préparé les scènes avec tous les autres acteurs, sauf Juan. On se connaissait avant le film, mais nous n’avons pas fait de répétitions, parce qu’on pensait que ce serait mieux de trouver notre dynamique sur le plateau et durant le tournage. Nous voulions voir ce qu’il allait se passer sur le moment.
Et ça a fonctionné ?
E. E. : Oui, je pense, car le résultat est très beau. Nous étions très à l’écoute l’un de l’autre et de nos énergies respectives. On était très connectés, finalement. L’alchimie s’est faite toute seule. Après, je ne sais pas si nos personnages sont reliés par une relation d’amour ou de désir. À cet âge, tout est confus. Tu rencontres quelqu’un, tu ne le connais pas, mais tu as la sensation d’être amoureux et d’avoir des sentiments très forts pour lui. Je ne sais pas si ce genre de chose arrive quand on est plus vieux, mais cette innocence est très belle.
Donc, pour répondre à votre question, je pense que Mónica et Emilianó sont perdus. Ils sont très différents et viennent de classes sociales opposées, mais ils ont tous les deux souffert et vécu des expériences douloureuses. Ils sont connectés par ce sentiment et se comprennent. Ils partagent une alchimie, une curiosité pour l’autre, mais aussi leurs démons.
À quoi ressemblait votre adolescence ? Était-elle similaire à celle de vos personnages ?
E. E. : Mon adolescence était très fun et je faisais beaucoup la fête. C’était le moment de toutes les premières fois, comme le fait d’aller danser, de boire avec des amis dans la rue ou dans des parcs. Je continue à faire toutes ces choses, mais ça n’a pas la même saveur. J’ai adoré cette magie liée à la découverte et à la nouveauté. Ce sentiment me manque beaucoup.
En revanche, je détestais le lycée ; les sujets qui y étaient abordés ne m’intéressaient pas. J’avais du mal à rester concentrée et motivée. Je voulais être actrice, je ne me sentais pas à ma place dans ces salles de cours. C’est aussi un moment où on est très sensible, où un rien peut devenir la fin du monde. Donc mon adolescence était une période incroyable et douloureuse à la fois.
J. D. G. T. : Mon adolescence n’était vraiment pas facile, mais je suis fier de mon parcours. Mon père m’a mis à la porte quand j’avais 15 ans et j’ai dû travailler dans le bâtiment et devenir soudeur pour m’en sortir. J’étais aussi musicien et j’ai monté un atelier de musique pour donner des cours gratuits dans des quartiers défavorisés. Le fait d’évoluer dans ces milieux et d’être confronté à toutes ces difficultés m’a permis de grandir très vite, en étant très jeune.
J’ai dû prendre des décisions importantes très tôt. J’ai quitté ma famille, mes amis, mon quartier… Bien sûr, ça a été difficile de changer de ville jusqu’à mes 17 ans et d’être éloigné de mes proches. Je me suis battu, mais j’ai toujours été entouré de personnes qui étaient là pour me soutenir et m’aider. Finalement, j’ai perdu beaucoup, mais j’ai aussi trouvé des amis avec qui j’ai créé un lien très fort. Je suis très reconnaissant d’en être arrivé là aujourd’hui.
Le film parle aussi de la toxicité des réseaux sociaux. Quelle est votre relation avec ces derniers ? Êtes-vous accros ou, au contraire, tentez-vous de vous en protéger ?
E. E. : J’essaye clairement de me protéger. Pour moi, Instagram est un outil de travail et un moyen de communiquer avec ma communauté. Je suis très reconnaissante de l’amour qu’ils me donnent, mais j’ai aussi conscience du fait que les réseaux sociaux peuvent être dangereux. J’aimerais être moins dépendante de mon téléphone, mais je m’en sers beaucoup pour travailler, pour envoyer des mails, pour lire les scénarios… Donc c’est difficile de s’en détacher. Je ne dirais pas que je suis accro, mais, comme beaucoup de monde, je passe beaucoup de temps devant mon écran.
J. D. G. T. : Instagram me permet de partager mon travail, mais je ne publie jamais rien de personnel. Je dois quand même admettre que la plateforme m’offre aussi des opportunités incroyables, comme le fait de recevoir tout le soutien et l’amour de mes fans. Donc pour résumer, j’aime beaucoup les réseaux sociaux, mais j’essaie de ne pas leur donner trop d’importance.