Qu’ils soient récents ou anciens, ces livres sont de gros coups de cœur. Tous lus cette année, je vous présente mon bilan de pépites littéraires à lire ou à offrir en format poche. Un petit cadeau qui fera toujours plaisir, avec ces histoires qui tiennent dans la main, mais qui vous laisseront une empreinte immense.
Le chapeau de Mitterrand – Antoine Laurain (J’ai Lu)
Antoine Laurain signe avec Le chapeau de Mitterrand une fable délicieusement cocasse où un simple accessoire devient le vecteur d’une aventure hors du commun. Si l’habit ne fait pas le moine, que se passe-t-il lorsqu’on endosse un symbole du pouvoir ? Tout commence par le fameux chapeau de François Mitterrand oublié dans un restaurant. De main en main, il traverse des destins et déclenche des métamorphoses, dans une France des années 80 finement restituée. L’auteur propose un récit drôle et élégant, porté par une écriture vive et érudite, qui interroge finement : suffit-il de revêtir un attribut du pouvoir pour en hériter la grandeur ? À mi-chemin entre la fable et la comédie, ce roman irrésistible questionne la relation entre apparence et pouvoir, offrant une réflexion subtile sous une forme légère.
L’Amour ouf – Neville Thompson (10/18)
Avec L’Amour ouf, Neville Thompson peint une chronique sociale brute et bouleversante, plongée dans le Dublin prolétaire des années 1980. Sa plume crue et réaliste, nourrie d’argot et de verlan, donne une sincérité singulière à cette histoire d’amour fou entre Jackie et Johnser, rythmée par l’alternance des points de vue et une tension qui se dévore à toute berzingue. Adapté récemment au cinéma par Gilles Lellouche, le récit se fait fresque romantique dans le Nord de la France. Moins rugueux, plus flamboyant, le film joue avec les codes de la pop culture et la nostalgie des années 80. Deux visions d’un même amour météore : l’une réaliste et tragique, l’autre stylisée et romanesque. À lire avant ou après la séance pour mesurer toute la puissance de cet amour fou.
Le café sans nom – Robert Seethaler (Folio)
Dans la Vienne de la fin des années 60, encore marquée par les cicatrices de la guerre, Robert Seethaler nous invite à pousser la porte d’un café ouvert par un homme ordinaire dans un quartier populaire. Ce lieu devient un refuge, un espace où l’on s’accroche à la vie alors que tout change autour. Un café pour se retrouver, où la douceur du quotidien se mêle à la mélancolie du temps qui passe. Avec une écriture limpide et une tendresse infinie, Le Café sans nom célèbre la vie comme elle va, ses silences, ses rencontres, ses espoirs fragiles. Un roman d’une grâce remarquable, à savourer comme un moment suspendu.
L’Hôtel du Nord – Eugène Dabit (Folio)
Dans L’Hôtel du Nord, Eugène Dabit nous entraîne au cœur du Paris populaire des années 1920 avec une sensibilité rare. Si la réplique mythique d’Arletty appartient au cinéma, son esprit gouailleur semble imprégner le roman, insufflant une fraîcheur inattendue. À travers des personnages simples mais profondément humains, Dabit capte les luttes, les espoirs et la dignité de la classe ouvrière, offrant un hommage vibrant à une époque où la vie se mêle à la poésie des quais. Plus qu’un récit, c’est une atmosphère, une immersion dans un Paris authentique qui continue de fasciner.
Reste si tu peux, pars s’il le faut – Helga Flatland (L’Aube)
Helga Flatland signe avec Reste si tu peux, pars s’il le faut un roman d’une tendresse folle. Dans un village norvégien paisible, l’actualité internationale vient fissurer le quotidien et révéler les fragilités humaines. À travers quatre destins entremêlés, l’autrice explore les frustrations, les silences et les élans qui façonnent les vies de toute une communauté. Son écriture, douce et précise, transforme ce drame intime en une description émotionnelle où se mêlent des joies fragiles et de grandes peines. Un très beau roman qui nous emporte dans un tourbillon d’humanité.
Des souris et des hommes – John Steinbeck (Folio)
Avec Des souris et des hommes, John Steinbeck livre une tragédie d’une intensité hors du commun. Un texte simple d’une profondeur universelle. Dans l’Amérique meurtrie par la Grande Dépression, il explore les fractures sociales en tissant une réflexion bouleversante sur l’amitié, l’espoir et la dignité humaine. Ce roman inoubliable transforme une histoire intime en parabole universelle sur l’existence révélant la lutte constante entre clémence et cruauté. Ce court roman, d’une puissance émotionnelle impressionnante, continue de résonner longtemps après sa lecture.
La Jurée – Claire Jéhanno (HarperCollins)
Avec La Jurée, Claire Jéhanno publie un premier roman qui nous plonge dans l’univers fascinant des assises. Anna, enseignante sans histoire, est tirée au sort pour devenir jurée. Ce rôle, censé être neutre et rationnel, devient une épreuve intime : au fil des témoignages et des débats, la jeune femme voit ressurgir des souvenirs qu’elle croyait enfouis et des secrets qu’elle pensait oubliés. Entre tension judiciaire et introspection psychologique, l’autrice explore la fragilité des convictions et la complexité des choix humains. Ce récit captivant vous tient en haleine jusqu’au verdict.
Mélodie de Vienne – Ernst Lothar (Liana Levi)
Dans les salons feutrés de la famille Alt, où résonnent encore les échos de Mozart, se joue bien plus qu’une histoire familiale : c’est celle d’une maison, d’un pays et d’un continent au bord du gouffre. Avec Mélodie de Vienne, Ernst Lothar compose une représentation crépusculaire et poétique, qui saisit la beauté fragile d’un monde, celui de l’Autriche impériale et de l’Europe, entre splendeur et effondrement. De 1888 à 1938, l’auteur compose une partition romanesque magistrale, mêlant passions intimes et bouleversements historiques, pour proposer un miroir vibrant des illusions et des fractures d’une époque.
La Condition pavillonnaire – Sophie Divry (J’ai Lu)
La Condition pavillonnaire donne une voix universelle à une vie ordinaire. Sophie Divry livre un roman d’une grande acuité, où la banalité devient matière à réflexion existentielle. À travers le « tu » troublant adressé à M.-A., femme de la classe moyenne, l’autrice déroule une vie entière, de l’enfance à la vieillesse, en disséquant les rôles imposés avec une précision presque clinique. Entre la froide lucidité des Choses de Perec et la mémoire intime des Années d’Ernaux, ce texte agit comme un miroir hypnotique de nos vies conditionnées. Une lecture qui bouscule, interroge et laisse une empreinte durable.
Les Demoiselles de Concarneau – Georges Simenon (Folio)
Georges Simenon signe un huis clos breton d’une intensité rare. Les Demoiselles de Concarneau est un roman noir hors de sa série Maigret. Jules est un patron-pêcheur de 40 ans vivant avec ses deux sœurs aînées. Quand survient le drame, son incapacité à assumer ses responsabilités le précipite dans une tentative de rédemption solitaire. Mais peut-on s’affranchir des liens familiaux et des codes sociaux qui façonnent une existence ? Simenon explore avec une précision implacable la mécanique de l’emprise et la fragilité des hommes face à leur destin. Un roman bref et intense, où la mer et les quais deviennent le théâtre d’une tragédie intime.
