Décryptage

Licenciements, baisse des embauches : que se passe-t-il dans la tech ?

08 août 2022
Par Johanna Godet
Ralentissement des embauches, licenciements, recherche d'une productivité accrue… La Tech réagit à la crise mondiale qui se prépare.
Ralentissement des embauches, licenciements, recherche d'une productivité accrue… La Tech réagit à la crise mondiale qui se prépare. ©Hunters Race via Unsplash

Finies les heures de gloire de la tech ? Nombre de grosses entreprises du secteur décident de tailler dans leurs effectifs, mettant parfois les salariés sous haute pression.

Après des années particulièrement fastes, les entreprises de la tech font face à un véritable tsunami. Tout a commencé par une pénurie de processeurs liée à la pandémie, qui a ralenti les fabricants de matériel. Puis la guerre en Ukraine a pris le relai. Conséquence : les géants du secteur ont majoritairement fait le choix de revoir leur stratégie et de se retirer du marché russe. Ajoutons à tout cela l’inflation grandissante et l’incertitude face à l’avenir qui affectent directement la demande.

Les premiers effets de cette crise commencent à se faire sentir et sont parfois agrémentés de problématiques internes aux entreprises. Depuis début 2022, les résultats financiers sont, pour certaines d’entre elles, peu encourageants et un certain nombre de structures ont décidé d’agir pour se préparer à affronter les difficultés à venir. Au mieux, les dirigeants ralentissent les embauches etn dans le pire des cas, ils lancent des campagnes plus ou moins massives de licenciements.

Les entreprises qui taillent dans les effectifs

Suite à la perte massive d'abonnés, la plateforme de streaming vidéo a réagit et s'attaque aux ressources humaines.
Suite à la perte massive d’abonnés, la plateforme de streaming vidéo a réagi et s’attaque aux ressources humaines.©Thibault Penin via unsplash

Netflix est certainement la firme qui a le plus marqué les esprits en ce sens depuis le début de l’année. Contrairement à d’autres acteurs de la tech, elle n’est pas directement concernée par le contexte économique et les pénuries de puces. Elle fait surtout face à une concurrence de plus en plus accrue et a perdu des abonnés.

C’est une première pour cette plateforme de vidéos en streaming fondée en 1997. Au total, plus d’un million d’utilisateurs ont mis un terme à leur abonnement. Or, le groupe a lourdement investi pour enrichir son catalogue. Face à ce constat, la direction a entrepris plusieurs vagues de licenciements. Le groupe a également décidé de s’attaquer au partage de comptes et de proposer des forfaits plus abordables, mais avec publicité pour attirer de nouveau les spectateurs.

Microsoft de son côté a lancé un plan de réorganisation et annonce avoir licencié moins de 1 % de ses équipes. Il prévoit en complément de ralentir les recrutements pour Windows, Teams et Office. Sans apporter plus de précisions, la firme de Redmond entend attirer les talents sur des métiers bien précis et espère finir l’année avec des effectifs en hausse. Elle se concentre donc sur les départements susceptibles d’apporter à terme une valeur ajoutée.

Soundcloud va quant à elle se séparer de 20 % de ses effectifs mondiaux selon une publication de son PDG Michael Weissman sur LinkedIn. S’il regrette de devoir en arriver là, il explique que c’est nécessaire « étant donné le climat économique difficile et les vents contraires des marchés financiers ».

Les entreprises qui freinent les embauches

Elles sont majoritaires à avoir annoncé de tels dispositifs. Au sens des géants de la tech, il peut parfois être compliqué de conserver ses équipes et la concurrence est rude. L’image est ainsi particulièrement importante en matière de ressources humaines. Geler les embauches reste un signal moins négatif que procéder à des licenciements.

Apple et Google ralentissent les embauchent pour mieux rebondir ensuite.
Apple et Google ralentissent les embauchent pour mieux rebondir ensuite.©Apple Google

À ce titre, Google entend limiter ses recrutements et se concentrer sur les métiers techniques et d’ingénierie, du moins d’ici fin 2022, selon les dires de son PDG Sundar Pichai. Ce dernier prévoit de repenser le déploiement des ressources afin de répondre concrètement aux besoins de l’entreprise et ne pas se contenter de l’existant.

Apple se prépare au pire et opte pour une stratégie similaire à celle du groupe de Mountain View. Il faut rappeler que le marché des smartphones est en berne et, même si l’iPhone sort du lot, la marque à la pomme se prépare à faire face à une stabilisation de ses ventes, alors qu’elle était habituée à enregistrer une croissance quasi permanente. Le gel des embauches n’est que temporaire et certains secteurs comme celui de la VR pourrait prochainement renforcer leurs équipes, même si le groupe de Tim Cook n’a émis aucun commentaire sur le sujet à ce stade.

Des entreprises impactées essentiellement par leur propre stratégie

Le cas de Twitter est spécifique. L’entreprise a récemment beaucoup fait parler d’elle avec son potentiel rachat par le milliardaire et entrepreneur Elon Musk. Ce dernier a finalement décidé de revenir sur sa décision et de ne plus se porter acquéreur. Un revirement qui n’est pas admis par le Conseil d’administration de Twitter, qui entame alors des poursuites. Comment envisager une stratégie viable dans un contexte aussi complexe ? Après avoir annoncé début juillet une phase de licenciement, la firme américaine est revenue sur sa décision et ne devrait finalement procéder qu’à une suspension des embauches et une réduction des coûts.

Meta ne veut que les meilleurs et doit réduire ses effectifs pour se préparer au metaverse.
Meta ne veut que les meilleurs et doit réduire ses effectifs pour se préparer au metaverse.©Roman Martyniuk via Unsplash

Mark Zuckerberg, à la tête du groupe Meta, a affirmé que, face à la situation économique actuelle, il réduirait de 30 % les embauches d’ingénieurs. S’il croit fermement en l’avenir du metaverse, il a conscience qu’à court terme les investissements liés à la fabrication des casques de VR notamment seront source de difficultés financières. Au-delà des questions macroéconomiques, c’est donc davantage les projets de Meta qui la poussent à réduire les recrutements.

Des acteurs prévoyants

Contrairement à la plupart des autres acteurs de la tech, Spotify, numéro 1 mondial des plateformes de streaming musical, anticipe la crise et réduit les embauches de 25 % en prévision d’un éventuel ralentissement, même si, lors du dernier trimestre, il affichait une croissance.

Moins de distractions pour une meilleure productivité

Outre ses plans d’embauches revus à la baisse, Meta met quelque peu la pression à ses équipes pour pousser aux démissions et éviter ainsi d’avoir à licencier. Son PDG aurait en effet déclaré à ses équipes : « J’espère qu’en augmentant les attentes, en ayant des objectifs plus agressifs, et simplement en augmentant un peu la pression, certains d’entre vous pourraient décider que cet endroit n’est pas pour vous. »

De son côté, Google veut que les efforts viennent de chaque salarié et tente de les sensibiliser. Sundar Pichai a ainsi appelé l’ensemble de sa force de travail à réfléchir à des solutions pour améliorer la concentration et la productivité. Comme le rapporte CNBC, il entend « créer une culture plus axée sur la mission, plus axée sur nos produits, plus axée sur le client. Nous devrions réfléchir à la manière dont nous pouvons minimiser les distractions et vraiment relever la barre en matière d’excellence des produits et de productivité ». Une manière plus subtile que ses homologues d’inciter ses équipes à se dépasser.

Deux méthodes : la pression, l'intimidation ou la sensibilisation pour travailler plus efficacement.
Trois méthodes : la pression, l’intimidation ou la sensibilisation pour travailler plus efficacement.©ThisisEngineering via Unsplash

S’il ne s’agit là que de quelques exemples de stratégies pour les entreprises de la tech, ceux-ci témoignent de l’incertitude que chacun de ces acteurs a vis-à-vis de l’avenir. Malgré tout, le contexte économique actuel n’est pas le seul à blâmer. Certaines de ces firmes sont à un tournant de leur croissance et doivent repenser leur offre, trouver le bon produit, la bonne solution pour rester parmi les leaders du secteur.

À noter qu’en marge de ces grosses entreprises, les start-ups sont aussi très fragilisées et certaines peinent à survivre, y compris en France. D’autres secteurs sont aussi très impactés, comme celui des cryptomonnaies qui, suite à des chutes brutales des valeurs phares comme le Bitcoin, peinent désormais à attirer les petits porteurs. L’industrie du jeu vidéo est aussi chahutée, avec de grands noms comme Unity ou encore Niantic qui se séparent d’une partie de leurs salariés. Dans les télécoms, le sous-traitant d’Orange, Scopelec, entame aussi une réduction de ses effectifs. Chaque entreprise doit se recentrer et se repenser en ces temps incertains.

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Article rédigé par
Johanna Godet
Johanna Godet
Journaliste