Entretien

Bérangère Mc Neese : “L’équipe de HPI est devenue une famille”

18 mai 2023
Par Agathe Renac
L'équipe de “HPI” est de retour pour une troisième saison.
L'équipe de “HPI” est de retour pour une troisième saison. ©TF1

Des gens bien, Lycée Toulouse-Lautrec… L’actrice et réalisatrice Bérangère Mc Neese enchaîne les séries à succès. À quelques heures de la sortie de nouveaux épisodes de HPI, elle nous a fait quelques confidences sur cette saison 3, mais aussi sur ses passions cachées.

HPI est de retour pour une troisième saison. En 2022, c’était l’un des programmes les plus regardés à la télé. Vous attendiez-vous à un tel succès quand vous vous êtes lancée dans l’aventure ?

Non, pas du tout. On m’avait parlé d’un rôle récurrent dans une série policière de comédie. J’avais un peu de mal à cerner le programme. Je me suis dit que ça allait surtout être un truc de flics, et qu’il y aurait peut-être une vanne ou deux de temps en temps. Finalement, la série est assez innovante et je la trouve sincèrement drôle. Elle s’adresse à un public très éclectique, je crois que c’est ce qui fait sa force.

Pour répondre à votre question : ni les acteurs, ni la production, ni la chaîne ne s’attendaient à un tel succès. On espérait que ça fonctionne, mais on ne pensait pas que ça allait battre tous les records sur dix ans. Les chiffres sont incroyables ! Maintenant, on se demande toujours si les spectateurs seront au rendez-vous la saison suivante.

Bérangère McNeese (Daphné) et Bruno Sanches (Gilles) dans HPI.©TF1

C’est très jubilatoire de jouer en sachant que notre programme va être vu et que les gens aiment nous retrouver. C’est super, mais en même temps, ça met une forme de pression. Quand 10 millions de personnes prennent le temps regarder ta série, t’as intérêt à ce que ça soit pas trop pourri, à te réveiller le matin et à connaître ton texte ! Enfin, en général, c’est bien de connaître son texte quand on est acteur…

Cette pression supplémentaire vous a-t-elle poussée à changer votre manière d’appréhender votre personnage ?

Je pense que je la ressens plus en amont, quand je découvre les scénarios et que je prépare mon jeu. On en parlait hier avec Bruno [Sanches, ndlr], mais on est dans une espèce de cocon. Je n’avais jamais expérimenté le fait de travailler durant trois saisons avec la même équipe. Finalement, ils sont devenus mes amis. Je les connais bien et je suis contente de les retrouver.

On n’est plus impressionnés par les autres, on n’est plus timides et on essaie plein de choses durant le tournage. Donc il y a cette pression liée au public, et en même temps, je n’ai jamais été aussi à l’aise sur un plateau que sur HPI, parce qu’on peut essayer plein de choses, on invente et on s’amuse. On est comme à la maison.

©TF1

Bruno Sanches nous a effectivement confié que vous étiez comme une famille et que vous sortiez souvent, notamment avec Marie Denarnaud.

Je me suis déjà vraiment bien entendue avec mes collègues sur des précédents tournages, et j’étais triste de les quitter, mais là, c’est différent. Je les retrouve année après année, quatre mois par an. C’est une famille.

D’autant plus que ça a l’air intense…

C’est hyper intense ! Tu changes de décor et d’environnement à chaque fois. C’est comme partir en minicolo tout le temps, avec les mêmes personnes.

Votre personnage va-t-il évoluer dans cette nouvelle saison ? 

Daphné va être pas mal présente dans cette saison 3 et sa relation avec Morgane Alvaro sera plus développée. Elle est très appliquée, très procédurière, elle a grimpé les échelons de la police en s’inspirant du commandant Karadec, qu’elle admire. Elle a une façon de faire qui est assez carrée.

Quand Morgane arrive, il y a quelque chose chez elle qui la fascine (parce qu’elle est brillante et qu’elle résout des enquêtes, et c’est exactement ce que Daphné veut faire de sa vie), et en même temps, il y a un truc qui la saoule et qui la dépasse complètement. Elle est désorganisée, elle fait n’importe quoi, elle bâcle toutes les procédures, elle ne respecte pas les règles… Ça la rend ouf !

