Avril est un mois propice aux nouvelles parutions de romans policiers, d’autant plus avec le festival international Quais du Polar qui fête ses 20 ans cette année. C’est le moment idéal pour vous partager mes deux coups de cœur du moment dans ce genre reconnu et apprécié par un large lectorat : un grand format et un poche dans des styles très différents. Bonne découverte.
Colère – Arpad Soltesz (Agullo Éditions)
Du rythme dans la narration et des dialogues acérés accompagnent une intrigue bien ficelée au cœur de l’Europe de l’Est. Arpad Soltesz livre un portrait sans concession de son pays gangréné par la corruption. Dans les années 1990, la Slovaquie sort à peine de plusieurs décennies passées sous le joug soviétique pour entrer de plain-pied dans un capitalisme débridé. Le pouvoir change de forme mais pas de mains. Les oligarques prennent la tête de vraies mafias et les victimes restent les mêmes.
Le lieutenant Molnár, jeune policier idéaliste de Kosice, est motivé à nettoyer la ville du crime. Il devient l’homme à abattre. Son coéquipier Miki Miko échappera à la vendetta, mais n’aura ensuite de cesse de venger son collègue assassiné. S’engage alors une course-poursuite sur fond de guerre de pouvoir entre les différents gangs mafieux et les plus hautes sphères politiques du pays. Comme une loupe qui grossit les affres d’un pays livré à la puissance de l’argent, ce livre est une sorte de révélateur. C’est aussi une caricature, car si on ne s’ennuie pas, c’est aussi parce qu’on y rit beaucoup. Du second degré à l’ironie, on pense à l’humour mordant de Todd Robinson, notamment dans Cassandra avec son duo de justiciers improbables.
La littérature slovaque est rare. Avec Colère, il est grand temps de la découvrir avec ce troisième roman d’Arpad Soltesz édité en France après Il était une fois dans l’Est et Le Bal des porcs.
Proies – Andrée A. Michaud (Rivages)
Capra lupum timet, la chèvre craint le loup. Une locution latine qui exprime à elle seule une peur ancestrale et que de nombreux adolescents ont apprise durant l’apprentissage de cette langue morte.
Ici point de chèvre mais il est question d’adolescents fragiles et sans défense. Pas de loup non plus, mais un prédateur dont on distingue assez vite le regard vicieux au cœur d’une forêt profonde et forcément mystérieuse.
On le voit très vite, tous les éléments de suspense angoissant sont réunis. Non loin du village de Rivière-Brûlée, au Québec, trois adolescents partent camper dans la forêt. C’est l’été et ils se réjouissent de passer quelques journées au grand air. Le soir, à la veillée, ils se racontent des histoires de fantômes et jouent à se faire peur. Pourtant en rentrant de leur baignade, ils ont la nette impression que leurs affaires ont été déplacées.
Avec Proies, Andrée Michaud nous plonge avec un plaisir non dissimulé dans nos peurs viscérales. Celles qui nous clouent sur place. Elle le fait avec beaucoup de talent, dans une langue riche et nuancée. Et sans y perdre votre latin, vous pourrez apprécier de nombreuses expressions en québécois, ce qui donne à la fois un cachet à sa plume mais aussi une distance face à l’effroi. Voilà de quoi combler nos besoins de suspense et de frisson !
