Les États-Unis et le Japon sont traditionnellement considérés comme les piliers des séries d’animation. Cependant, la France a aussi su s’imposer dans cet univers avec des créations aussi originales que diverses. De quoi concurrencer les grandes nations de l’animation, malgré certains freins persistants.
Les États-Unis et le Japon sont les principaux viviers de l’animation sérielle. Des cultissimes Simpson (1989) à One Piece (1998) en passant par les Looney Tunes (1929), le marché international est très riche. De son côté, la France n’a rien à envier à ses voisins. Malgré plusieurs écueils encore présents aujourd’hui, son animation est de plus en plus variée. Ses thématiques, ses talents créatifs, tout comme le public qu’elle vise (des enfants aux adultes) lui ont permis de se distinguer. De quoi se bâtir un avenir glorieux ?
Animés des années 80
Dans les années 1980, la France commence à s’imposer dans la série d’animation. Avec Il était une fois… la Vie d’Albert Barillé, l’Hexagone tient en 1986 son premier show animé. Au même moment, Le Club Dorothée mise tout sur la diffusion de formats japonais comme Olive et Tom (1983), Les Chevaliers du Zodiaque (1988) et bien évidemment Dragon Ball Z (1989). Malgré ce parti pris, l’émission participe à démocratiser l’animation dans les foyers français mais le cinéma reste le fer de lance du genre.
Avec des réussites critiques et commerciales comme Le Roi et l’Oiseau (1980), Kirikou et la Sorcière (1998), ou encore Les Triplettes de Belleville (2003), l’animation française se développe avant tout sur le grand écran. Cependant, des séries comme Les Aventures de Tintin (1991), puis plus tard, Les Zinzins de l’Espace (1997) et Oggy et les Cafards (1998) vont permettre d’élargir les formats de l’animation, mais surtout d’imposer la touche française dans le domaine.
La France est obligée de collaborer avec d’autres pays sur les projets d’animation comme le Canada, la Suisse, ou la Belgique, et de compter sur les ventes de séries à l’étranger. Mais depuis ces célèbres adaptations, de nombreuses ont suivi. Qu’elles soient à destination des plus jeunes ou des adultes, tirées de livres pour la jeunesse, de bandes dessinées comme Titeuf (2001), de jeux vidéo comme la série d’animation 3D Les Lapins Crétins : Invasion (2013), ou bien de véritables créations originales telles que Les Kassos (2013) sur Canal+ Vidéo, ou Vermin (2018) diffusée sur Blackpills, il existe une variété de formats et de thèmes concernant l’animation sérielle française.
La French Touch de l’animation sérielle
Au fil des décennies, une véritable tradition française est née. Il existe un vivier de talents qui prend de plus en plus d’ampleur aujourd’hui, notamment grâce à l’École de l’Image Gobelins. C’est ce que constate Matthieu Liégeois, producteur chez Tchack, les studios lillois auxquels on doit l’adaptation sérielle de la bande dessinée Lastman (2016). « On a de l’or en barre, explique-t-il. De nos jours, les formations se diversifient de plus en plus en France. De nombreuses personnes sont prêtes à faire de la belle animation, des passionnés. »
Il constate également que l’on assiste à un véritable boom de l’animation sérielle depuis ces deux dernières années. Les studios américains, à l’origine protectionnistes, s’exportent désormais en Europe. La cause ? L’implantation des plateformes de streaming, dont l’exemple le plus parlant est très certainement la série League of Legends, Arcane (2021). Dans le cadre de cette adaptation, le développeur américain de jeux vidéo Riot Games a travaillé en étroite collaboration avec Fortiche Production, un studio d’animation français, afin de créer la série « la plus coûteuse du monde » puisque le budget d’Arcane est estimé entre 60 et 80 millions de dollars.
Ce facteur, très important pour Matthieu Liégeois, tend à imposer la France parmi les grandes nations de l’animation. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’Hexagone n’est pas en reste par rapport aux États-Unis et au Japon, « car nous avons un système différent des marchés américains ou japonais. Ils sont davantage orientés par la nécessité du commerce. En France, on a un système audiovisuel, mais surtout une patte créative. »
Matthieu Liégeois souligne l’importance du rôle de France Télévision, des fonds régionaux, ou encore du CNC aujourd’hui, et insiste sur la liberté créative des artistes, mais aussi sur la volonté des scénaristes de revaloriser leurs métiers et de faire grandir les passionnés afin qu’ils s’impliquent sur le long terme dans l’industrie.
C’est peut-être en cela qu’il existe une patte française. À travers des valeurs bienveillantes, prônées par le secteur de l’animation française, ses faiseurs tentent, tant bien que mal, d’offrir des créations uniques, indépendantes et innovantes qui reflètent la créativité « à la française ». Une volonté que martèle Matthieu Liégeois. De Wakfu (2008) à Crisis Jung (2018), la France doit « tester des choses » si elle espère pérenniser son savoir-faire dans l’univers de la série d’animation.
Les difficultés du marché français
Cette position privilégiée n’est pas sans complication. Tout d’abord, la politique des États-Unis via leur exportation européenne n’est peut-être pas faite pour durer. Matthieu Liégeois estime que « leur stratégie est actuellement en Europe, mais ils risquent de vouloir se relocaliser en Asie ». En effet, le marché japonais est un pilier de l’animation. La japanimation est arrivée très tôt en raison de la forte demande du public et de sa maturité. Il faut également prendre en compte l’exigence narrative et technique de l’industrie en Asie, mais aussi le modèle fermé, proche de ce que les Américains pratiquent traditionnellement.
Cette technique pousse les travailleurs de l’animation à traverser les frontières. Une difficulté supplémentaire pour le marché français qui espère conserver ses talents, ou du moins les voir revenir à terme. Pour Mattieu Liégeois, la concurrence d’emploi dans l’animation représente un risque avec lequel il faut bien composer, tout comme le fait que ce secteur est sous-représenté et peu considéré en France.
Selon le producteur, il faut aussi travailler sur notre méthode de diffusion. « L’animation n’est pas que pour les gamins. On fédère tout le monde. J’aimerais qu’on investisse dans des valeurs. On peut d’ailleurs faire de l’animation de bonne qualité, pas très chère, et pleine de sincérité. » Il prend notamment Les Petits Philosophes pour exemple.
L’avenir des séries d’animation passera par des contenus pour adultes
Ces séries d’animation vont bouleverser le modèle établi alors qu’elles n’en sont qu’à leurs balbutiements. Les prochaines promotions des Gobelins vont aussi très certainement s’approprier ce médium différemment. Les histoires, les registres, la technique ou encore les formats vont évoluer. Ces nouveaux talents vont aussi se nourrir d’une multitude de références pour offrir une patte française, toujours plus précise, et réinventer des personnages.
On pense à Alain Chabat et à la série Astérix, actuellement en préparation au sein des studios TAT, à Toulouse. La France pourrait aussi se positionner sur le marché de l’anime français, après quelques essais remarqués comme Valerian et Laureline (2007) ou Arcane. Après tout, en 2018, 19 millions de Français âgés de 18 ans et plus disaient regarder des animés, selon un sondage IFOP pour la plateforme ADN.
Malgré plusieurs écueils, l’avenir des séries d’animation françaises se joue ainsi autour de toutes ces problématiques. Un futur intéressant, dans l’ensemble radieux, qu’il faudra observer de près, mais qui devrait permettre à l’Hexagone de s’imposer davantage. La french touch n’a pas dit son dernier mot.