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Mondes virtuels, handicaps réels : le métavers est-il accessible ?

27 septembre 2022
Par Marion Piasecki
Mondes virtuels, handicaps réels : le métavers est-il accessible ?
©Frame Stock Footage/Shutterstock

Les métavers veulent être le futur des réseaux sociaux, voire d’Internet. Mais en misant sur les aspects visuels, sonores et immersifs, vont-ils laisser de côté certains utilisateurs ?

Alors que des réseaux sociaux comme Twitter et Instagram ont récemment mis en avant des fonctions pour être plus accessibles à leurs utilisateurs en situation de handicap, le sujet semble encore tabou du côté des métavers. Que ce soit au niveau du matériel ou des interfaces, il reste des progrès à faire.

Un matériel encore contraignant

La promesse de la réalité virtuelle et des métavers est de pouvoir vivre des expériences immersives, voire de se mettre à la place de quelqu’un d’autre. Malheureusement, le matériel peut vite nous rappeler à la « vraie » réalité. Avant même d’aborder le handicap, les casques de réalité virtuelle ne sont pas très confortables pour les personnes qui portent des lunettes, ce qui peut causer des problèmes d’alignement entre les yeux et l’affichage. Le poids – environ 500 grammes – est aussi un frein pour les personnes ayant des problèmes de cervicales par exemple.

Sur les forums de Meta, des utilisateurs ont aussi exprimé le besoin de pouvoir se déplacer en binôme, par exemple pour guider une personne tétraplégique ou atteinte de la maladie d’Alzheimer dans Horizon Worlds.

Pour se diriger dans ces univers virtuels, il est nécessaire de pouvoir utiliser ses deux mains de manière assez précise, généralement avec des manettes. Une formalité pour la majorité des personnes, mais difficile, voire impossible pour les utilisateurs atteints d’un handicap moteur au niveau des bras ou des mains. Une alternative à l’utilisation de manettes est la détection automatique des mains quand elles sont dans le champ de vision, mais des personnes ayant des doigts en moins ont fait remarquer que la détection était moins efficace dans ce cas-là. Leur suggestion face à ce dysfonctionnement : pouvoir désactiver la détection de certains doigts dans les paramètres.

C’est entre autres pour pallier ces lacunes que certains métavers sont aussi accessibles sur ordinateurs, tablettes et téléphones, ce qui permet d’utiliser d’autres périphériques plus adaptés. Sur les forums de Meta, des utilisateurs ont aussi exprimé le besoin de pouvoir se déplacer en binôme, par exemple pour guider une personne tétraplégique ou atteinte de la maladie d’Alzheimer dans Horizon Worlds.

Des réglages déjà disponibles dans le métavers

Malheureusement, la plupart des métavers ne communiquent pas sur leurs paramètres d’accessibilité donc il est difficile de savoir à l’avance à quoi s’attendre. Horizon Worlds permet d’en modifier plusieurs, comme avoir toute la partie audio d’un seul côté si l’utilisateur entend mal de l’autre, changer l’affichage des couleurs ou encore pouvoir se déplacer normalement tout en restant assis dans le monde réel.

Pour que les métavers soient perçus comme de réels successeurs des réseaux sociaux, il est indispensable qu’ils soient accessibles au plus grand nombre dès leurs débuts.

Des pistes sont aussi en train d’être explorées pour d’autres situations. Pour les personnes atteintes de cécité, comment obtenir cette même impression de se promener dans un autre monde ? En 2018, des chercheurs chez Microsoft ont développé un prototype nommé Canetroller (pour canne et controller, manette), une canne blanche haptique et sonore, compatible avec les casques VR et qui permet de détecter les obstacles du monde virtuel.

Si ces fonctions sont appréciables, il reste néanmoins plusieurs défis à relever. La retranscription automatique est déjà approximative pour des vidéos sur YouTube, mais elle l’est encore plus quand il s’agit de retranscrire des conversations en temps réel, comme sur Twitch ou dans le métavers. Cela sera cependant nécessaire pour que les personnes malentendantes puissent comprendre ce que disent les autres utilisateurs. Dans le même ordre d’idée, l’audiodescription en direct de ces mondes virtuels pour les personnes malvoyantes sera très certainement une fonctionnalité complexe à développer.

Canetroller, un prototype de canne blanche pour se diriger dans la réalité virtuelle.©Microsoft

Être accessible dès les prémices

Si l’utopie de base du métavers est de créer un monde virtuel décentralisé loin des Gafam, il y a un certain avantage à ce que de grandes entreprises comme Meta et Apple s’y intéressent : elles ont déjà des équipes dédiées à l’accessibilité et de l’expérience dans le développement de ce type de fonctionnalités. Meta a par exemple publié une charte et des documents sur l’accessibilité à l’intention des développeurs d’expériences immersives.

Pour que les métavers soient perçus comme de réels successeurs des réseaux sociaux, il est indispensable qu’ils soient accessibles au plus grand nombre dès leurs débuts. Après tout, ces plateformes pourraient être d’une grande aide pour les personnes en situation de handicap, notamment pour télétravailler, visiter des lieux historiques normalement inaccessibles en fauteuil roulant, ou même simplement rencontrer de nouvelles personnes. La réalité virtuelle a aussi été mise en avant pour ses utilisations thérapeutiques. En multipliant les paramètres d’utilisation, rendre les métavers accessibles créera une expérience optimale – car personnalisable – pour tous les utilisateurs, qu’ils aient un handicap ou non.

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Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste