En septembre sortent de nouvelles simulations de foot, dont FIFA 23. Les jeux de foot, inaugurés dans les années 1970, ont grandement évolué à mesure que les progrès techniques avançaient et que le milieu du foot se transformait. Retour sur les changements de trajectoire du ballon rond dans le jeu vidéo.
C’est la fin d’une époque. Le 30 septembre 2022 sortira le tout nouveau FIFA 23, mais surtout le tout dernier. L’année prochaine, la légendaire licence du studio EA Sports va changer de nom, après un contentieux avec l’organisation mondiale du football (tous deux portent exactement le même nom). Kylian Mbappé en couverture, une place de choix pour les équipes féminines de football, un gameplay au plus proche de la réalité avec des trajectoires de frappes et de passes plus souples, des contacts plus précis et diversifiés et un jeu globalement plus dynamique, plus flexible.
La simulation de foot numéro 1 s’adapte à certains enjeux de société. Il y a une dizaine d’années, FIFA a su prendre le virage des réseaux sociaux en fédérant une communauté autour du mode FIFA Ultimate Team, dit FUT, où les gameuses et gameurs peuvent acheter tous les joueurs qu’ils souhaitent, ou presque. Car le principe de FUT repose sur l’obtention de pack en achat réel ou bien en remplissant des missions. Il y a une part de hasard là-dedans, mais c’est aussi un sujet de débat permanent pour la communauté.
Mais les créateurs de simulations de football n’ont pas toujours été aussi attentifs à l’actualité. En 1973, Soccer sort sur la console Odyssey et n’a de lien de parenté avec le sport roi que le nom. Deux raquettes de chaque côté de l’écran, une balle qu’on s’envoie et se renvoie jusqu’à la faire rentrer dans la cage adverse… Bref, un des nombreux cousins de Pong. Peu importe que ça ne ressemble en rien à un vrai match de foot puisque les joueurs d’alors apprennent tout juste à faire connaissance avec l’industrie vidéoludique.
Ce n’est qu’en 1980, avec la sortie de NASL Soccer sur Intellivision, qu’apparaît le vrai premier jeu de football : deux équipes de six joueurs – avant tout des pixels qui évoluent sur un fond vert faisant office de pelouse – et, surtout, une vue de trois-quarts qui donne l’impression d’un vrai match. S’il faut un certain temps pour remonter tout le terrain, comme dans le manga Olive et Tom, l’accent est alors mis sur l’aventure que représente un match de foot ; il faut remonter un terrain miné par des ennemis pour aller marquer un but.
L’arrivée sur le marché de Kick Off, huit ans plus tard, apportera un plus quant au réalisme des joueurs et à leur façon de bouger sur le terrain. Plus de ballon collé au pied, ce dernier vit désormais sa propre vie. Mais le monde d’alors est avant tout figé en 2D, limité par la technologie.
Au départ, le football était une fête
Les années 1990 marqueront le début de la ruée vers l’or, des premières consoles performantes et de la possibilité de jouer en trois dimensions. C’est surtout le début de la concurrence entre PES, (connu alors sous le nom d’International Superstar Soccer) et de FIFA (ou FIFA International Soccer).
Electronic Arts d’un côté et Konami de l’autre se battent pour les droits concernant les noms d’équipes et de joueurs, sans trop se soucier du réalisme du jeu. À une époque où les salles d’arcade fleurissent un peu partout en ville, l’important est avant tout de s’amuser, de profiter du foot en tant que jeu, et de le vivre comme une fête.
Les joueurs sprintent à tout-va sur le terrain, peuvent marquer sans faire de passe ou tacler par derrière sans se soucier de prendre un carton rouge. En 1998, avec le mondial en France, FIFA se montre particulièrement attentif aux musiques d’introduction et à la retranscription de l’ambiance dans les stades.
La licence FIFA Street, quelques années plus tard, ou bien la ligue des Master chez PES, des simulations pour la beauté du geste et pour le plaisir, sont bien les témoins d’une période d’innocence pour les simulations de football.
FIFA vs PES, une concurrence légendaire et deux visions du football opposées
Les jeux de management (Football Manager, L’Entraîneur ou encore LFP Manager) existaient aussi dans les années 1980, mais ils ont pris davantage d’ampleur dans les années 2000 – et ce grâce, ou à cause, c’est selon, des ordinateurs et premiers algorithmes. Le football, tout comme la société, devient de plus en plus chiffré. Datas, statistiques, scouting, compositions, stratégies, caractéristiques des joueurs passés à la loupe… La discipline devient un business et le flair laisse place à l’analyse.
Virtua Striker sur SEGA fait de la résistance, mais ce sont bien les géants américains et japonais du jeu vidéo qui tiennent la distance. Durant les années 2000, Konami et Electronic Arts finissent par tout raser sur leur passage. Le premier mise tout sur le gameplay, sur l’envie de jouer et de se faire plaisir, alors que FIFA va essayer au plus vite de se rapprocher de la réalité et de la difficulté pour certains entraîneurs de construire une équipe et une stratégie cohérentes. Romantisme versus classicisme.
Des Fantasy League au mode FUT, l’individualisation du football
Mais, au final, les consoles devenant toujours plus performantes, et à force de s’inspirer l’une de l’autre, les deux franchises ont fini par se ressembler. Plus besoin de choisir quand on peut tout faire à la fois. Surtout, l’heure n’est plus vraiment à ce genre de réflexion. Le football n’est plus le sport qu’il était : moins collectif, plus individuel, plus médiatique et plus démonstratif.
Aujourd’hui, on ne soutient plus vraiment une équipe, mais des joueurs en particulier – et les simulations de foot ont suivi cette tendance. Premier témoin : l’éclosion des Fantasy League, ces championnats virtuels où l’on suit et joue en fonction des vraies prestations de joueurs IRL. Un phénomène venu tout droit des États-Unis, où elles sont devenues une passion à part entière avec le basket, le football américain ou encore le baseball.
Quand le mot simulation prend tout son sens
Le boom de ces ligues virtuelles démontre que c’est désormais la demande qui fait l’offre. Les joueurs imposent leur loi et ne veulent plus être de simples spectateurs passifs. C’est une bonne chose quand cela permet de promouvoir les équipes féminines de football, de voir Sam Kerr, attaquante de Chelsea, poser sur la jaquette du jeu en compagnie de Mbappé, ou bien de jouer pour la première fois une coupe du monde féminine.
Ça l’est moins quand ça se fait au détriment des fans de la première heure. Le mode FUT, désormais le plus populaire sur FIFA, présente les défauts de ses qualités. S’il est fédérateur, on sent bien qu’il essaie de pousser les gameuses et gameurs à sortir la carte bleue et à garder la console allumée le plus longtemps possible.
Si les simulations de foot suivent les tendances du sport original, elles en disent également long sur nos modes de consommation. Il ne s’agit plus seulement d’un divertissement – seul ou entre amis, en rentrant du boulot ou les week-ends –, mais aussi, et avant tout, d’une passion qui se partage en continu, en communauté connectée, fidèle, où l’on peut se mesurer les uns aux autres.
Le mot simulation prend alors tout son sens. Tous ceux qui n’ont pas eu la chance de percer peuvent vivre une vraie vie (virtuelle) de footballeuse ou de footballeur. Et il y a fort à parier que les jeux de football continueront de creuser dans cette direction dans les années à venir. Réponse avec FIFA 24… ou plutôt EA Sports FC 2024.