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La saison photographique de l’Abbaye royale de l’Epau interroge nos sociétés

19 juin 2022
Par Apolline Coëffet
La saison photographique de l’Abbaye royale de l’Epau interroge nos sociétés
©Pierrot Men

Le sublime écrin de verdure, situé à deux pas du Mans, expose dix photographes jusqu’au 6 novembre prochain. Toutes et tous éprouvent le regard des visiteurs et l’invitent à mener des réflexions contemporaines.

Depuis dix ans déjà, l’Abbaye royale de l’Epau se pare chaque été de photographies. Dans des styles divers et variés, les images entament alors un véritable dialogue avec ces lieux au charme apaisant et propice à la réflexion. C’est ainsi que l’institution parvient à se renouveler, tout en valorisant son patrimoine, riche d’une histoire de plus de 800 ans. Cette année, pas moins de dix photographes ont répondu à l’appel. Toutes et tous usent du trouble et de l’insolite pour donner à voir des réalités, parfois discrètes, qui s’inscrivent pourtant dans le quotidien de beaucoup. 

Installations sculpturales et présentations en plein air, performances sonores ou en miroir avec l’environnement… La scénographie de chaque exposition parvient à établir un étonnant système de résonnances avec le passé de l’abbaye cistercienne. L’harmonie et la cohérence du propos témoignent alors du caractère pérenne de certaines problématiques actuelles. 

Repenser notre rapport à l’environnement

Parmi elles figurent notamment les représentations que tout un chacun se fait du monde alentour. Dans sa série Sous la peau, exposé dans le potager du domaine, la photographe culinaire Pauline Daniel tend ainsi à démontrer que les apparences sont parfois trompeuses, et ce, en particulier lorsqu’il s’agit de fruits et légumes. Les produits abîmés, parfois jugés, à tort, impropres à la consommation, empruntent ici au registre de la séduction pour dénoncer le gaspillage alimentaire qui cristallise, finalement, la propension de nos sociétés à l’hyperconsommation. 

Dans un autre genre, Éric Pillot immortalise les animaux sauvages des parcs européens pour alerter de l’imminence de leur disparition. Sur les tirages, les espèces menacées – vouées, pour beaucoup, à ne survivre que dans des zoos – ont des airs picturaux et semblent déjà appartenir à un monde révolu. Au contraire, Charles Delcourt, plus optimiste, dépeint le quotidien des habitants de l’île écossaise d’Eigg dans une série éponyme. Propriétaires de leur territoire, les locaux ont mis en place un modèle énergétique renouvelable, et vivent en parfaite autonomie, selon un mode de vie respectueux de l’environnement. 

©Éric Pillot

D’autres photographes, à l’instar de Baudouin Mouanda et Pierrot Men se plaisent à souligner, chacun à leur manière, la résilience qui habitent les êtres. Dans Les Fantômes des corniches, le premier montre des étudiants congolais qui n’ont d’autres choix que de travailler dehors, à la lumière des lampadaires, n’ayant pas accès à l’électricité chez eux. Le second, dans Là où le temps ressemble à l’océan, raconte, par l’image, le quotidien éprouvant des pêcheurs de Madagascar, dont l’activité est troublée par la pollution des mers. Dans le calme de l’Abbaye royale de l’Epau, les tirages invitent ainsi les visiteurs à prendre du recul sur la conjecture qui est la nôtre et à repenser notre rapport à l’environnement et son évolution.

10e édition de saison photographique de l’Abbaye royale de l’Epau, jusqu’au 06/11/2022.

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Article rédigé par
Apolline Coëffet
Apolline Coëffet
Journaliste
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