À l’occasion des nombreuses interventions organisées dans les écoles ce mois-ci pour lutter contre le harcèlement scolaire, retour sur cinq œuvres pour comprendre ce phénomène dangereux.
En France, un enfant sur dix serait victime de harcèlement scolaire. Ces dernières années, le harcèlement virtuel est venu amplifier le phénomène, avec l’émergence des réseaux sociaux et des téléphones portables. Ces microviolences répétées peuvent mener à des dépressions, parfois au suicide. Depuis la rentrée 2021, le gouvernement français a mis en place le programme pHARe, dispositif visant à mieux prévenir le harcèlement dans les écoles et collèges. Il cherche notamment à éduquer, former les élèves, mais aussi les personnels des établissements. Selon un rapport de l’association SOS Homophobie, les manifestations hostiles en milieu scolaire viennent majoritairement des autres élèves (63 %), mais peuvent aussi être le fait de membres de la direction de l’établissement (26 %) ou d’enseignants (21 %). Alors que de multiples interventions sont organisées dans toute la France en ce mois de mars 2023, retour sur cinq œuvres qui ont abordé ce sujet, longtemps resté tabou.
1 Marion, 13 ans pour toujours, de Nora Fraisse
Dans les années 2010, Nora Fraisse est devenue le visage de la lutte contre le harcèlement scolaire. En 2013, une mère de famille retrouve le corps inanimé de sa fille Marion, 13 ans, après un suicide par pendaison. L’adolescente était depuis longtemps la cible de harcèlement scolaire de la part de ses camarades de classe, sur son compte Facebook et par SMS, mais aussi de violences physiques et verbales dans la cour de récréation. Nora Fraisse fait alors sa propre enquête, collectant des informations auprès des professeurs réticents et des camarades de Marion. Le combat de cette mère endeuillée commence avec la publication de Marion, 13 ans pour toujours (Calmann-Levy) vendu à plus de 150 000 exemplaires. « J’écris ce livre pour que chacun tire les leçons de ta mort. Pour que les parents évitent à leurs enfants de devenir des victimes, comme toi, ou des bourreaux, comme ceux qui t’ont fait perdre pied », écrit la mère à sa fille disparue.
Ouvrage marquant dans la lutte contre le harcèlement scolaire, le livre est adapté en téléfilm en 2016, avec un débat organisé sur France 3 après sa première diffusion. Nora Fraisse est également l’autrice de Camélia : face à la meute (2021, Bamboo), bande dessinée fictionnelle dénonçant une fois encore les violences faites aux jeunes en milieu scolaire. Nora Fraisse est la présidente de l’association Marion la main tendue, créée suite à la disparition de sa fille.
2 1:54, de Yan England
Phénomène touchant aussi bien les garçons que les filles, le harcèlement scolaire est présent dans chaque école ou collège et a gagné en puissance avec l’arrivée des réseaux sociaux. Révélation du film Mommy en 2014, l’acteur Antoine Olivier Pilon prête ses traits au personnage de Tim, un étudiant brillant et ancien coureur vedette de son établissement. Malgré sa réussite, le jeune homme est victime d’intimidations par un de ses camarades, qu’il décide de défier sur le terrain de la course. Malgré la nationalité canadienne du film, l’histoire de 1:54 pourrait se dérouler n’importe où. En nous plaçant dans la peau du jeune Tim, le réalisateur Yan England montre la spirale infernale du harcèlement, amplifiée par l’hyperconnexion de la jeunesse de notre époque.
Le long-métrage montre également la difficulté pour le jeune de se confier à son père, un manque de communication qui renforce l’isolement des victimes d’harcèlement. Avec sa fin glaçante, 1:54 est un des grands films sur le sujet de par son réalisme, le réalisateur ayant choisi des acteurs non professionnels et filmant ses personnages dans des décors non retouchés. Acteur principal du film, Antoine Olivier Pilon est également au centre du vidéo-clip du morceau College Boy (2013) d’Indochine, réalisé par Xavier Dolan et abordant également le sujet des violences en milieu scolaire.
3 Condamné à me tuer, de Jonathan Destin
Pour faire la prévention du harcèlement scolaire, les associations privilégient l’intervention des survivant·e·s de ces violences. Ces jeunes n’ont malheureusement pas tous eu la chance d’échapper au suicide, comme le jeune Lucas, 13 ans, qui s’est donné la mort suite à des insultes homophobes répétées en janvier dernier. Le 7 février 2011, Jonathan Destin, 16 ans, décide de mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu. Miraculé, le jeune passe trois mois dans un coma artificiel, le corps brûlé à 72 %. Après son réveil et plus de 21 opérations chirurgicales, le jeune homme décide de prendre la parole et de raconter son histoire dans un livre, Condamné à me tuer (J’ai lu) en 2015.
Au fil des pages, l’auteur décrit des violences qui commencent à l’école primaire. On raille alors son physique, son nom de famille, on le rackette, menace de tuer ses parents… Incapable de communiquer sa souffrance auprès d’adultes qui minimisent son harcèlement, Jonathan se réfugie dans le silence, jusqu’à commettre l’irréparable. L’ouvrage reste encore aujourd’hui un des plus précis sur le sujet, donnant directement la parole à une victime survivante du harcèlement scolaire. Adulte, Jonathan Destin s’engage dans une grande campagne de prévention, devenant ainsi un des héros de ce combat. Son histoire a été adaptée dans un téléfilm en 2018 sur TF1, avec les acteurs Mickaël Youn et Camille Chamoux dans les rôles principaux. En 2022, fatigué par la souffrance et les traitements à répétitions, Jonathan Destin décède dans son sommeil, chez lui. Sa mère lui a rendu un vibrant hommage lors de son inhumation : « Tu es devenu le porte-voix de toutes les voix réduites au silence. »
4 Un monde, de Laura Wandel
En cas de harcèlement scolaire, il y a bien sûr les victimes, mais également les proches, souvent incapables de réagir face à la machine infernale des violences physiques et verbales répétées des camarades. Filmé à hauteur d’enfant, le film belge Un monde suit Abel et sa petite sœur Nora, après leur rentrée dans un nouvel établissement. Nora, personnage central du long-métrage, voit rapidement son frère ciblé par un groupe d’enfants qui lui infligent des violences physiques et verbales. Trop jeune pour avoir à garder le secret de son frère, la fillette dénonce les harceleurs à son père, ce qui ne fait qu’empirer la situation.
Avec une finesse rare, Laura Wandel décrit un cycle de violences qui régit la cour de récréation, et que ni parents ni enseignants ou amis ne peuvent stopper. Un film sur l’impuissance face à un phénomène vicieux, présenté à Cannes en 2021 et récompensé par le prix Fipresci, après une standing ovation lors de sa première projection. Porté par les acteurs Karim Leklou et Laura Verlinden, le film est également la révélation de la jeune actrice Maya Vanderbeque, interprète d’une petite fille complètement perdue face à la violence inexplicable des enfants et l’inactivité des adultes.
5 Max se fait insulter à la récré, de Dominique de Saint Mars
Depuis 1992, l’auteur Dominique de Saint Mars et le dessinateur Serge Bloch signent Max et Lili (Calligram), des petites bandes-dessinées qui expliquent aux enfants des problèmes auxquels ils peuvent être confrontés un jour ou l’autre. À travers les 129 tomes qui constituent la série, les deux auteurs ont traité un grand nombre de sujets comme l’alcoolisme, le deuil, la maltraitance ou la pédocriminalité. Courts de quelques dizaines de pages, les différents tomes de Max et Lili se terminent toujours par quelques pages de questions pour l’enfant, afin qu’il puisse bien assimiler ce qu’il vient de lire. Dans le 67e livre de la série, les auteurs confrontent le petit Max au harcèlement scolaire.
Dans Max se fait insulter à la récré, le jeune héros est la cible des brimades de certains camarades. Se sentant humilié, Max ne retrouve pas la confiance en lui nécessaire afin de réagir à ces agressions. Simplement, Dominique de Saint Mars et Serge Bloch expliquent la violence invisible des mots et le pouvoir de la parole, efficace pour faire le bien, mais aussi pour faire le mal. Contrairement aux œuvres citées précédemment, ce livre pédagogique s’adresse aux enfants de 8 à 14 ans, âge où la prévention peut être déjà réalisée pour éviter ce genre de situations.
Pour signaler toute situation de harcèlement, que vous soyez victime ou témoin, il existe un numéro gratuit, anonyme et confidentiel : le 30 18, disponible du lundi au samedi, de 9 heures à 20 heures.
D’autres informations sont également disponibles sur le site du ministère de l’Éducation nationale.