Daphné (Bérangère McNeese) et Morgane (Audrey Fleurot) dans HPI.©TF1

C’est ce rapport-là que je trouve assez jubilatoire sur HPI. Les relations sont plus nuancées que ce qu’on peut voir ailleurs. Ce ne sont pas juste des collègues qui s’aiment bien, ou qui ne s’aiment pas. C’est beaucoup plus compliqué que ça. De la même manière, il y a plein de choses qui se jouent avec Gilles ; il y a parfois un peu de jalousie, mais aussi une vraie tendresse… Bon, ça, on n’arrive pas à le cacher, c’est juste qu’on s’aime vraiment beaucoup ! (Rires)

C’est une grosse année pour vous : vous êtes aussi sur deux autres séries qui ont cartonné ces derniers mois, Lycée Toulouse-Lautrec et Des gens bien. Qu’est-ce qui vous a plu dans ces trois productions très différentes ?

Comme je l’ai dit, HPI, c’est la maison. Après, Des gens bien était une expérience incroyable, parce que j’avais un rôle principal dans une série. C’est l’un des scénarios les plus jubilatoires que j’ai lus de ma carrière. J’ai adoré projeter ce qu’on allait faire. Les créateurs et toute l’équipe sont des gens merveilleux. C’est une coproduction franco-belge, donc je me sentais à ma place entre ces deux endroits. C’était une expérience vraiment folle et un peu hors du temps.

Pour Lycée Toulouse-Lautrec, c’était l’une des premières fois où on m’écrivait un rôle. C’était du sur-mesure, donc je me suis tout de suite très bien sentie. Ce qui est fou, c’est que ce lycée existe réellement et il accueille des enfants valides et non valides. D’ailleurs, les figurants venaient de cet établissement, qui était en fonctionnement lorsqu’on tournait. C’était assez rigolo de jouer ce personnage de prof un peu dépassée par ses émotions. Elle voit ces enfants qu’elle imagine en souffrance (et qui le sont parfois réellement), mais qui ont aussi un quotidien d’adolescents.

Il faut évidemment de l’empathie, mais il ne faut pas faire de misérabilisme. Ils méritent le respect, et qu’on ne les projette pas systématiquement dans une souffrance permanente. J’avais un peu cette maladresse-là en arrivant sur le plateau, parce que j’avais peur de dire quelque chose de déplacé et de me confondre en excuses, alors qu’en fait, ils se tapent des barres de rire ! L’un des comédiens est en fauteuil et il écrit sur un iPad pour communiquer. Il a un sens de l’humour darkissime… Il me faisait des vannes sur son iPad et moi, je devais jouer, lire ce qu’il disait, et c’était impossible de ne pas rire. J’ai créé des liens extraordinaires. 

De quel personnage vous sentez-vous la plus proche ?

Je pense qu’il y a un peu de moi dans tous mes personnages – c’est la réponse classique et un peu chiante, je suis navrée. Linda Leroy, dans Des gens bien, est quelqu’un que j’aimerais être, parce qu’elle est très lumineuse, elle ne perd jamais espoir. Moi, je suis un peu plus cynique – mais c’est une forme de cynisme amusé.

Je crois qu’il y a beaucoup de moi chez Daphné et dans son rapport avec les autres. Elle utilise des expressions que j’emploie dans la vie, elle est saoulée quand on ne la laisse pas finir sa phrase… En fait, je ne peux pas dire quel personnage me correspond le plus. Je crois qu’il y a un peu de moi dans chacun, ou en tout cas de ce que j’aspire à être… Même si je n’ai pas très envie de mettre des coups de pelle dans des cadavres (comme Linda) par exemple ! (Rires)

©Arte

Lequel vous avez-vous eu le plus de difficulté à jouer ?

Dans Des gens bien, j’ai dû apprendre le tir à l’arc et faire du spray tan tous les dimanches pour avoir la belle teinte orange de Linda Leroy, qui a un salon d’esthétique. C’était une expérience… différente. Tu es en sous-vêtements, on te vaporise partout sur le corps cette espèce de jus de bronzage. Tu dois te mettre dans des positions… Il faut lever les bras, ne pas rater l’intérieur des cuisses… Autant dire que tu crées une relation de proximité assez intense avec la personne qui te spray de semaine en semaine ! Si tu regardes la série, tu vois que je suis plus ou moins bronzée en fonction de si on a tourné le lundi ou le vendredi, parce que ça part en une semaine (et tu gardes cette odeur de coco-monoï tout le long).

Dans la série, Linda croule sous les dettes et embarque son mari dans une arnaque à l’assurance complètement folle. Vous êtes-vous déjà sentie dépassée par certains événements, avec cette sensation que la situation vous échappait ?

