Entretien

David Castello-Lopes pour Authentique : “Avec ce spectacle, j’ai fait quelque chose qui me correspondait le plus possible”

08 mai 2023
Par Lisa Muratore
David Castello-Lopes présente son spectacle “Authentique”.
David Castello-Lopes présente son spectacle “Authentique”. ©Thomas O'Brien

Avec son premier spectacle, Authentique, David Castello-Lopes troque sa casquette de journaliste contre celle d’humoriste. À l’occasion de ses représentations à La Scala, L’Éclaireur a rencontré l’artiste aux 1001 talents.

Pour son premier spectacle, David Castello-Lopes a choisi de décortiquer le thème de l’authenticité. Dans un stand-up à la mise en scène aussi drôle que dynamique, le journaliste réfléchit à la sincérité de l’espèce humaine, exposant tour à tour ses travers. Le ton déjanté, qui a fait la renommée du vidéaste depuis plusieurs années, comme la précision de son analyse, offrent un seul en scène drolatique, philosophique, mais aussi profond.

Intitulé sobrement Authentique, le spectacle sera présenté jusqu’en juin à La Scala, à Paris, avant un crochet par le Trianon. Après quoi, David Castello-Lopes présentera son dernier délire en forme de conférence à travers tout l’Hexagone. Entre deux représentations, le tournage de ses vidéos pour YouTube et Konbini, ou encore sa chronique sur Europe 1, L’Éclaireur a pu s’entretenir avec cet artiste touche-à-tout.

À quel moment avez-vous décidé de vous lancer dans l’écriture d’un spectacle ? 

Ça a été progressif, car j’écris tous les jours sur mon téléphone des idées pour des blagues, des vidéos, des séries, des reportages. Je me suis dit que je commençais à avoir pas mal de matière pour écrire des sketchs. Puis, est venu le moment de se confronter à la scène. Ça aussi, je l’ai fait très progressivement, en commençant en 2018 par le Live Mag, dans lequel je racontais des histoires vraies en faisant des blagues. Avec cette expérience, j’ai vite pris la confiance. Je l’ai fait deux fois et j’ai trouvé ça facile, surtout que j’entendais depuis des années que le stand-up, c’est dur et cruel. Il a suffi que je passe une troisième fois sur scène, que je le fasse dans des conditions légèrement différentes, pour que je sois quatre niveaux en dessous de tout.

David Castello-Lopes.

À partir de ce moment-là, je me suis juré de ne plus ressentir ça. Ça a mis un coup d’arrêt pendant un an. Mais j’ai voulu vite y revenir, donc, après le confinement, j’ai commencé à La Petite Loge avec un 30 minutes que seules trois personnes avaient vu précédemment dans mon salon : ma copine, ma meilleure amie et le type qui devait faire les 30 autres minutes. On était dans les conditions du spectacle. C’était une vraie simulation. À La Petite Loge, j’ai fait 30 dates, je testais des choses, je sortais une télévision derrière un rideau, je passais des slides avec mon téléphone… C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit que je voulais vraiment écrire un spectacle. Alors, il a fallu trouver un endroit où le faire. Je suis donc allé en Suisse, et un théâtre à Lausanne m’a permis de le monter. J’ai écrit le spectacle en un mois, en juillet 2022. Il cristallisait des idées que j’ai eues pendant des années, il a fallu réfléchir aux transitions, faire du tri. 

Quelle est votre vision du stand-up ? 

C’est très dur, mais ce que je fais c’est peut-être un tout petit moins dur que le stand-up, parce que dans le stand-up, s’il n’y a pas de rire toutes les 15 secondes, on considère que c’est raté. Il y a une telle obligation de faire rire. Je sens moins cette obligation, car j’explique plusieurs choses dans mon spectacle. Je ne m’attends pas à ce qu’il y ait un rire franc, à la rigueur un petit ricanement. J’avoue que je me protège là-dessus, c’est peut-être un peu moins difficile. C’est Jerry Seinfeld qui a dit que le stand-up était une forme de spectacle vivant particulièrement cruelle et difficile, car tu es jugé toute les dix secondes. Pourquoi c’est cruel, le rire ? Car ça fait du bruit, donc quand il est là, ça s’entend, mais quand il n’est pas là, ça s’entend encore plus ! C’’est impossible de se mentir sur le fait que ça a fait rire. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai dit stop pendant un an, il faut pouvoir se le prendre dans la face.

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Finalement, j’ai vécu en accéléré parce que souvent, quand les gens commencent dans le stand-up, ils font tout de suite du stand-up. Moi, j’ai fait des vidéos, j’avais une communauté, et elle s’est partiellement transposée sur le spectacle. Les gens viennent voir mon spectacle, car ils soupçonnent que, comme ils aiment mes vidéos, ils vont aimer le spectacle. Ce que je veux dire, c’est que je n’ai pas eu à passer par l’étape où j’ai eu besoin de faire des comedy clubs. J’ai tout de suite eu des salles correctes, car les gens me connaissent assez bien. 

À vous écoutez, vous faites partie du stand-up et pourtant votre spectacle s’éloigne des codes, vous avez une façon à vous de le réinventer.

