Avec Aime-moi si tu peux, Fary se réinvente pour explorer les méandres du couple et de l’amour dans un spectacle profond, drôle et intime.
C’est entre les murs du Théâtre de la Renaissance, dans le 10e arrondissement de la capitale, que Fary a donné rendez-vous à son public pour son nouveau stand-up. Trois ans après son spectacle Hexagone, l’humoristique est de retour avec Aime-moi si tu peux. Un titre entre vœux et aveux que Fary défendra sur scène jusqu’au 25 mars 2023, avant un détour par Lyon le 30 mai prochain. Ici, l’artiste entend renouer avec son public, malgré ses failles, les contradictions de la société, celle de son quartier – Strasbourg-Saint-Denis – et de son enfance, pour en arriver au fatidique décorticage du couple et de l’amour.
Ce thème, il l’a à plusieurs reprises abordé au cœur de son comedy club, le Madame Sarfati – hommage tout juste déguisé à l’un des personnages les plus emblématiques du répertoire d’Elie Kakou. Pendant 1h30 de spectacle, Fary développe des tableaux de vie, des situations auxquelles chacun·e a pu être confronté·e. Il en ressort ainsi un spectacle aussi intime qu’introspectif, une recette que l’humoriste maîtrise bien et qu’il aborde avec un sens de l’humour d’une justesse corrosive.
Un spectacle profond
À première vue, on pourrait imaginer qu’Aime-moi si tu peux a été conçu comme une succession de sketchs. Or, si l’on gratte peu à peu le vernis de l’ironie, on s’aperçoit que l’humoristique distille dans ce titre des thématiques fortes, ainsi qu’une réflexion aboutie sur des thèmes aussi personnels qu’universels.
En choisissant le Théâtre de la Renaissance, Fary joue à domicile et en profite par exemple pour dépeindre le quartier de Strasbourg-Saint Denis, avec ses galères, mais aussi son effervescence et sa mixité. Il prend également pour cible la ville de Paris ainsi que les Parisien·ne·s avec un cynisme qu’on lui connaît bien et qui est devenu au fil du temps sa marque de fabrique. Cependant, derrière ses talents de conteur cash se joue une longue réflexion sur ce qu’il était, ce qu’il est et ce qu’il sera.
La psychanalyse selon Fary
Car Aime-moi si tu peux ressemble finalement à une thérapie de l’humoriste dans laquelle il serait à la fois le patient et le praticien. Il nous invite dans son introspection, tout en nous offrant la possibilité d’établir notre propre diagnostic.
Si les situations évoquées par l’humoristique tout au long du spectacle peuvent à première vue paraître « classiques », c’est pour mieux se rapprocher de son public et l’inviter, à l’aide de tableaux dans lesquels chacun·e pourra se reconnaître, à comprendre ses névroses, à déconstruire ses préjugés, à assumer ses contradictions, mais surtout à bousculer ses vérités.
On sent la volonté dans ce seul en scène d’offrir un spectacle drôle, fin, mais aussi philosophique. Cet univers profond a toujours fait la renommée de Fary et Aime-moi si tu peux s’inscrit totalement dans sa continuité : questionner à travers le rire. Une méthode qu’il avait déjà mise en place dans Hexagone en menant une réflexion sur les enjeux culturels identitaires, mais aussi dans son premier one-man-show, Fary is the New Black (2018).
Pour autant, si l’humoriste interrogeait plus globalement, dans ses précédentes créations, la société, avec Aime-moi si tu peux il s’abandonne à une forme d’introspection dans la deuxième partie du spectacle, en réfléchissant à une thématique ô combien universelle : celle de l’amour. Ce n’est pas pour rien si l’artiste s’est entouré de miroirs sur scène, dont la modernité, tout comme les effets de jeu et de lumière, ainsi que le choix de la bande-son contrastent avec les dorures et les peintures classiques de la salle.
Fary fait ainsi un état des lieux bourré d’autodérision de son propre couple, des relations amoureuses, des failles que cela implique, toujours avec une vérité criante. Pour cela, il prend des situations basiques de la vie, puis va jusqu’à nous donner des cours afin de décrypter le langage du couple. Une mise en scène brillante qui offre des moments lunaires, Fary n’hésitant pas à repousser le curseur de l’absurde. L’humoriste se prend également au jeu – qu’il connaît bien là aussi – de défendre l’indéfendable. Avocat du diable, il dissèque les principes de l’infidélité avec une mauvaise foi hilarante. Un principe de comédie qu’il avait d’ailleurs défendu dans les colonnes du Monde en 2019.
L’artiste ne s’enferme cependant pas dans un long monologue philosophique, mais apporte du rythme à son spectacle. Aux instants doux succèdent des accélérations perçantes dans lesquelles Fary nous emporte avec sa verve et des personnages amusants, dans des tableaux aussi vrais qu’abstraits. L’artiste n’hésite pas non plus à communiquer avec son public, l’apostrophant et en offrant, dès les premières minutes, une improvisation digne des meilleurs snipers de l’humour.
Avec Aime-moi si tu peux, Fary présente un spectacle rafraîchissant, aussi intime que grinçant. Le charisme de l’humoriste opère toujours autant sur un public friand de ses blagues subtiles. Derrière ses rires communicatifs et sa communication improvisée avec le public, la star du stand-up parvient à mener une réflexion à la fois drôle et passionnante sur l’amour, un sujet maintes fois repris dans l’univers de la comédie, mais que Fary a réussi à s’approprier en se mettant à nu.
Aime-moi si tu peux, de Fary, jusqu’au 25 mars 2023 au Théâtre de la Renaissance à Paris, et à Lyon le 30 mai 2023.