Décryptage

J’ai enfin pris le temps de jouer à League of Legends, 13 ans après tout le monde

25 avril 2023
Par Samuel Leveque
“League of Legends” a révolutionné l'univers vidéoludique à sa sortie, en 2009.
“League of Legends” a révolutionné l'univers vidéoludique à sa sortie, en 2009. ©Riot Games

Chaque mois, un·e journaliste de L’Éclaireur se lance dans une séance de rattrapage d’une œuvre culte. J’ai décidé de m’attaquer à LOL, en me demandant s’il valait vraiment son statut de « jeu incontournable ».

League of Legends fait depuis plus d’une décennie les beaux jours de la scène esport. Après avoir passé l’essentiel de ma vie de gamer à complètement ignorer le phénomène, je me suis dit qu’il était enfin temps de prendre mon courage à deux mains et de m’attaquer à ce monument de la culture vidéoludique.

LoL ? Oui, je vois vaguement ce que c’est

J’ai beau jouer à une centaine de jeux différents chaque année (mon super-pouvoir : être insomniaque), je dois vous faire une confession : alors que tout me destinait à passer des centaines d’heures sur League of Legends, je suis arrivé en 2023 en n’ayant qu’une très vague idée de ce dont il est question.

Le jeu de Riot Games a beau être l’un des plus gros phénomènes vidéoludiques de tous les temps en continuant à rassembler des millions de joueurs et de joueuses chaque jour, je suis entièrement et totalement passé à côté.

Oh, non pas que LoL n’ait jamais vraiment croisé ma route, je ne suis pas non plus un ours. Par exemple, il y a une dizaine d’années, alors que j’étais directeur de bibliothèque et que la mode de cette sombre époque était aux lancements de pages Facebook, j’avais été invité à rejoindre le tournoi LoL en Bib par un ami.

Ne voulant pas être la honte des bibliothécaires gamers, j’avais poliment décliné, et un peu oublié l’existence de League of Legends les années suivantes. Il faut dire que j’ai toujours été un joueur solitaire, pas particulièrement porté sur les aventures compétitives. 

Peu de jeux peuvent se vanter d’avoir leur propre groupe de K-pop virtuel.©Riot Games

Et puis voilà que, quelques années plus tard, la publicité la plus classieuse du monde est arrivée, sous forme d’une série télévisée animée à très (très) gros budget : Arcane. Ce n’était pas la première fois que League of Legends se dotait de prestigieux produits dérivés. Il y avait déjà eu la splendide collaboration avec Imagine Dragons, le lancement d’un girls band de K-pop entièrement dédié à l’univers du jeu ou encore le lancement de jeux vidéos orientés sur l’exploration de l’univers de la série. Mais rien qui n’ait autant attiré mon attention que l’Arcane du studio Fortiche.

Il faut dire que la série (dont une saison 2 a d’ores et déjà été confirmée) a tout pour elle : absolument sublime, rythmée, intense… Et ne nécessitant absolument pas de connaître l’univers de Runeterra donnant son cadre à la série pour l’apprécier dans son ensemble. Sachant que Riot Games préparait moult nouveaux produits se déroulant dans cet univers, je ne pouvais pas en rester là, et j’ai choisi de revenir à la base : découvrir le jeu à l’origine de tout.

Un projet datant du début des années 2000

Derrière LoL, deux décennies de modifications de jeux populaires nous contemplent. À la base de tout le projet, on trouve un certain Warcraft III: Reign of Chaos, jeu de stratégie paru en 2002 qui m’a probablement fait perdre quelques points de moyenne générale alors que j’étais en Licence 3 d’histoire et qui m’a fait squatter beaucoup trop longtemps l’ordinateur familial.

L’année suivante, un petit malin dénommé Eul a créé un jeu de stratégie basé sur une modification du jeu. Days of the Ancients (DotA pour les intimes) sera repris et développé par un certain Steve Feak et complété par IceFrog, qui arrivera à vendre le concept à Valve, éditeur du service de jeu en ligne bien connu Steam. Le succès sera monumental et ce style de jeu consistant à faire s’affronter des héros aux pouvoirs spectaculaires dans des arènes fermées, le MOBA, était né.

La première version du jeu en 2009 était un poil moche, mais posait déjà des bases solides.©Riot Games

Ironie du sort, le succès de DotA va pousser ce produit à se faire imiter par une foule de développeurs plus ou moins inspirés (et souvent oubliés), cherchant à reproduire cette formule magique. Peu y parviendront, mais une petite société a le nez creux : Riot Games. Récemment fondée, elle débauche Steve Feak et finit par lancer League of Legends en 2009, qui connaît un succès fulgurant et immédiat. Je pense que vous vous en doutez, mais tous ces gens sont devenus très riches.

Son succès, Riot le doit en bonne partie au fait d’avoir réussi à créer un système particulièrement simple et instinctif, du moins dans les toutes premières versions du jeu. Vous choisissez un héros et une arène, et vous devez gagner contre le personnage en face en utilisant vos compétences aux bons moments. Bien sûr, il y a tout un tas de subtilités : des machins à ramasser, des bidules à optimiser (vous noterez que je maîtrise mal le vocabulaire associé).

Mais, dans l’idée, LoL reste une confrontation assez simple et intense demandant de déployer des stratégies rapides et inventives en milieu contraint. Un concept si intuitif qu’il est par ailleurs possible de l’automatiser pour en faire un « auto battler » sans lui faire perdre sa profondeur stratégique.

Mais en fait, c’est bien, League of Legends ?

Oui, car après tout, c’est bien beau de se dire qu’on va plonger dans 13 ans de stratégie vidéoludique en lançant League of Legends en 2023. Encore faut-il que le jeu en vaille le détour. Et ma réponse de Normand ne va sans doute pas tout à fait vous satisfaire : p’tet bien que oui, p’tet bien que non. Je m’explique.

Série dérivée de l’univers de Lol, Arcane est un bijou d’animation.©Netflix

Commencer LoL maintenant, c’est d’une certaine manière arriver longtemps, très longtemps après la bataille. Au fil de ses centaines de mises à jour, le jeu a reçu une quantité astronomique de contenu supplémentaire : des personnages, des artefacts, des modes de jeu, des événements spéciaux, des classements…

Difficile de débarquer sur un launcher surchargé sans savoir exactement par où commencer. J’ajoute que, bien que personnellement rompu aux jeux de stratégie depuis quelques décennies, prendre ses marques sur un titre dans lequel tout le monde a dix ans d’avance sur vous est une garantie de se faire humilier en série pendant les premières (dizaines) d’heures de jeu.

Arriver dans LoL en 2023, c’est se prendre un bon gros mur constitué par 13 ans de développement à rattraper.©Riot Games

D’un autre côté, je ne peux pas dire que Riot ait ménagé ses efforts pour parvenir à intégrer les noobs comme moi à l’aventure. Le système de matchmaking garantit de ne pas se faire rouler dessus trop fort par des champions du monde flairant l’odeur du sang frais.

J’ai globalement rencontré des gens beaucoup trop doués pour moi, mais sans que l’écart de niveau ne me semble délirant. J’ai senti qu’en m’accrochant et en suivant un certain nombre de vidéos de tutos en ligne, je pouvais encore rattraper mon retard. De plus, le jeu propose des modes de jeu comme l’ARAM, une sorte de version simplifiée de LoL permettant d’aborder plus facilement les mécaniques de bases.

Et puis, je ne peux pas dire que redécouvrir une version très très modifiée de mes souvenirs du vénérable Warcraft III soit désagréable, au fond. Particulièrement parce qu’en plus d’avoir créé l’un des jeux de stratégie les plus joués de tous les temps, Riot l’a fait avec un souci du détail qui confine à la maniaquerie : le jeu est beau, riche, fluide même sur un PC cacochyme, et parfaitement équilibré.

Certes, je n’ai quasiment jamais gagné un match, mais je n’ai jamais eu non plus le moindre sentiment d’injustice ou de frustration. Je pense qu’assez peu de jeux en ligne aussi anciens ont atteint un tel niveau d’équilibre et de raffinement, si ce n’est peut-être un certain Final Fantasy XIV dont je continue à nier l’existence afin de conserver un semblant de vie sociale.

Ma carrière de joueur pro de LoL est mort-née, mais je suis accro à cet univers

Vous savez quoi ? Je pense que je ne suis pas si nul que ça à League of Legends. Oui, j’ai probablement passé des semaines à me faire mettre à l’amende par des collégiens sans même comprendre ce qui m’arrivait. Mais j’ai senti que je n’étais pas si loin d’arriver à faire quelque chose de mes dix doigts.

De plus, jouant mes parties à des heures indues (tôt le matin), sans chat ni micro activé, je n’ai pas eu à me confronter à la fameuse communauté de LoL, à la réputation si calamiteuse qu’elle a régulièrement droit à ses propres articles sur des sites spécialisés. Bon, il faut dire que j’offre à mes adversaires des victoires faciles, ils ne peuvent QUE me remercier.

Le jeu est très beau.©Riot Games

Je suis à peu près certain que je n’ai pas un grand avenir en tant que joueur professionnel à plein temps de League of Legends. Du moins, je pense que mes chances d’y dénicher un sponsor sont largement suboptimales. L’expérience ne m’a pas vraiment réconcilié avec l’univers du jeu en ligne, et me renvoie plutôt à mes amours habituelles : les RPG au tour par tour, les jeux narratifs, et n’importe quoi que je peux faire calmement et sans stress au fond de mon fauteuil avec une tasse de thé chaud à mes côtés.

Mais il faut quand même bien admettre que Riot Games a bien joué son coup en déployant une série télévisée ainsi que des jeux solos liés à l’univers de Runeterra. Quand j’ai regardé Arcane, je n’avais qu’une envie : lancer LoL pour comprendre encore mieux les tenants et les aboutissants de cet univers beaucoup plus riche qu’il n’y paraît.

The Mageseeker: A League of Legends Story est sorti le 18 avril.©Riot Forge / Digital Sun

Après avoir joué pas mal d’heures à LoL, je n’en ai qu’une autre : me mettre dans les bottes de Sylas, le héros du tout récent jeu d’action The Mageseeker, situé dans le même univers. Je ne pensais pas que je pourrais aussi facilement m’attacher à cet univers complexe, en pleine évolution et partant sur une esthétique assez casse-gueule mélangeant fantasy assez classique et science-fiction pop-punk fluorescente.

Mais davantage qu’un simple jeu de stratégie décalqué d’un mod lui-même bricolé depuis une vieille version de Warcraft III, League of Legends est désormais un monde à part entière avec sa mythologie, ses rebondissements, ses personnages iconiques et ses sagas à parcourir. Je laisse LoL à ceux qui aiment ça, mais je m’en vais désormais poncer l’ensemble des jeux et des séries dérivées qu’il a engendrées. Au fait, ça sort quand la saison 2 d’Arcane, déjà ?

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