C’est un peu une nouvelle forme, alors que le stand-up à la base c’est un gars ou une fille avec rien sur scène, qui crée des univers entiers avec très peu de moyens. Il y a quelque chose qui est admirable là-dedans et, de ce point de vue-là, je me permets d’avoir d’autres outils. Après, je n’ai pas de religion particulière sur le stand-up. Je veux que le spectacle soit le mieux possible. C’est pour ça que je me le permets, aussi.

« Je pense que l’authenticité est un des thèmes les plus universels qui soit pour les êtres humains, dans le sens où c’est un thème qui concerne absolument tout le monde de façon égale. »

David Castello-Lopes

Je sais qu’il y a les orthodoxes du stand-up qui peuvent se dire que je triche avec un écran et une guitare. Avec ce spectacle, je pense que j’ai fait quelque chose qui me correspondait le plus possible. J’ai transposé une partie de ce que j’ai appris dans la vidéo sur la scène, mais avec nécessairement des changements auxquels on ne s’attend pas, notamment dans le spectacle vivant. 

Pourquoi avoir choisi d’appeler votre spectacle Authentique 

J’avais plusieurs pistes possibles, mais le thème de l’authenticité en général, c’est un thème qui me tient à cœur depuis 15 ans. Parmi toutes les possibilités, c’était la plus forte. J’avais beaucoup de choses à dire là-dessus, peut-être plus que sur d’autres sujets. D’ailleurs, il y a des choses qui sont frontalement dans le thème et d’autres qui sont tirées par les cheveux, que j’ai voulu inclure dans le spectacle. Je pense au passage sur la mauvaise foi et l’hymne portugais, car si j’avais voulu parler plus frontalement de la mauvaise foi, il y aurait eu peut-être des choses plus évidentes. J’avais tout simplement envie de raconter l’histoire de l’hymne portugais, ça fait partie de moi [rires].

David Castello-Lopes. ©Thomas O'Brien

Pourquoi le thème de l’authenticité vous tient-il tant à cœur ? 

Je pense que l’authenticité est un des thèmes les plus universels qui soit pour les êtres humains, dans le sens où c’est un thème qui concerne absolument tout le monde de façon égale. C’est un des propres de l’espèce humaine, que la question puisse se poser, même. Quand on dit que quelqu’un est authentique, ça veut dire que nous, êtres humains, on a conscience que l’on existe, donc on peut montrer un visage qui ne correspond pas à ce que l’on pense, à ce que l’on ressent vraiment. Tout cela de façon consciente. Il y a un divorce qui peut se faire entre ce que l’on montre et ce que l’on est. Ça n’existe pas ailleurs. L’authenticité est une question qui ne se pose que pour les êtres humains, et qui, à mon sens, est centrale. 

Quelle est la chose la plus authentique chez vous ? 

La fonction du spectacle c’est de dire que rien n’est authentique. C’est impossible d’être 100% authentique. Je pense que dans l’ensemble, sans vouloir me la péter, je suis un peu authentique comme gars ! Plus sérieusement, j’ai compris un certain nombre de choses pendant le spectacle. Je suis extrêmement vigilant sur ma propre authenticité et sur ma propre vanité. Par exemple, quand quelqu’un dit quelque chose pour se la péter, ce qui me dérange c’est qu’on n’en ait pas conscience. Je fais aussi attention au name-dropping. Après, fondamentalement, la chose la plus authentique c’est d’ignorer le regard des autres. Les choses les plus authentiques chez moi, ce sont des choses que je ne révèle pas sur scène : j’ai un côté très psychiatriquement fou, j’ai un rapport crispé au passé, j’archive mes photos…

Ce thème offre un aspect philosophique au spectacle. On pourrait même dire que ça légitime encore plus le stand-up, qui aurait tendance à être perçu comme une sous-forme d’art. 

À demi-mot, c’est en quelque sorte ce que j’espère provoquer avec ce spectacle. L’idée c’est de montrer aussi qu’il n’y a pas les gens chiants d’un côté, et les gens rigolos de l’autre. On peut venir des deux et mixer les gens, la preuve avec mon parcours. Après, je dois avouer que c’est un peu dur. Il y a des moments quand j’ai écrit le spectacle où je me suis dit : “On se calme, là, tu es en train de faire un cours.”

« Je remarque qu’être leader d’un groupe de musique et humoriste, au final, c’est très voisin. »

David Castello-Lopes

J’ai enlevé des parties entières du spectacle qui étaient plus de cet ordre. Quand je l’ai commencé en Suisse, il y avait 20 minutes sur la philosophie du design et les applications Apple… Comme vous pouvez l’imaginer, je perdais une grande partie de l’audience [rires]. C’était un peu deep ! Mais maintenant que j’en parle, je me dis que je pourrais le réinjecter aussi, ça serait un challenge de rendre ce sujet drôle.

Justement, en parlant de challenge, vous vous en mettez constamment dans votre vie. Comment faites-vous pour tout mener de front ?

Je crois qu’il y a deux choses. Tout d’abord, j’ai énormément glandé dans ma vie, notamment durant ma vingtaine. Je ne vais pas dire que j’ai fumé des pétards en jouant aux jeux vidéo, mais j’ai beaucoup glandé, car j’avais de relatives facilités à la fac comme au lycée. Depuis, j’ai quand même rattrapé des wagons, mais je m’en veux perpétuellement. J’avais tout le temps du monde pour apprendre des langues, passer mon permis de conduire que je n’ai jamais passé, m’instruire et travailler plus tôt.

« Quand quelqu’un me demande ce que je fais […] je dis que je suis un journaliste qui fait des blagues. C’est intriguant, mais en même temps, on peut voir ce que ça donne. »

David Castello-Lopes

Je me dis que j’ai perdu assez de temps dans ma vie, maintenant ça suffit. Certaines personnes éparpillent leur glande, moi j’ai suffisamment glandé. Ensuite, le fait que je n’aie pas d’enfant est un gros facteur. Puis, cette curiosité qui m’a toujours accompagné, c’est-à-dire que même quand je glandais, j’étais curieux. C’est la raison pour laquelle je fais ce métier de journaliste aujourd’hui. J’aime énormément ce que je fais, et c’est la chose la plus importante dans ma vie, à moins que j’aie un jour un enfant. Je suis trop émotif et sensible. 

Et la musique dans tout ça ?  

La musique, c’était un des trucs que je faisais quand je glandais. J’ai eu un groupe de musique, pendant plusieurs années, qui me tenait énormément à cœur. Je pensais que j’allais devenir une rockstar… et non, en fait [rires]. C’était une des principales expériences de la scène que j’avais, car j’étais chanteur du groupe. Je remarque qu’être leader d’un groupe de musique et humoriste, au final, c’est très voisin. Quand on est le chanteur, on est aussi l’animateur ; c’est celui qui chante qui tient le spectacle ; en plus il y avait déjà des blagues dans les chansons. Aujourd’hui, les chansons font partie de mes vidéos.

Du coup, à quand l’album ? 

L’écriture d’un opus prend un peu plus de temps et le problème, c’est que j’ai mes chroniques sur Europe 1, je travaille avec Arte toutes les semaines, je fais Konbini toutes les deux semaines, je fais le spectacle qui me prend du temps et les vidéos pour la Suisse… Pour l’instant, j’ai du mal à trouver le temps, mais j’ai très envie d’en écrire un et d’écrire de nouvelles chansons. Je sais même quelles chansons j’aimerais faire. Quand j’ai fait Je possède des tunes, plusieurs maisons de disques m’ont appelé en me demandant de l’éditer et de le sortir, pour en faire d’autres par la suite. Le souci c’est ce que j’étais au milieu d’une année comme j’en vis une actuellement.

Comment pourrait-on définir votre univers artistique ? 

Quand quelqu’un me demande ce que je fais dans la vie, et que je réponds que je suis journaliste, on imagine tout de suite l’actualité politique, alors que pas du tout ! Si je dis que je suis humoriste, ce n’est pas que ça. Je dis donc que je suis un journaliste qui fait des blagues. C’est intriguant, mais en même temps, on peut voir ce que ça donne. Ça ne décrit pas la totalité de l’univers, mais c’est une formule qui fonctionne.

Mon univers réunit deux obsessions : la fiabilité, la précision, l’information, les chiffres, mais aussi la blague, le divertissement, le fun. On peut le voir dans beaucoup de choses que je fais, notamment dans le spectacle. Les choses dont je suis le plus fier, c’est quand je peux fusionner ces deux univers. 

David Castello-Lopes.©Thomas O'Brien

Quelle est votre référence humoristique ?

Pour moi, le dieu dans la nouvelle génération humoristique, c’est Louis CK, car il domine l’humour à tel point que le deuxième derrière est, selon moi, très loin. C’est à la fois le plus drôle et le plus profond. L’un ne se fait pas au détriment de l’autre. C’est le plus profond, le plus philosophique, le plus fin et le plus drôle.

Auriez-vous une ou plusieurs recommandations humoristiques à nous faire ?

Il y a évidemment Jérôme Niel. J’aime aussi beaucoup Léopold Lemarchand. Il est très bon. Il est sur Instagram et vient de YouTube, de la bande McFly et Carlito. C’est un artiste auquel je m’identifie ; il est grand, il est même trop grand ; il est maladroit, on sent qu’il était timide, mais qu’il a su transformer ça en humour absurde. Je pense aussi à Vincent Le Vrai sur Instagram, qui imite des enfants. Je le trouve hyper inventif. Il y en a un que j’aime beaucoup sinon, c’est un Américain, Jordan Firstman, qui a explosé aux États-Unis pendant le confinement. Son truc, c’est qu’il imite soit des concepts, soit des objets. Par exemple, il peut imiter ton anniversaire. Il personnifie aussi l’huile de truffe. C’est inventif et très fort. 

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Authentique, de David Castello-Lopes, jusqu’au 2 juin 2023 à La Scala, les 29 et 30 septembre 2023 au Trianon, aux Folies Bergères le 10 novembre, et en tournée jusqu’au 30 mars 2024 dans toute la France.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste