Compositeur de B.O. (de Furyo à The Revenant en passant par Le Dernier Empereur), pionnier de la musique électronique, en solo ou avec le Yellow Magic Orchestra, gourou de la sono mondiale… Ryūichi Sakamoto, décédé en 2023 à 71 ans, laisse une œuvre considérable, généreuse et influente. Retour sur cinq moments de sa carrière pléthorique.
Thousand Knives
1978, au Japon. Un jeune diplômé en composition de l’Université des beaux-arts et de la musique de Tokyo s’attelle à son premier album, Thousand Knives. À la fac, il s’est pris de passion pour les machines : Ryūichi Sakamoto tire ainsi du Roland MC8, de l’Oberheim Eight Voice, et du Minimoog, entre autres synthés de l’époque, la substance sonore de ce premier opus. Deux ans après Oxygène de Jean-Michel Jarre, et dans le sillage de Kraftwerk, le musicien apparaît comme un pionnier de la musique électronique. Une originalité qui le suivra toute sa carrière : il publiera dès les années 1990 chez le label Ninja Tune quelques titres, et collaborera avec de grands expérimentateurs electro, comme Alva Noto (avec lequel il réalise la B.O. de The Revenant), dans les années 2000-2010.
Yellow Magic Orchestra – Yellow Magic Orchestra
La patte de compositeur de Ryūichi Sakamoto, entre jazz, classique période Debussy/Ravel et electro, intrigue rapidement les musiciens de la pop japonaise. C’est ainsi qu’en 1979, avec Haruomi Hosono, ancien musicien d’Happy End, et le batteur-chanteur Yukihiro Takahashi du Sadistic Mika Band, il fonde le Yellow Magic Orchestra. Célèbre dès son premier album Yellow Magic Orchestra pour leur réutilisation de la musique de jeux vidéo (Circus, Space Invaders) et leur hymne dansant Firecracker, la formation innove en inventant la « techno-kayo », équivalent nippon de la synth-pop. En quatre ans et six albums d’existence, le groupe s’imposera comme le plus populaire des projets musicaux asiatiques en Occident.
Merry Christmas, Mr. Lawrence
Après son installation à New York, Ryūichi Sakamoto multiplie les collaborations avec des artistes occidentaux, dont Andy Partridge (XTC) et surtout David Sylvian, chanteur de Japan. C’est avec ce dernier qu’il décrochera un hit inoubliable, Forbidden Colours, composé pour la B.O. de Merry Christmas, Mr. Lawrence (Furyo). Également acteur dans le film, Sakamoto mêle dans cette bande originale ses inspirations folkloriques asiatiques, la musique orchestrale, l’electro et la pop, pour un résultat resté culte, associé à un film inoubliable dans lequel Nagisa Oshima (L’Empire des sens) dirigeait David Bowie et Takeshi Kitano.
Neo Geo
Dans les années 1980, la vogue de la « sono mondiale », éclosion des mélanges de musiques « world » conceptualisée par Radio Nova, trouve sa pleine expression avec le disque Neo Geo. Ryūichi Sakamoto y invite Iggy Pop pour le titre Risky, mais également Bootsy Collins, bassiste légendaire du funk, Sly Dunbar, le plus grand batteur de l’histoire du reggae, Tony Williams, derrière les fûts chez Miles Davis et John McLaughlin, ou encore Bill Laswell, autre bassiste virtuose. Le tout donne un disque où musique japonaise, afro-américaine et groove ne font qu’un.
Jeroen Van Veen – For Mr Lawrence : Sakamoto Piano Music
Une autre partie de l’œuvre de Ryūichi Sakamoto à découvrir demeure sa musique pour piano. L’instrument, qu’il a appris à quatre ans, est le support de nombreuses compositions d’anthologie, dans lesquelles il peut tout à la fois se rattacher aux artistes minimalistes, tels Steve Reich ou Philip Glass, qu’aux néoclassiques récents, tels Max Richter ou Jóhann Jóhannsson, tout en multipliant les allusions au classique postromantique français et au folklore japonais. Son œuvre pour piano a été magistralement enregistrée par Jeroen Van Veen et réunie dans le coffret For Mr Lawrence : Sakamoto Piano Music, une intégrale idéale pour saisir l’âme multiple et envoûtante d’un musicien de génie.
