Des dieux, des monstres, des héros, des rois, des hommes. Les mythologies grecque et latine gardent intact leur pouvoir de fascination. Proposant une lecture du monde, une « morale », une vraie dramaturgie, elles restent très éclairantes et ont inspiré de nombreux courants intellectuels. Voici quelques suggestions de livres pour mieux s’y retrouver.
Les textes fondateurs grecs
Hésiode – Théogonie
Rédigée par Hésiode, petit paysan de la Grèce Antique, la Théogonie relate la création du monde selon la mythologie grecque. Y figurent les trois grands maîtres successifs (Ouranos, Cronos, Zeus), leur famille (Gaïa la terre mère, les Titans, Poséidon, Héra, Hadès…) et les différentes guerres entre dieux ayant amené à établir les Olympiens. Bref et très pédagogique, ce récit fondateur reste un indispensable.
Homère – L’Iliade
La Guerre de Troie illustre à merveille la conception grecque d’un monde d’humains dans laquelle les passions et les destins sont guidés par les dieux. L’Iliade, qui raconte quelques semaines de ce conflit, place de grands héros (le rusé Ulysse, le courageux Hector, l’invincible Achille) face à cette fatalité divine.
À la fois jouets des dieux et indépendant dans leurs vies, ces personnages s’affrontent pour une captive, une dette d’honneur, une vengeance, sous le regard de ceux qui les ont précipités dans la bataille. Écrit dans un style aristocratique, rempli d’épithètes, le premier grand chant d’Homère provient d’une tradition orale ancienne et nous prouve que l’Histoire et la mythologie étaient très liées dans les récits populaires grecs.
Homère – L’Odyssée
Suite de L’Iliade, L’Odyssée narre le destin, sur dix années, d’un de ses protagonistes principaux, Ulysse. Roi d’Ithaque, il doit rentrer chez lui après la victoire des Grecs à Troie. Mais sa traversée maritime est bien vite compromise par les Dieux, qui lui imposent des étapes terribles dans son épopée. Cyclope, sorcière, tempête, lotophages peuplent l’errance d’un homme qui souhaite retrouver sa patrie.
Pendant optimiste de L’Iliade, ce deuxième grand recueil homérique nous en apprend beaucoup encore sur l’univers de la Grèce antique et le lien entre ruse et destin. Ses divers épisodes appartiennent aux mythes fondateurs de notre civilisation.
Outre L’Iliade et L’Odyssée, on attribue à Homère une série de courts récits, nommés Les Hymnes Homériques (ici disponible avec les textes d’Hésiode). Chaque chapitre du recueil est consacré à l’une des figures de la mythologie grecque, comme Aphrodite, Hermès ou Déméter.
Odes – Pindare
Si Homère et Hésiode constituent la base de nos connaissances sur la mythologie grecque, des ouvrages a priori éloignés des dieux nous ont en fait beaucoup appris sur eux. C’est le cas des Odes triomphales de Pindare. Le poète a composé des discours vantant les vainqueurs des jeux panhelléniques. Chaque éloge de sportif s’est transformé en occasion de parler des mythes, leur famille ou ville d’origine servant de prétextes à un récit plus vaste. D’une langue virtuose, les strophes de Pindare reste aujourd’hui des sources importantes pour les chercheurs.
Les tragédies de Sophocle, Euripide et Eschyle
Parmi les grands récits mythologiques qui nous sont parvenus, ceux qui concernent les rois du passé et les héros proviennent en particulier du théâtre classique, et en premier lieu de la tragédie. Sophocle, Euripide et Eschyle ont donné leur vision personnelle de la vie des vainqueurs de la guerre de Troie (comme le cycle des Atrides, avec des pièces comme Electre ou Iphigénie à Aulis) et de leurs captifs (comme Andromaque). Alceste, Médée, Œdipe roi, Les Troyennes, Les Phéniciennes, Les Sept contre Thèbes, L’Orestie : les trois géants antiques ont livré les plus belles pages de la mythologie grecque dans sa dimension profondément fataliste, inspirant les dramaturges de toutes les époques suivantes.
La mythologie dans d’autres formes littéraires grecques
Pour tout connaître des grands mythes grecs, on peut aussi étudier les références qui en peuplent d’autres corpus que la tragédie et les récits. Ainsi, le théâtre comique d’Aristophane regorge d’allusions aux dieux, parfois perturbés dans leur vie quotidienne par des humains têtus (voir Les Oiseaux, par exemple).
La philosophie grecque, influence intellectuelle majeure du monde moderne, a également considéré les mythes comme une façon d’expliquer certains phénomènes. Platon utilise par exemple des figures comme l’androgyne dans Le Banquet, et élabore lui-même des métaphores à valeur spirituelle, comme l’Atlantide dans le Critias ou la caverne dans La République.
Les textes fondateurs latins
Virgile – L’Eneide
Si Homère a suivi le parcours d’Ulysse dans le camp des vainqueurs, Virgile s’est lui attaché à un vaincu de la Guerre de Troie, en l’occurrence Enée. La fuite du prince troyen a notamment inspiré une origine mythologique à la ville de Rome, son voyage lui faisant arpenter les rivages de la Méditerranée, à la recherche d’une terre d’accueil pour les survivants. Épique et important, L’Enéide montre que l’intérêt pour la mythologie a traversé la littérature latine de manière exemplaire.
Ovide – Les Métamorphoses
Si Ovide lui-même voyait les mythes comme de vieilles légendes probablement infondées, il en a donné peut-être l’inventaire le plus complet. L’auteur de L’Art d’aimer a composé, avec Les Métamorphoses, un superbe recueil de l’ensemble des histoires de la mythologie grecque, avec comme thème principal la transformation (en Dieu, en bête, en homme). Sans cette œuvre majeure, de nombreux personnages et récits de leurs aventures n’auraient pas traversé les siècles, tant son exhaustivité en impose.
Apulée – L’Âne d’or
Autre récit intitulé au départ Métamorphoses, L’Âne d’or narre, en onze contes, des épisodes inédits de la mythologie gréco-latine. Apulée y conte en particulier l’histoire d’Amour et Psyché, qui a largement influencé les arts picturaux dans les siècles suivants.
Lucien- Dialogues
Pour les auteurs latins, les mythes grecs paraissaient parfois lointains, auxquels on croyait par tradition quasiment immémoriale. Lucien de Samosate a entrepris de les « moderniser », dans deux livres au moins, le Dialogue des morts et le Dialogue des dieux, à lire dans ses Œuvres complètes. Deux ouvrages qui brillent par leur humour et leur caractère brillant. Preuve que dès l’Antiquité, le décalage littéraire s’appliquait déjà.
Hygin – Fables
La longue histoire de la mythographie grecque et romaine fait état d’une liste importante de volumes perdus et de conservation fragmentaire des œuvres. Les Fables d’Hygin ont survécu, et constituent un témoignage capital : c’est par elles que l’on connaît le niveau du Romain moyen en matière mythologique. Ses versions sont toutes personnelles, froides et cliniques : si elles ne brillent pas du côté littéraire, leur originalité aide les chercheurs et les passionnés à comprendre comment les dieux et les héros véhiculaient des messages pour la vie quotidienne.
Tragédies de Sénèque
Très lu par Racine et Corneille, Sénèque a repris le flambeau de la tragédie comme prescripteur de la mythologie. Le philosophe stoïcien a en effet donné ses propres versions de Médée, Phèdre et d’Hercule (dans Hercule furieux). Autant de pièces passées à la postérité, mais qui restent minoritaires dans le corpus latin, tant les Romains se sont détournés des formes classiques grecques.
La mythologie grecque dans le théâtre français
Les mythes grecs (et latins) auront connu une postérité littéraire majeure chez les dramaturges de plusieurs siècles. L’âge d’or du théâtre classique français, époque de fascination pour l’Antiquité, a fait de la tragédie son grand genre. Racine, avec La Thébaïde, Andromaque ou Phèdre, a poussé à sa forme à l’extrême, dans des pièces où la fatalité n’a jamais été si palpable. Corneille, son aîné, a lui aussi utilisé des figures semi-divines dans son œuvre, comme dans Médée ou Andromède, et s’est inspiré des légendes romaines pour Horace.
Au XXème siècle, la relecture des mythes a été une source pour des auteurs qui leur ont apporté un soupçon de modernité. Le Giraudoux de La Guerre de Troie n’aura pas lieu ou d’Electre rejoint l’Anouilh d’Antigone ou d’Œdipe ou le roi boiteux dans cette veine. Quant à Cocteau, sur scène et dans ses films, il a travaillé la figure d’Orphée à de nombreuses reprises. À titre plus anecdotique, le dernier récit d’André Gide est une méditation sur Thésée, comme héros expliquant la carrière de son auteur et sa vie.
La mythologie à chaque âge
Étudiée au collège et fascinant plus d’un enfant, la mythologie grecque est l’objet de plusieurs récits jeunesse (comme Les Douze Travaux d’Hercule ou Contes et légendes : La Mythologie grecque) et l’on trouve d’excellentes versions abrégées de L’Iliade et de L’Odyssée. Même les tout petits peuvent se plonger dans cet univers , à travers une grande imagerie ou de la collection Ma première mythologie.
On pourra également découvrir, dans les récits de Percy Jackson, des aventures très rythmées qui nous font visiter l’antiquité grecque avec un sens du récit digne des meilleurs romans pour adolescent. La transposition dans le monde moderne fait le sel de la première saga, suivie d’une série dédiée, Les Héros de l’Olympe, signée là encore Rick Riordan.
La bande dessinée et le dessin de presse se sont aussi emparés de la thématique. La Sagesse des mythes continue à ce sujet son travail de vulgarisation, tandis que la série 50 nuances de grecs fait le lien entre mythes et philo avec beaucoup d’humour.
Pour une vision approfondie du sujet, les livres de Jean-Pierre Vernant, dont L’Univers, les Dieux, les Hommes, seront une base indispensable. Plus techniques, La Mythologie d’Édith Hamilton et Les Mythes grecs de Robert Graves contiennent un grand nombre d’informations passionnantes sur les mythes, les héros et les dieux du monde gréco-latin.
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Photo de couverture : Atlantios Ntoumas sur Pixabay
