Pour beaucoup d’entre nous, le genre poétique est souvent associé à des souvenirs liés au parcours scolaire et aux poésies qu’il fallait apprendre par cœur avant de les réciter ensuite devant les autres élèves… Mais faisons fi du passé et redécouvrons le plaisir de lire des poèmes pour fêter la 26e édition du Printemps des poètes. Voici notre sélection tout en rimes et… en rythme !
Réviser ses classiques
Comment commencer cette sélection sans citer celui qu’on qualifie d’Homme siècle, tant pour sa longévité, que pour ses nombreuses participations lors d’évènements historiques majeurs ou encore pour son œuvre foisonnante qui a abondamment nourri le XIXe siècle ? Il s’agit bien entendu de Victor Hugo. Certes, nous le connaissons davantage pour ses romans incontournables tels que Notre-Dame de Paris et Les Misérables ou même ses pièces de théâtre comme Hernani ou Ruy Blas, mais ses ouvrages poétiques sont tout aussi riches et intéressants. Citons notamment Les Orientales, recueil publié en 1829 dans lequel souffle un vent de liberté et une grande technicité malgré le jeune âge d’Hugo. Bien qu’en exil en 1853, il écrit Les Châtiments, poèmes engagés à l’encontre de Napoléon III. Enfin, plus tardif et surtout plus personnel, attardons-nous sur le recueil Les Contemplations. Paru en 1856, cet ouvrage est largement marqué par la mort et le deuil, à la suite du décès de Léopoldine, la fille du poète, qui s’est accidentellement noyée dans la Seine à seulement 19 ans. Le recueil est composé de six livres, regroupés en deux grandes parties : « Autrefois » et « Aujourd’hui », séparée par l’année 1843, celle de la triste disparition. Un recueil bouleversant, dans lequel on ressent toute la tristesse du poète au travers de nombreux vers dédiés à la chair de sa chair, comme le très célèbre Demain, dès l’aube.
À lire aussi
De grands poètes du XIXe siècle ont su s’affranchir du cadre classique de la poésie en cassant les codes de la versification et en dépassant ses contraintes. Le réel et le mal-être deviennent alors source d’inspiration pour ces auteurs qui ont libéré le genre. Mais cette révolution littéraire ne sera pas sans conséquences : Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, publiées une première fois en juin 1857, scandaliseront la société bienpensante. Outre la forte amende à laquelle Baudelaire a été condamné, la censure sévit aussi : l’ouvrage sera alors publié en Belgique et sera réhabilité en France plus d’un siècle plus tard. Ce recueil de poèmes et de textes demeure très contemporain grâce aux thèmes abordés : le dégoût de soi, la souffrance terrestre, l’aspiration à un monde idéal…
L’autre figure de proue du symbolisme, c’est Arthur Rimbaud, le poète qui a cessé d’écrire à l’âge de 19 ans, avant de partir à l’aventure à travers le monde entier. Le Bateau ivre, Le Dormeur du val, Les Étrennes des orphelins ou Ma Bohême sont encore d’une modernité criante et il est toujours agréable de retrouver ces titres réunis dans un ouvrage intégral tel Poésies complètes. Plus largement, la personnalité d’Arthur Rimbaud a inspiré de nombreux artistes, à l’exemple de Patti Smith qui a acheté une maison où a vécu le poète, non loin de Charleville-Mézières.
Le début du XXe siècle en poésie a été marqué par le dadaïsme et le surréalisme. Paul Éluard en est l’un des plus illustres piliers. Artiste engagé auprès du Parti Communiste, il compte parmi ses amis André Breton et fréquente Max Ernst et Salvador Dali. D’ailleurs Gala, la première femme d’Éluard, le quittera pour vivre avec Dali. En compagnie de sa seconde épouse surnommée Nusch, il fréquente aussi Picasso. Dès 1938, il rompt avec le mouvement surréaliste mené par Breton. En 1942, en pleine occupation, il publie le poème Liberté dans un recueil clandestin. En signe d’espoir, ce texte sera même parachuté à des milliers d’exemplaires sur la France par la Royal Air Force. Après la guerre, il s’engage pleinement dans le mouvement pour la paix. Ainsi, on a bien souvent gardé en mémoire les poèmes engagés de Paul Éluard mais il ne faut pas oublier la grande part de l’œuvre dédiée à l’amour et au désir, laissant libre cours à un style qui dépasse la simple écriture automatique…
Il a écrit des chansons, des dialogues pour le cinéma, des scenarii mais aussi des poèmes, nous parlons bien entendu de Jacques Prévert. Aujourd’hui encore, il demeure l’un des auteurs les plus populaires. Son incontournable recueil Paroles compte 95 textes aux thématiques variées telles que la guerre, la société et l’amour. On y trouve les célèbres poèmes comme Le Cancre ou Je suis comme je suis.
À lire aussi
Découvrir la poésie contemporaine
Il est des voix qui s’affirment, qui résonnent haut dans le ciel, et celle de Maya Angelou est l’une d’entre elles. Cette femme de lettres afro-américaine est une figure emblématique de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis. À travers l’écriture, Maya Angelou exprime fièrement ses idées, et nous la connaissons notamment pour son autobiographie, dont le premier volume intitulé Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage est devenu un classique de la littérature américaine. Dans Et pourtant je m’élève, réédition de son troisième recueil de poèmes, découvrez ses vers, marqués par l’intime comme par le collectif, porteurs de convictions, de peurs, de déceptions et surtout, de beaucoup d’espoirs. Le tout illustré, sublimant les véritables odes à la liberté de cette personnalité engagée.
Si, après un incontournable de lapoésie américaine, vous souhaitez lire des poèmes canadiens, nous vous conseillons ceux d’Hélène Dorion. Multirécompensée pour nombreux de ses ouvrages tels que Mes forêts, depuis 2024 elle est la première femme québécoise vivante à figurer au programme du baccalauréat français. La même année, elle reçoit également le grand prix de poésie de l’Académie française. Autant de distinctions ne pouvant que vous convaincre de lire Un visage appuyé contre le monde et autres poèmes, qui regroupe quatre de ses précédents recueils et permet de s’interroger sur la nature, l’universel comme l’unique, les lieux que l’on traverse et les sentiments qui nous parcourent.
C’est en partageant ses créations poétiques sur Instagram que Rupi Kaur est devenue une « instapoet » à la renommée mondiale. Elle a su insuffler un réel renouveau à la poésie contemporaine en abordant des thèmes d’actualité tels que la violence faite aux femmes, la maltraitance, le deuil ou la féminité. Lait et miel est son premier recueil, il a été publié il y a 11 ans et s’est vendu à des milliers d’exemplaires dans le monde. Depuis, Rupi Kaur a également imaginé Le soleil et ses fleurs, Home body ou encore plus récemment, Écrire pour guérir. Et si beaucoup de lecteurs s’interrogent sur l’absence de majuscules dans les ouvrages de Rupi Kaur, c’est tout simplement car la poétesse s’inspire des textes sacrés de la culture Sikh dans lesquels cette graphie n’existe pas…
Un peu plus tardivement que Rupi Kaur, mais toujours avec succès, Marion Fritsch s’est quant à elle lancée sur Instagram en 2020. Près de 450 000 abonnés plus tard, elle publie son premier recueil intitulé Les Fragments du cœur. 240 pages d’une idylle s’étendant sur quatre saisons, qui explorent l’amour, ses travers et ses frontières, dans une ère digitalisée où la flemme prend le pas sur le fait de déclarer sa flamme. Marion Fritsch revisite et réinvente habilement les discours du sentiment amoureux et on en redemande encore tant c’est fabuleux !
Avec les vers libres de La nuit quand je te gratte le dos, François Betremieux relate sept ans d’une histoire d’amour au travers d’un petit geste insignifiant : celui de se faire gratouiller le dos par son partenaire avant de s’endormir. Une minuscule action traduisant pourtant énormément : une intimité, une complicité, les mêmes qui avec le temps commencent à s’étioler. Nous sont retranscrits les confidences sur l’oreiller, les anecdotes que l’on se raconte pour trouver le sommeil, et l’amour, toujours, celui qui s’éveille, celui qui fait rêver, celui qui s’évanouit et ne devient parfois plus que léthargie… Un recueil au style vif et percutant qui démange autant qu’il ne berce.
