Terme apparu au cours des années 2010, le troll rap désigne ce courant du rap qui ne se prend absolument pas au sérieux. Tout comme les trolls sur internet, les rappeurs de cette mouvance poussent le curseur de l’ironie au maximum pour créer artificiellement la polémique. Et le résultat est tout à fait celui escompté : on parle d’eux. D’Alkpote à Lorenzo (de retour avec Légende Vivante) en passant par Vald, on vous fait un tour d’horizon de ceux qui ont fait du 1000e degré un état d’esprit.
Klub des Loosers
Certes, le terme troll rap n’existait pas encore à cette époque-là, mais le Klub des Loosers pose les bases du genre. Le premier album Vive la vie met en scène un étudiant spécialisé dans la gêne qui tente de séduire la plus belle fille de sa promo. Paroles tantôt absurdes, tantôt gratuitement vulgaires, délivrées par un flow volontairement abrutissant, Fuzati interpelle dans le milieu du rap. Derrière son célèbre masque, ce personnage est pour le moins provocateur. Presque 20 ans plus tard, le Klub des Loosers reste une source d’inspiration pour bon nombre de rappeurs et cet éloge de la lose a déposé un terreau fertile pour la germination du troll rap.
Orelsan
Là encore, on est davantage sur un précurseur qu’un artiste de troll rap à proprement parler. À l’instar du Klub des Loosers, les textes d’Orelsan sont une ôde à la défaite. Son premier album est d’ailleurs baptisé Perdu d’avance. Le rappeur a pour thèmes fétiches échecs sentimentaux, hygiène de vie déplorable, paresse monumentale… très loin de l’étiquette égo-trip que l’imaginaire collectif colle au rap. En solo (No Life, Double vie) ou en duo avec son ami Gringe dans les Casseurs Flowters (Regarde comme il fait beau, À l’heure où je me couche), le Normand cultive sa figure d’anti-héros. Même à l’écran – toujours avec Gringe – il fait figure de sublime loser dans la série Bloqués, où le moindre effort est l’ennemi numéro un. Néanmoins, il semble vouloir s’éloigner de cette facette dans son dernier album Civilisation, avec des textes plus sérieux. L’occasion rêvée pour certains de ressortir l’expression clichée de « l’album de la maturité ».
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Vald
Quand on parle de troll rap, impossible de ne pas penser à Vald. Et pour cause, le natif d’Aulnay-sous-Bois est sans doute celui qui a propulsé le style au sommet des charts. Après deux mixtapes et un EP (NQNT, initiales de ni queue ni tête), il signe un gros coup d’éclat avec NQNT 2 et notamment les titres Bonjour et Selfie. Codes du rap repris avec des textes absurdes et/ou trash, la recette fonctionne à merveille : tout le monde parle de Vald. Mieux encore, tout le monde se pose des questions sur Vald : « quelles sont ses intentions ? ». Bien évidemment, en interview, le principal intéressé se fait un malin plaisir à botter en touche afin de garder l’effet intact. Depuis NQNT 2, Vald a sorti trois albums et fait partie des incontournables dans le paysage du rap français, toujours dans la veine du 1000e degré. V, son quatrième opus dans les bacs en février 2022, repose une nouvelle fois sur de grosses attentes.
Alkpote
Alkpote est le personnage que s’est créé Atef Kahlaoui pour allier rime et obscénité, en témoigne sa mixtape finement intitulée Sucez-moi avant l’album. Armé de ses punchlines grivoises, le rappeur ne laisse personne indifférent : nous voilà tiraillés entre le « c’est débile » et le « c’est génial ». Auto-proclamé empereur, Alkpote se livre très peu en interview, ce qui renforce les interrogations sur le personnage. Résultat : on parle de lui et on se pose tout un tas de questions pour essayer de le cerner, en vain. En somme, un troll réussi.
Columbine
Plus de 20 ans après la parodie Auteuil, Neuilly, Passy des Inconnus, le collectif Columbine rentre par la grande porte avec Vicomte avec en tête d’affiche le personnage Charles. Dans la peau de gosses de riches, les Rennais tournent en dérision les fils à papa pleins aux as. Mais ça ne s’arrête pas là : ce groupe mystérieux qui semble sorti de nulle part poste régulièrement des clips auto-produits avec des mises en scènes loufoques et une bonne dose d’auto-dérision. Il prend définitivement son envol avec un premier album Clubbing for Columbine, porté par le single Les prélis. S’en suivront deux autres opus avant une séparation en 2019. L’occasion pour Lujipeka et Foda C de voler de leurs propres ailes.
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Lorenzo
Jérémie Serrandour était dans la clique Columbine sous le nom de Larry Garcia, avant de créer son personnage Lorenzo en 2016. Ce rappeur à la voix insupportable, ravagé du bulbe par la fumette et toujours équipé de son bob Pikachu, se distingue également par sa voix nassilarde et ses textes transpirant la stupidité. Ce personnage prétend pourtant être un génie et s’auto-proclame « empereur du sale ». Et lorsqu’on essaie de lui tirer les vers du nez en interview pour mieux comprendre sa démarche, il ne se fait pas prier pour répondre totalement à côté de la plaque. De cet individu singulier naissent trois albums, Empereur du sale, Rien à branler et Sex In the City, qui cartonnent dans les bacs. Après une petite pause, Lorenzo est rechargé à bloc pour nous proposer un nouvel et dernier album : Légende Vivante (2 décembre 2022). Toujours égal à lui-même, le roi du troll a décidé de repousser ses limites en proposant un concept original, 100 pochettes d’albums différentes et décalées. Nous retrouverons dans Légende Vivante, une collaboration surprenante, avec Jean Dujardin. On ne peut que valider le mélange entre le rappeur trolleur et l’acteur oscarisé. Le nouveau projet de Lorenzo s’annonce plein de surprises et souhaite partir en beauté en respectant son art !
Michel
Personnage ou pas personnage ? Dès qu’on se pose cette question, on a déjà mis le doigt sur un bon spécimen de troll. Et Michel en a fait sa marque de fabrique. Originaire de Condé-sur-l’Escaut, il met à l’honneur cette charmante bourgade du fin fond du Nord dans le clip Nekete. Auparavant, il s’était illustré à reprendre des titres de différents Michel (Fugain, Polnareff, Berger, Delpech) en version urbaine. Ses thèmes de prédilection : les échecs amoureux, l’infidélité et la drague en club. Armé de sa mèche blonde et de ses lunettes de soleil, Michel vous attend devant sa baraque à frites pour que vous vous délectiez de son Le vrai Michel 2.
Biffty
L’ôde au gras, Biffty en a fait sa spécialité. Par des textes excessivement graveleux et un look tape à l’œil, le membre du « Patapouf Gang » n’a évidemment laissé personne indifférent. Son leitmotiv ? La « souye », un concept qui ne veut volontairement rien dire. Même schéma que pour les artistes cités précemment, on s’interroge et, au lieu d’obtenir des réponses, on se retrouve avec davantage de questions. Accompagné de DJ Weedim, le personnage de Pierre Gondry (neveu du grand Michel Gondry) a sorti Mega Souye Tape et La Potence, tous deux bien lunaires et qui répondent parfaitement aux attentes de tout féru de loufoque.
