Article

Le web3, une opportunité pour les femmes de rebattre les cartes dans la tech ?

02 juillet 2022
Par Kesso Diallo
Les femmes ont l’opportunité de participer au développement du web3.
Les femmes ont l’opportunité de participer au développement du web3. ©Jacob Lund/Shutterstock

Si les technologies et le numérique sont omniprésents dans nos vies, ce secteur n’est, lui, pas représentatif de la société. En cause, un manque de diversité. Le web3, prochaine itération d’Internet en cours de développement, pourrait être un moyen de changer cela.

Réseaux sociaux, e-commerce, recherche d’informations… Le Web fait partie intégrante de nos vies. Derrière cette Toile se cachent des milliers d’entreprises de la tech proposant leurs services. Un problème persiste pourtant dans ce secteur depuis des années : les femmes y sont toujours peu nombreuses et ce, malgré les multiples initiatives pour combler cet écart entre les genres.

Le web3 – concept encore flou considéré comme la future version d’Internet – pourrait peut-être permettre aux femmes d’y avoir une meilleure place. Plus de place, tout simplement. La prochaine mouture suscite un fort intérêt depuis l’année dernière, notamment avec la percée des NFT, du metaverse et des cryptomonnaies. Des initiatives existent pour y inclure dès le départ, ou presque, davantage les femmes. À titre d’exemple, lorsque Meta a annoncé le lancement d’une académie en France pour former aux métiers du metaverse, il a indiqué avoir pour objectif d’avoir 30% de femmes dans la première promo. Ces efforts suffiront-ils à faire bouger durablement les choses ?

Réduire l’écart entre les genres dans la tech

Quelques chiffres avant d’entrer dans le vif du sujet. Selon l’étude Gender Scan 2022, les femmes ne représentaient que 17% des emplois du numérique en 2020 contre 15% en 2018 au sein de l’Union européenne. Concernant spécifiquement la France, ce chiffre est passé de 12% en 2018 à 17% en 2020. Non seulement les femmes sont peu nombreuses à travailler dans la tech, mais elles le sont encore moins à accéder aux postes de direction. Dans le cas des Gafam, on peut par exemple mentionner Susan Wojcicki, directrice générale de YouTube ou Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Meta, qui a annoncé son départ début juin. D’après une étude de Fire Tech datant d’août 2021, seulement 10% des PDG parmi les 50 plus grandes entreprises technologiques mondiales sont des femmes.

Women in Tech, une ONG internationale pour aider les femmes à adopter la technologie.©Women in Tech

Pour être vues et considérées, les femmes de la tech s’organisent. L’entrepreneure Ayumi Moore Aoki a fondé en 2018 Women in Tech, une organisation internationale à but non lucratif. L’objectif de cette ONG ? Réduire l’écart entre les sexes et, surtout, permettre à 5 millions de femmes et de filles d’accéder aux métiers des STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) d’ici à 2030. Pour cela, elle se concentre sur quatre domaines : l’éducation (programmes de compétences, séances de sensibilisation, etc.), les affaires (entrepreneuriat, centre de talents, etc.), l’inclusion sociale (bourses d’étude, équipement des zones rurales, etc.) et la promotion (événements, partenariats stratégiques, etc.). « Nous sommes à peu près de 250 000 femmes et filles aujourd’hui. Et nous faisons aussi partie de l’Edison Alliance, un mouvement créé par le World Economic Forum qui a pour mission d’impacter 1 milliard de vies d’ici à 2025. Nous nous sommes engagés à impacter 1 million de femmes d’ici 2025 et 5 millions d’ici à 2030 », explique Ayumi Moore Aoki.

D’autres tentent de remédier au problème à travers des écoles. L’Ada Tech School, école d’informatique française, a par exemple été créée en 2019 pour augmenter le nombre de femmes dans ce secteur. « Au moment de la formation, les femmes ne représentent que 10% des étudiants en informatique. Ce chiffre est alarmant, car l’informatique est le seul secteur de formation où la part des femmes est en nette régression », indique l’école sur son site. L’Ada Tech School a ainsi été fondée « pour que les femmes puissent se diriger sereinement vers le secteur de l’informatique, puis évoluer dans des boîtes tech avec le bagage nécessaire ». Après un premier campus à Paris, elle a levé 3 millions d’euros en 2021 pour financer l’ouverture d’un deuxième campus à Nantes, prévue en octobre prochain.

Des initiatives nécessaires pour le web3

OpenSea, Binance, The Sandbox… Si les Gafam sont dirigés par des hommes, les grandes entreprises du jeune web3 sont elles aussi fondées et dirigées par des hommes.

