Extrapolations est notre coup de cœur de mars. Entre Don’t Look Up et Black Mirror, la série d’Apple TV+ imagine les conséquences du changement climatique sur la Terre. Marion Cotillard, Meryl Streep, Kit Harrington… Le show peut compter sur un casting cinq étoiles et deux de ses acteurs ont accepté de répondre à nos questions : Tahar Rahim (Un prophète, Le Serpent) et Indira Varma (Game of Thrones, Obi-Wan Kenobi). Entretien.
Je ne vais pas vous mentir : la série est géniale, mais on en ressort complètement déprimé. Dans quel état d’esprit étiez-vous à la fin du tournage ? Étiez-vous abattus, anxieux, en pleine remise en question… ?
Indira Varma : Moi, j’avais de l’espoir. Le fait qu’une personne comme Scott Z. Burns (Contagion, La Planète des singes : l’affrontement) puisse raconter cette histoire avec un tel casting, c’est génial. On va toucher beaucoup de spectateurs dans le monde entier et on pourra peut-être changer les choses.
Tahar Rahim : Je suis totalement d’accord. Je préfère être un peu déprimé que d’être dans l’ignorance. La série est aussi porteuse d’espoir, parce qu’elle raconte quelque chose qui risque de se passer. Aujourd’hui, on peut encore changer les choses. Comme disait Indira : en tant que spectateur, j’ai envie de découvrir Extrapolations quand je vois son casting ! Le message de l’urgence climatique se répandra plus vite grâce à ce format.
Extrapolations parle des effets du changement climatique sur la planète, sur nos relations ou encore sur notre foi. À partir de quel moment avez-vous pris conscience de cette urgence ? Y a-t-il eu un événement particulier comme une rencontre, un voyage ou une discussion ?
Tahar Rahim : J’avais déjà entendu parler du problème de l’eau quand j’étais enfant ; ça m’avait beaucoup marqué. Mon prof nous disait que ce serait le pétrole du futur et je n’arrivais pas à concevoir le fait qu’on puisse en manquer. Ensuite, j’ai commencé à voir ce qu’il se passait dans le monde. J’en parlais avec des voisins, des amis… Le message de l’urgence climatique a commencé à se répandre, mais le phénomène était déjà très avancé.
La série m’a permis de mettre des images sur cette problématique. J’ai vu ces gens marcher dans l’eau à cause des inondations, des forêts ravagées par des incendies… C’est à ce moment que je me suis dit : “Ok, c’est réel et ça va empirer dans les prochaines années.” Ça m’a un peu botté les fesses et donné envie de faire plus pour changer les choses.
Indira Varma : J’ai toujours été consciente de ce dangereux changement de climat, mais ça se passait ailleurs et pour d’autres personnes. Je lisais les informations dans les journaux, je tombais sur des statistiques, je voyais ces scènes horribles à la télé… Mais cette série nous montre ce qu’il va nous arriver dans un futur proche et ça nous met un coup de pied aux fesses, comme le dit Tahar Rahim.
Indira, votre personnage nous pose une question essentielle : une cause juste justifie-t-elle des actions violentes ou illégales ?
Indira Varma : Illégales, je ne sais pas… Mais les motivations de mon personnage sont pures. Elle est frustrée par les gouvernements qui réfléchissent beaucoup, mais n’agissent pas. Tout est trop lent. On a souvent peur de prendre les mauvaises décisions, et on finit par ne rien faire. Là, elle se dit : “Let’s do it.” Ce n’est pas vraiment réfléchi, elle le fait pour le bien de l’humanité.
Tahar, votre personnage le dit très justement : certains pays n’ont pas le temps de penser à l’urgence climatique, car ils se battent déjà dans le présent pour trouver de l’eau. Préférez-vous profiter à 100% d’aujourd’hui, quitte à rendre le futur invivable, ou vivre moins confortablement au profit des générations futures que vous ne connaîtrez pas ?
Tahar Rahim : La deuxième option, sans aucun doute. Je préfère offrir un meilleur futur aux prochaines générations. Ce serait tellement égoïste de se dire qu’on profite de notre moment et qu’on n’en a rien à faire de la suite. C’est justement un des propos de la série.
