L’Organisation mondiale de la santé a finalement décidé de retenir la notion de « trouble du jeu vidéo » et de reconnaître la pratique excessive du jeu vidéo comme une pathologie. Une décision qui suscite toujours la controverse.
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) vient officiellement d’adopter la Onzième Révision de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-11). Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2022 et a été « actualisée et adaptée aux réalités du XXIe siècle et tient compte des principales avancées de la science et de la médecine ». Ainsi, le burn-out et le trouble du jeu vidéo font partie des maladies désormais reconnues par l’OMS.
En juin 2018, l’OMS avait déjà évoqué sa volonté de reconnaître le gaming disorder ou trouble du jeu vidéo comme une maladie à part entière. Bien que « le trouble du jeu vidéo ne touche qu’une petite partie des personnes qui utilisent des jeux numériques ou des jeux vidéo », elle estime que « tout joueur doit être attentif au temps passé sur les jeux, en particulier si ses activités quotidiennes en pâtissent ». Les joueurs et leur entourage doivent aussi être attentifs « à tout changement physique ou psychologique, sur le plan social et celui de sa santé, qui pourrait être attribué à un comportement de jeu ».
Selon l’OMS, le trouble du jeu vidéo est défini « comme un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables ». Elle rappelle que « pour que ce trouble soit diagnostiqué en tant que tel, le comportement doit être d’une sévérité suffisante pour entraîner une altération non négligeable des activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles ou d’autres domaines importants du fonctionnement, et en principe, se manifester clairement sur une période d’au moins 12 mois ».
Une décision contestée
Une décision qui n’a pas tardé à susciter de nombreuses réactions. L’an dernier, le psychologue Anthony Bean, alias « The Video Game Doc », estimait qu’ »il [était] un peu prématuré d’étiqueter cela comme un diagnostic ». Un avis que partage Yann Leroux, psychologue spécialisé dans les usages numériques, qui explique sur Twitter : « Malheureusement l’OMS a choisi de ne pas prendre en compte le fait que les preuves de ce trouble sont au mieux faibles et de nourrir la panique morale autour des jeux vidéo ».
L’Entertainment Software Association (ESA) – qui réunit les représentants de l’industrie du jeu vidéo – s’oppose également à cette décision et l’a fait savoir dans un communiqué publié le 25 mai. « L’industrie mondiale du jeu vidéo – composée de représentants de toute l’Europe, des États-Unis, du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la Corée du Sud, de l’Afrique du Sud et du Brésil – a invité aujourd’hui les États membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à réexaminer rapidement leur décision d’inclure le « trouble du jeu » dans la 11e édition de la Classification internationale des maladies (CIM-11) », explique l’association. Pour l’ESA, l’OMS est « une organisation respectée et ses directives doivent reposer sur des examens réguliers, complets et transparents, appuyés par des experts indépendants. [Or] le « trouble du jeu » n’est pas basé sur des preuves suffisamment solides pour justifier son inclusion dans l’un des plus importants outils d’établissement de normes de l’OMS ».
Même son de cloche en Europe, où l’ISFE (Interactive Software Federation of Europe) demande « aux États membres, tout d’abord, de revoir la décision de l’OMS sur l’intégration du « Trouble du jeu vidéo » dans la CIM-11, puis, à court terme, de redéfinir cette notion en tant que « pratique de jeu à risque », et, à terme, de retirer intégralement la notion de « trouble du jeu vidéo » de la CIM-11. »