Michel Polnareff fait son retour dans les bacs à travers un album tribute qui lui est consacré – « Il était une fois Polnareff » – où plusieurs générations chantent ses chansons. L’occasion rêvée de revenir en chansons sur cette légende de la variété française. Entre provocation et génie, embarquez avec l’amiral !
La poupée qui fait non (1966)
Nous sommes au milieu des années 60 et Michel Polnareff joue dans les rues de de Montmartre. Présenté à Lucien Morisse directeur des programmes d’Europe 1 et surtout directeur des disques AZ, le jeune Polnareff a le culot de demander quelques conditions pour signer son contrat : enregistrer à Londres, avec Jimmy Page et John Paul Jones (Led Zeppelin). Condition acceptée. Pas mal pour un début ! Polnareff enregistre à Londres La poupée qui fait non, avec Jean Bouchety (arrangeur d’Eddy Mitchell). Agé d’à peine 22 ans, le jeune Michel rencontre le triomphe. Le premier d’une longue liste.
Love Me, Please Love Me (1966)
Avec Serge Gainsbourg et Jacques Dutronc, Michel Polnareff, est le seul artiste français de l’époque à pouvoir rivaliser, artistiquement, avec la production anglo-saxonne. Avec ses mythiques notes de piano en introduction et ses harmonies qui rappellent Georgia On My Mind de Ray Charles, ce titre devient un classique immédiatement. Alors que les chansons de l’époque utilisent le tutoiement, cette chanson sur les déboires d’un amoureux incompris de sa belle, elle, lui préfère le vouvoiement. Passionné de pop anglaise, Polnareff n’hésite pas à utiliser le franglais. Polnareff dira de cette chanson « Pour Love me please love me, nous avons introduit dans l’orchestration un piano pas très juste, trois choristes, deux batteries, des violons et nous avons soigné tout particulièrement l’introduction. » Il y a plus que l’introduction qui est soignée. Ce premier album, fait rare pour l’époque, est distribué aux USA, pourtant peu habitués à repérer des albums français. Gage de qualité. Ce n’est qu’un coup d’essai.
Le bal des Laze (1968)
Après le succès phénoménal du premier album, Polnareff, devenu tête de proue d’une génération en quête de liberté, balaye les yéyés avec ce titre grandiloquent. La légende veut que la chanson ait été enregistrée avec des bougies pour seules lumières. C’est Pierre Delanoë qui s’attaque aux paroles. Polnareff lui demande que le mot Laze figure dans les paroles. Le bal des Laze, c’est l’histoire d’un roturier, condamné à mort, attendant son exécution après avoir tué le futur marié d’une jeune fille bien née dont il était fou amoureux et qui s’apprêtait, malheureusement, sur les ordres de ses parents, à se marier avec un homme de son rang. Hasard ou pas, des chants bretons retracent ce même genre d’histoire, notamment un gwerz où il est question d’un comte de Laz (Le temps passé), pas très loin des origines de la mère de Michel Polnareff, bretonne. Boudé par les radios lui reprochant ce thème de la mort, trop sombre et lui préférant donc la face B, Y a qu’un ch’veu, Le Bal des Laze a tout du chef d’œuvre. « La mélodie au pas ample et élégant, le dialogue de l’orgue classique et de la basse électrique, l’ambiance du texte mi-Lawrence, mi-Brontë, tout est magnifique et révolutionnaire » : dixit Bertand Dicale (Le Figaro, 2007). L’histoire a réparé cet affront, heureusement.
Ame câline (1968)
Toujours très influencé par la pop anglaise de l’époque, Ame câline n’a pourtant pas germé dans la tête de Polnareff outre-manche. Depuis quelques temps, Polnareff a découvert Marrakech et son hôtel célèbre de luxe, la Mamounia. C’est lors d’un séjour dans cet endroit que lui vient la mélodie. Il reproduit ou plutôt s’inspire du chant de cet oiseau qui siffle merveilleusement devant sa fenêtre. Michel Polnareff déclarera dans le livre Polnaculte : “C’est la seule fois que j’ai piqué la musique à quelqu’un et qu’on ne m’a pas attaqué”. Cette chanson a été adaptée en anglais par Little Peggy March sous le titre, If You Loved Me.
Je suis un homme (1970)
Au début des années 70, la société conservatrice se libère après mai 68 mais certains ne supportent pas, pour autant, les excentricités de Polnareff et s’en prennent physiquement à lui comme dans ce concert où un homme monte sur scène, le frappe au bas ventre et le traite de « pédé ». Choqué et lassé d’être vu ainsi, Polnareff, épuisé aussi par une tournée gigantesque, demande à Pierre Delanoë de lui écrire une chanson criant haut et fort son hétérosexualité et son amour pour les femmes. Cela devient Je suis un homme.
Bande originale de La Folie des grandeurs (1970)
Comme Gainsbourg, Michel Polnareff a aussi été un compositeur de musique de film. Pour cette bande originale de La Folie des Grandeurs de Gérard Oury avec Louis de Funès et Yves Montand, Polnareff s’inspire et parodie les musiques de film western-spaghettis, très à la mode à l’époque. Il fera aussi La vengeance du serpent à plume du même Gérard Oury. Un album, Le cinéma de Michel Polnareff regroupe les musiques écrites par Polnareff pour le cinema.
On ira tous au paradis (1972)
Nous sommes en 1972, Polnareff s’apprête à triompher à l’Olympia. Dans ce tour de chant, une chanson sort du lot. Polnareff demande à son parolier Jean-Loup Dabadie de lui écrire une chanson avec des paroles que des gens dans la rue entonneraient, marchant ensemble en ne faisant qu’un. Les chœurs ne sont pas l’œuvre de professionnels, mais de passants amenés en studio pour l’occasion. De plus, les voix ont été enregistrées avec un micro utilisé comme un lasso, ce qui donne cette atmosphère si particulière. Le titre a été interprété par Ärsenik, Stomy Bugsy et Jane Fostin pour le film Trafic d’influence de Dominique Farrugia.
Lettre à France (1978)
Cela fait maintenant plusieurs années que Polnareff est exilé aux Etats-Unis suite à différents problèmes personnels dont le majeur, celui avec le fisc français. Un jour dans un café new-yorkais, il entend une chanson française. Toujours attaché à son pays, malgré son exil, la nostalgie s’empare de lui. Jean-Loup Dabadie se charge du texte. Lettre à France devient une belle déclaration d’amour de Polnareff à son pays. Une chanson très poignante.
Good Bye Marylou (1990)
Kâma Sûtra marque le retour en grâce de l’Amiral, considéré comme l’album le plus avant-gardiste de l’artiste. Bien que souffrant d’une cataracte lui faisant perdre petit à petit la vue, Polnareff monopolise le bar de l’Hôtel Royal Monceau où il habite. Là toutes les nuits, il y aménage un studio pour les prises de voix, les musiciens étant répartis dans d’autres studios, Abbey Road notamment pour les cordes. Jean-René Mariani, rencontré il y a peu, lui écrit cette chanson qui peut paraître datée parce qu’il y est évoqué le Minitel (appareil que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître), une forme de bottin électronique avant l’heure. Dans cette chanson, ce sont les rapports sentimentaux qui sont évoqués à travers un écran. Nous ne sommes pas si loin de notre époque avec les réseaux sociaux. Décidemment ce Michel, toujours en avance sur son époque !
L’homme en rouge (2018)
Cela faisait 25 ans que Polnareff n’avait rien produit, son dernier album studio (Kâma Sûtra) datant de 1990. Le 17 décembre 2015, Michel Polnareff propose L’homme en rouge, premier single d’un album, Enfin, à paraître début 2016 (qui ne paraîtra que deux ans après). Dans ce titre, Polnareff évoque la solitude des êtres, bien plus présente dans nos sociétés qu’elle n’y paraît. Cette solitude est d’autant plus prégnante à l’occasion des fêtes de fin d’année censées être propices au bonheur d’être ensemble. Cet homme en rouge, d’habitude célébré joyeusement a, dans la voix de Polnareff, un petit goût de tristesse.
J’espére vous avoir donné envie d’écouter cet artiste vraiment atypique de la chanson française. Provocant, trop pour certains, Michel Polnareff, que ses fans appellent l’Amiral, a écrit, comme Serge Gainsbourg, quelques-unes des plus belles chansons du patrimoine musical français. Son exil aux Etats-Unis a peu être terni son image mais il trône parmi les plus grands.
Rendez-vous avec l’album Tribute pour faire à nouveau connaissance avec Michel Polnareff à travers la voix de divers artistes. Au programme ? Malik Djoudi et sa reprise de Lettre à France, mais aussi Pomme, Catherine Ringer, Emma Peters et bien d’autres.