Évidemment, il existe quelques exceptions. On pense par exemple à BFF, fondée par les entrepreneures Brit Morin et Jaime Schmidt en 2021. Il s’agit d’une organisation décentralisée dont la mission est d’aider les femmes et les personnes non binaires à être éduquées, connectées et récompensées financièrement dans le domaine des cryptomonnaies et du web3. « Une nouvelle ère d’Internet a commencé, et elle s’appelle “web3”. Sa valeur marchande devrait atteindre 10 000 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Le problème ? 81% des participants sont des hommes », peut-on lire sur son site. Parmi les membres de cette communauté figurent notamment les actrices Gwyneth Paltrow, Tyra Banks et Mila Kunis.

BFF propose des ressources, dont des vidéos, pour éduquer les femmes sur le web3.©Capture d'écran / BFF

D’après un sondage Ifop pour Cointribune, sur le quart de Français connaissant les NFT, 19% sont des femmes et 31% des hommes. Et par rapport aux 88% des répondants ayant indiqué connaître le bitcoin, seulement 38% des femmes ont déclaré en avoir déjà entendu parler contre 55% des hommes. Pour Ayumi Moore Aoki, il est nécessaire de créer des campagnes de sensibilisation destinées aux femmes, car elles pensent toujours que la tech est encore une affaire d’hommes. La fondatrice de Women in Tech indique également qu’elles sont plus précautionneuses que les hommes concernant les investissements et donc plus hésitantes qu’eux face aux cryptomonnaies. Raison pour laquelle elles sont moins nombreuses que les hommes à investir dans ces actifs numériques. « Du moment qu’elles ont les connaissances, c’est à elle de faire leur choix, mais je pense que le plus important, c’est d’ouvrir, de montrer les opportunités du web3 », déclare-t-elle.

L’ONG prévoit d’ailleurs d’aider les femmes avec la future génération d’Internet. « Nous avons noué des partenariats avec des sociétés ou avec des acteurs qui peuvent nous aider à former les filles dans ces métiers-là et expliquer ce qu’est le web3 », explique l’entrepreneure. L’objectif est de réaliser un travail d’éducation numérique en expliquant ce qu’est la blockchain, un NFT ou encore comment créer son portefeuille crypto, et de former aux métiers du futur. Comme le rappelle Ayumi Moore Aoki, 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui : « Tous ces métiers vont venir de l’innovation, de ces nouvelles technologies, donc c’est vraiment important que les femmes puissent être présentes et en faire partie dès maintenant. ».

Les mentalités, un obstacle à l’augmentation du nombre de femmes

Malgré ces initiatives, un facteur, et pas des moindres, entrave l’augmentation du nombre de femmes dans la tech : les mentalités. Selon un sondage d’Ironhack publié à l’occasion de la Journée de la femme digitale le 17 avril dernier, quatre Français sur dix pensent qu’elles ne sont pas aussi douées que les hommes dans les métiers liés au secteur des nouvelles technologies. Parmi les principales raisons, ils estiment que les hommes sont naturellement plus doués pour l’informatique, que ces emplois sont plus compliqués pour les femmes ou qu’un facteur culturel tourne davantage les hommes vers le numérique. 58% des répondants ont en outre déclaré qu’ils n’inciteraient pas leur fille à s’orienter vers un métier du numérique. Ils craignent le peu de débouchés et considèrent que les formations et les écoles sont très chères et les études, trop longues. Ils voient aussi ces secteurs comme étant très anxiogènes et difficiles pour les femmes, certaines d’entre elles ayant été victimes de discrimination ou de harcèlement dans le milieu.

Selon Ayumi Moore Aoki, les stéréotypes constituent la première des barrières contre l’augmentation du nombre de femmes dans la tech. « Quand on pense à quelqu’un à la tête d’une start-up, on pense à Mark Zuckerberg, à Elon Musk, à des hommes, mais pas vraiment à des femmes modèles, explique la fondatrice de Women in Tech. Ce sont des années, des décennies d’informations biaisées auxquelles nos parents, nos professeurs ont été confrontés ! Pour certains parents, tout ce qui est digital relève parfois un peu de l’inconnu. Très souvent, ils ne savent pas ce qu’est le web3 et imaginent encore que la tech, ce sont des profils geeks qui font des hackathons ou des choses comme ça. Ils n’imaginent pas leurs filles dans cet univers », ajoute-t-elle.

Pour l’entrepreneure, le web3 représente pourtant une opportunité pour les femmes de rebattre les cartes. Cela permettrait notamment de voir arriver des produits ou des services acessibles et adaptés à tous.

À lire aussi

Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste