
En effervescence constante, les musiques en provenance d’Afrique, ou fortement inspirées par les grooves pluriels de cet immense territoire, infusent désormais notre jukebox mondial. De l’est à l’ouest, du nord au sud, artistes émergents ou vieux routiers du continent, voici une sélection des meilleurs albums vinyles et CD déjà disponibles, rééditions et nouveautés.
Attention, attention ! Cette sélection consacrée à l’actualité de la musique africaine – que l’on aime à conjuguer au pluriel – risque de vous donner le tournis. Pas mal de choses à croquer depuis le début de l’année 2025. Et si ça peut vous rassurer, ça va continuer. Vous êtes bien calés ? C’est parti.
Le retour de Youssou N’Dour, Salif Keïta et Femi Kuti
Vous en avez peut-être déjà entendu causer ici et là, étant donné la notoriété de ces musiciens et les enjeux de leurs maisons de disques respectives. Youssou N’Dour, Salif Keïta et Femi Kuti se retrouvent donc coude à coude dans les bacs ce printemps.
Si l’aîné de la fratrie Kuti (Femi est le fils du légendaire Fela, pour ceux qui ont loupé l’épisode) publie des albums et tourne régulièrement dans l’hexagone pour perpétuer avec brio l’héritage afrobeat du papa, les deux autres n’ont rien publié à l’international depuis pas mal d’années.
Pour son grand retour, le roi du mbalax Youssou N’Dour s’est acoquiné avec le producteur Michael League du supergroupe Snarky Puppy. Une alliance qu’on devine riche en orchestration, et qui ne promet que du bon.
Salif Keïta, lui, semble être dans une autre démarche en signant son disque pour l’excellent label frenchy No Format. On pressent une volonté d’offrir au public des titres dans leur plus simple appareil, où la voix et la prose incomparables de ce rossignol malien et une paire de guitares acoustiques se suffisent.
Un album très attendu, So Kono, qui sortira ce 11 avril 2025 et une série de dates de concerts à venir qu’on vous invite à surveiller de près.
Des lives inédits de Cesaria Evora et Manu Dibango
Oubliez les guéguerres stériles du foot, et offrez-vous donc un Paris-Marseille en musique.
Si l’une comme l’autre nous ont malheureusement quittés, leur merveilleuse musique reste. Pas la peine de vous présenter la grande chanteuse du Cap Vert Cesaria Evora, ni l’emblématique et incroyable musicien qu’était Manu Dibango.
On vous fait juste un petit mot pour vous dire que deux concerts inédits sont enfin rendus publics et publiés en CD et en vinyle. À Paris pour la diva aux pieds nus. À Marseille pour l’ambassadeur mondial du makossa. Indispensables.
La kora en vedette
Pas mal de nouveautés autour de l’instrument emblématique de l’Afrique de l’Ouest. Une actualité qui nous pousse à faire un focus autour de la kora, cet instrument aux résonnances cristallines qui a su séduire un public large et pas toujours connaisseurs des vibrations du continent.
Nouvelle parution de Ballaké Sissoko avec son collègue de label, l’épatant Piers Faccini. Un disque sélectionné dans les 10 albums du mois de mars 2025, et qu’on va se repasser en boucle pour un moment.
Un autre duo de choc, plus tourné vers le jazz peut-être. C’est le deuxième album d’Ablaye Cissoko et de l’accordéoniste Cyrille Brotto, qui nous avaient déjà séduits lors de leur première rencontre discographique et scénique en 2022.
Et on ne peut pas manquer de signaler la réédition de Kaira, album majeur de la musique mandingue par le regretté Toumani Diabaté, initialement paru en 1988 et jamais réédité depuis. Un disque fondateur ou la virtuosité et la magie harmonique de la kora sont élevées au niveau du meilleur des récitals d’instrumentistes, toutes cultures et origines confondues.
Ethio-jazz, afro-grooves, rock malgache
Quand on vous dit que l’actualité des musiques africaines est fournie, illustration avec huit nouveautés alléchantes à se mettre sous le casque.
Pour commencer, trois albums ethio-centrés. Un pape de l’ethio-jazz qui croise le fer avec des jeunes de Tel Aviv (Mulatu Astatke & Hoodna Orchestra) pour un résultat aussi groovy que reussi.
Un combo parisien tombé dans la marmite de la collection « éthiopique » qui s’entiche d’un disque aux formes généreuses (slam/hip-hop, free jazz, afrobeat…). Le nouvel album d’Arat Kilo est enfin là après quelques années de silence.
Même démarche de confrontation des genres : plongez dans les remous et les vibrations originales de uKanDanZ, un groupe qui mélange saveurs rock tendance noise et le chant virevoltant d’ Asnake Guebreyes, puissant chanteur venu d’Addis Abebba. Impossible de ne pas penser au travail des mythiques The Ex – évidement.
Au centre du continent, le Congo-Kinshasa et sa myriade de groupes et de musiciens de tous poils. Depuis maintenant 15 ans, Jupiter & Okwess pratique un truc à cheval entre rumba-rock et funk sonique, une sorte d’afro-punk dans le sens premier du terme, pas dans cette posture hype qui s’est empressée de récupérer l’appellation à des fins marketing. Sur disque, c’est excellent et, qu’on se le dise, sur scène, c’est épatant. Un groupe qui a seduit quelques grands noms du rock anglo saxon qui regulierement partage la scene ou viennent faire un featuring. Damon Albarn (Blur), Flea (Red Hot Chili Peppers), Money Mark (The Beastie Boys) sont de ceux là. Et encore, la liste s’allonge à chaque album.
Tout aussi énergique mais avec d’autres vibrations musicales, c’est Al-Qasar qui rebranche amplis, guitares fuzz, oud et derbouka. Le groupe né en France (en plein quartier Barbàs) a su piocher dans toutes les nationalités et influences qui composent le groupe (Égypte, Algérie, Maroc, Liban, États-Unis). Vous n’écouterez plus jamais Personal Jesus de Depeche Mode comme avant.
Eux aussi nous avait habitués aux grosses guitares blues et rock qui revisitaient à leur manière les traditions Songhaï que l’on trouve au Mali. Pourtant cette fois, le tout nouvel album de Songhoy Blues est principalement acoustique. Même registre qu’auparavant, les décibels en moins.
Retour en Afrique anglophone avec cette jeune chanteuse ghanéenne à ne pas louper. Florence Adooni restait donc un secret bien gardé des circuits alternatifs. Ce premier mini-album sorti en février 2025 donne le ton et regorge de bon sons. Highlife hybride, un brin old-school avec ses touches electro-funk, mais malgré tout, les sept titres sonnent définitivement dans l’ère du temps. Rhythmiques et syncopes à mettre le feu au dancefloor, chant expressif et guitares typiques de cette palmwine music qui devrait logiquement résonner partout. Fans d’Ibibio Sound Machine : foncez !
Pas loin du Ghana, il y a le Bénin. Et c’est le combo franco-béninois d’afro-funk Vaudou Game qui sévit à nouveau en ce début d’année 2025. Cinquième album du groupe sorti en janvier, ce Fintou y va même de quelques glissades afros-colombiennes de type cumbia et champeta.
On finit ce tour d’horizon de groupes actuels en filant tout au sud-est du continent, en plein océan Indien – à Madagascar plus précisément – pour retrouver le dernier enregistrement de Damily, figure de proue de la région de Tuléar, et sa musique qui ne ressemble à aucune autre, le Tsapiki. Sur l’album Fihisa, des voix percutantes, des guitares libres et sauvages branchées sur des amplis de fortune saturés sur fond de rythmique basse/batterie aux bpm incandescents. Le Hellfest à côté, c’est la cour de récré.
Oldies but goodies
Rappelons aussi que l’Afrique est également un merveilleux terrain de jeu pour les diggers et collectionneurs de « vieux sons », voire pour les nostalgiques, s’ils ont perdu leurs vieux vinyles d’origine.
Nous vous conseillons de vous ruer sur ce deuxième ensemble de pépites du Mali, compilées et annotées par un érudit journaliste connaisseur de l’extrême dynamisme musical du continent, Florent Mazzoleni, à qui l’on doit aussi quelques ouvrages sérieux sur le sujet des musiques africaines (entre autres).