En permanence. C’est des petites choses, hein, mais j’ai tendance à “freeze”, à bugger, à me dire “mais putain, je fais quoi, là ?”. C’est des trucs aussi cons que de savoir si je vais direct à mon rendez-vous, ou si je passe par telle boutique avant… J’arrive pas à prendre de décision, et donc je bloque. Mon cerveau est comme ça, il est très vite submergé. En revanche, non, j’ai eu la chance de ne pas avoir eu à vivre de situation de détresse comme Linda.

©Arte

Je suis quelqu’un d’assez organisé, et ma vie l’est assez pour éviter les situations trop stressantes. En fait, je gère très mal le stress. Donc je suis la meuf qui va arriver quatre heures avant son vol à l’aéroport, pour être sûre d’avoir son avion même s’il y a une grève de la RATP, des taxis et des aiguilleurs du ciel. Une fois, j’ai raté un vol. C’était tellement traumatisant que j’ai tout mis en place pour que ça ne se reproduise plus. Mais tu sais quoi ? Je crois que c’est vraiment un cadeau pour les autres. Parce que quand je suis angoissée, c’est pénible pour tout le monde, vraiment.

La série nous raconte l’histoire de gens très ordinaires qui se retrouvent au milieu d’une affaire de meurtre. Est-ce que vous suivez les documentaires ou les séries de true crime ?

Ah ouais je suis cinglée de ça. J’ai saigné toutes les bonnes plateformes, donc j’en suis arrivée au point de devoir regarder les vieux épisodes de trucs américains éclatés au sol, mais j’adore. Du coup, je suis passée aux podcasts ! C’est moins mis en images, donc ça laisse toute sa place à l’imaginaire.

Forcément, c’est très glauque, donc je sais pas si c’est très bien à imaginer… (Rires) Mais ils vont interroger les parents, les voisins, etc. Tu n’entends que les voix, mais en fait, c’est tout un monde derrière. Donc oui, j’adore tout ce qui parle des serial killers.

Quelle affaire vous a le plus marquée ? 

Récemment, j’ai revu un documentaire Arte sur l’affaire Dutroux. Elle m’a marquée pour d’autres raisons : j’avais presque l’âge des victimes et je grandissais en Belgique à ce moment-là, donc il y avait un retentissement dans ma vie personnelle et dans mon enfance. Subitement, on ne pouvait plus se promener tout seuls, quand il s’est évadé, les parents allaient chercher leurs enfants à l’école pour être sûrs de les récupérer…  

Il y a eu une espèce de psychose générale en Belgique au moment de l’affaire, qui existe encore maintenant. C’est une population traumatisée par tout ça. Ce documentaire est intéressant parce qu’il aborde le traitement médiatique et judiciaire.

Vous avez joué aussi bien dans des films que des séries. Quel rôle rêveriez-vous de jouer maintenant ?

J’aimerais bien faire un film d’époque. J’ai déjà joué dans des films qui se déroulent dans les années 1970, mais j’aimerais bien faire un Versailles ! À base de corset, travailler le langage de l’époque, leur façon de parler… Ça, ça me ferait kiffer.

Il vous arrive de prendre certains tics de langages de vos personnages quand vous les incarnez durant plusieurs mois ? 

Oui, il peut m’arriver de garder leur façon de parler, leur rythme, la mélodie de leur phrasé et leur sens de l’humour. Les textes sont écrits pour toi, donc ton cerveau s’habitue à la réflexion insufflée par le scénariste, à son mode de pensée… Ça peut rester un petit moment, dans la façon de faire des vannes, par exemple.

Donc si vous tournez un film dans l’univers de Versailles, ça va être…

Ça va être très relou pour les gens autour de moi, ouais, ça va être très très relou.

©UFO Distribution

Et si on vous donnait la possibilité d’écrire la série ou le film que vous souhaitez, avec un budget illimité et les acteurs de votre choix, ça donnerait quoi ? 

Je choisirais mes acteurs préférés du moment, nommément Frédéric Pierrot, Olivia Colman, Jessie Buckley… Je mettrais aussi Vicky Krieps, Anouk Grinberg et Michel Piccoli ! Je m’en fous, je fais ce que je veux, je réveille les morts ! On ferait un film d’époque qui se situerait en 1920, à Paris. Ce serait une histoire d’amour, de désir, de drogue, d’artistes, d’opium… Voilà, le Paris décadent des années 1920. Tu as envie de regarder ?

Carrément ! Je serai là pour l’avant-première.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste