Est-ce le retour de Lula à la tête du pays ou l’exil lamentable de son prédécesseur déchu ? Force est de constater que vu d’ici, l’actualité des musiques brésiliennes se fait plus alléchante depuis ce début d’année 2023 que pendant tout le mandat de Bolsonaro. Samba soul, néo-bossa, MPB futuriste, électro-tropicalista et quelques rééditions bien choisies, le printemps se pare des plus belles couleurs venues du plus grand pays d’Amérique latine.
Carioca grooves
Attention pépite ! Si le bonhomme est connu comme le loup blanc dans la sphère des nuits cariocas, on l’avait découvert de ce côté-ci de l’Atlantique au travers d’un bel album (son 4e), Night Dreamer, enregistré en 2019 avec son copain Seu Jorge. Un disque qui devait se faire rampe de lancement pour sa carrière internationale mais avec l’arrivée de la pandémie, Rogê est resté sur le bas-côté du succès. Revanche ces jours-ci avec Curyman, un disque superbement produit par l’homme de l’ombre, l’érudit et talentueux Tom Brenneck (Menahan Street Band, Charles Bradley…) et arrangé par un cador brésilien de la grande époque (Arthur Verocaï). Verdict : Un bijou de samba-soul complètement addictif comme l’ont été les grands albums de Tim Maia, Jorge Ben, Gal Costa, Marcos Valle & Compagnie. On vous le redit encore une fois : Pépite en vue ! Vous voilà prévenu car vous n’y échapperez pas.
Dans un registre assez similaire mais orchestré par un brésilien installé en France cette fois, c’est Passarinho le dernier disque de Joao Selva parus courant février qui semble se frayer un chemin légitime chez les programmateurs radio, de salles de concerts, de festivals et du côté du public, de fait. Samba, MPB et quelques glissades afro-tropicales de bon ton pour 10 titres à croquer sans modération.
Brésil, la force tranquille
Honneur aux dames et à l’une des plus convaincante songwriteuse de ces deux dernières décennies. Malgré des récompenses à répétition depuis le début de sa carrière, c’est Adriana Calcanhotto, star dans son pays mais oiseau bien trop rare sous nos cieux qui se fend d’un très beau disque Errante (son 13e) aux élégants élans bossa. Errante sera disponible en CD et LP a partir du 21/04/23 et pour quelques très rares dates en Europe avant l’été… A suivre donc.
Plus jeune et moins connue mais non moins élégante, c’est un 3e album signé Anna Setton qui vient d’atterrir dans les bacs. La chanteuse originaire de Sao Paulo illustre cette nouvelle génération de chanteuse dont le cœur balance entre facture MPB et une écriture moderne, tournée vers une pop élégante, voyageuse et délicieusement arrangée.
Lui, on le suit à la trace depuis ses premiers enregistrements pour le compte du label No Format tant chaque album est systématiquement synonyme de plaisir, de poésie et de finesse. Lucas Sattana a publié en tout début d’année O Paraíso, une réflexion écolo-philosophico-humaniste sur notre paradis (terrestre) qui part à vau-l’eau. Le Bahianais s’entoure comme souvent d’un chouette casting (Vincent Segal, Flavia Coelho, Laurent Bardainne, Zé Luis Nascimento…) et nous offre 10 nouveaux titres à savourer toute l’année.
Rétro-futuriste
Pour finir ce petit tour d’horizon, on vous soumet deux parutions qui nous tiennent particulièrement à cœur. La première concerne Domenico Lancellotti, dont les albums collaboratifs avec Kassin et Moreno Veloso nous avaient tout simplement scotchés. Mélange des genres et alliance de styles qu’on pourrait croire aux antipodes mais que le talent et une certaine idée de la créolité (au sens premier du terme) ont transformé en recette magique. Un label défricheur pour héberger son nouveau projet (Sramba), à cheval entre electronica, tropicalisme et racines de la samba. Un disque qu’aurait pu faire le dadaïste brésilien Tom Zé s’il avait vécu à une autre époque. Du bel ouvrage à ne pas louper.
Toujours dans cette idée de coller à une certaine idée des musiques brésiliennes contemporaines, les curieux et les curieuses se jetteront sur cette délicieuse compilation que publie le label Mr Bongo. Un florilège des groupes et artistes issus de l’underground carioca. Hidden Waters, strange & sublime sounds of Rio de Janeiro permet de se rendre compte de la vitalité et de la pluralité de la scène actuelle brésilienne. Des groupes et musiciens que vous n’entendrez surement pas à la radio.