En vérité, nous avons créé nos propres besoins. À la base, nous avons juste besoin de dormir, de manger, d’aimer et d’être avec les nôtres. Tout ce qui a été construit autour pour nous faire plaisir et améliorer notre quotidien, c’est cool, mais ce n’est pas vital.
La série montre de nombreux reportages de chaînes d’information en continu. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes arrêtent de les écouter, car elles sont trop anxiogènes. Qu’en est-il pour vous ? Continuez-vous à vous informer ou préférez-vous préserver votre santé mentale ?
Indira Varma : J’écoute la radio tous les jours, mais il faut faire attention, car ça peut devenir une obsession. Beaucoup de personnes ne regardent pas ou n’écoutent pas les informations et je pense que c’est justement pour cette raison qu’il faut créer des séries comme Extrapolations. C’est du divertissement, mais ça délivre aussi des messages essentiels.
Tahar Rahim : C’est très juste. Le fait que Scott, qui a écrit des succès mondiaux, utilise sa notoriété et son talent pour raconter ça, c’est super. Il a déjà fait des documentaires, mais il a décidé d’utiliser la fiction pour parler à un plus large public.
On se prend un bombardement d’images au quotidien. Une actualité chasse l’autre et on n’a pas le temps de les digérer alors qu’on en a besoin. C’est pour cette raison que je ne regarde pas les chaînes d’information en continu. Dans tous les cas, si une nouvelle est vraiment importante, je la recevrai d’une manière ou d’une autre.
Le maître-mot, c’est l’équilibre. Il faut un peu de vie personnelle, un peu de travail, un peu d’information… Et surtout se poser pour digérer tout ce qu’on a traversé et penser clairement. Quand on agit, il faut que ce soit réfléchi. Ces derniers temps, beaucoup de personnes agissent de manière impulsive ; ça crée du débat à tout va, mais pas de conversation ni de réelle solution.
Dans Extrapolations, l’entreprise Menagerie2100 permet de sauver certaines espèces en voie d’extinction. Si vous deviez en choisir une, ce serait laquelle ?
Tahar Rahim : Les hommes !
Indira Varma : Mais ce sont eux qui ont tout détruit !
Tahar Rahim : Non, je rigole… En vérité, je ne sais pas. C’est impossible de choisir une seule espèce.
Indira Varma : Il faut peut-être en choisir une qui était là au tout début de l’évolution, comme un ver de terre.
Tahr Rahim : Ou une bactérie, oui… Non, mais c’est une question impossible. Tiens, je vous la pose : quelle espèce sélectionneriez-vous ?
Difficile. Je dirais une espèce essentielle comme les abeilles par exemple…
Tahar Rahim : Je pensais aux abeilles, mais le miracle de notre monde, c’est que tout est lié. Si elles sont les seules à survivre, elles disparaîtront rapidement. C’est un tout que nous devons sauver.
On a tendance à être nostalgique des décennies que l’on n’a pas connues. Êtes-vous heureux de vivre à notre époque ? Sinon, laquelle auriez-vous aimé connaître ?
Indira Varma : C’est difficile. Parfois, je me dis que la mode des années 1950 ou la musique d’autres époques auraient été parfaites pour moi, mais finalement… Je m’en fous. Je suis contente d’être là où je suis aujourd’hui. Il faut vivre et profiter du moment présent.
Tahar Rahim : Je ne peux pas battre cette réponse !
Extrapolations nous montre l’état du monde en 2036 et en 2070. Comment l’imaginez-vous dans quelques décennies ? Êtes-vous plus optimiste que la série ?
Indira Varma : Il faut l’être !
Tahar Rahim : Exactement. On sait qu’on peut encore changer les choses, et même si un jour on nous dit que c’est foutu, il faut rester optimiste. L’être humain est incroyable : il peut faire les pires, comme les plus belles choses du monde. Je préfère me concentrer sur le deuxième point.
Indira Varma : Ce coup de pied aux fesses dont on parlait tout à l’heure nous donne l’occasion d’être des héros de notre monde.
Extrapolations, à partir du 17 mars sur Apple TV+.