Dans Filles de joie, sur nos écrans le 18 mars prochain, trois femmes décident de se prostituer en Belgique pour continuer leur vie à Roubaix. Une tragicomédie qui rappelle les liens forts qui unissent le monde de la prostitution à celui du cinéma, entre attraction et répulsion.
Une vision glamourisée de la prostituée…
Il y a deux sortes de prostituées au cinéma : celle qui n’a pas choisi son métier, qui le subit et qui fait de mauvaises rencontres, et la femme au grand cœur, amoureuse et romantique, qui se cache derrière ses passes. Première à ouvrir le bal dans la catégorie romance, Louise Brooks dans Loulou de Georg Wilhelm Pabst, où une danseuse de cabaret finit, par amour, sur le trottoir et rencontre Jack l’Éventreur. De son côté, Simone Signoret, dans Casque d’or de Jacques Becker, goûte à une histoire d’amour impossible avec Serge Reggiani sur fond de Belle Époque. Très vite, les putains énamourées attirent toutes les grandes stars qui s’y confrontent. Tantôt avec effacement, telle la femme bourgeoise qui vend son corps pour le plaisir dans Belle de Jour de Luis Bunuel avec Catherine Deneuve. Ou avec discrétion, taisant de ses yeux de biche ses activités nocturnes, comme Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé. La prostituée se fait festive, façon Irma la Douce de Billy Wilder avec Shirley MacLaine ou sujet de comédie romantique, telle Julia Roberts dans Pretty Woman. Elle prodigue des conseils avisés à ses clients, comme dans Maudite Aphrodite ou Harry dans tous ses états de Woody Allen et tient un saloon comme personne, telles les filles de Belles de l’Ouest. Les maisons closes deviennent des lieux de séduction et des boudoirs chatoyants, où tout est esthétique, comme dans L’Apollonide (Souvenirs de la maison close) de Bertrand Bonello.
… ou une vision sordide
Mais derrière le glamour, le fard à paupières et les porte-jarretelles, le cinéma aime également rappeler à la prostituée que les histoires d’amour ne sont pas pour elle, qu’elle est une fleur de trottoir et se doit de le rester. La réalité rattrape toutes ces femmes qui tentent de s’en sortir, surtout si elles sont mineures comme Jodie Foster dans Taxi Driver de Martin Scorsese ou comme Natja Brunkhorst dans Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… d’Ulrich Edel. Sans oublier Marine Vacth qui finance ses études en louant ses charmes dans Jeune & Jolie de François Ozon. La prostituée se retrouve dans des situations inextricables, au péril de sa vie, dans une société qui la rejette. C’est Marion Cotillard obligée de s’y adonner dans The Immigrant pour pouvoir rester aux États-Unis, Elisabeth Shue qui hante les casinos dans Leaving Las Vegas ou les jeunes femmes de Much Loved de Nabil Ayouch qui provoquèrent le scandale. Ou encore Filles de joie de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich avec Sara Forestier, qui sort ce 18 mars et au réalisme cru.
Et les hommes dans tout ça ?
Du côté des hommes qui se prostituent, point de romance – ou seulement en toile de fond. L’homme qui vend son corps est condamné à souffrir au cinéma, que ses clients soient des hommes ou des femmes. Richard Gere passe un mauvais quart d’heure dans American Gigolo de Paul Schrader, Dustin Hoffman est en fuite perpétuelle dans Macadam Cowboy, Keanu Reeves et River Phoenix se prostituent contre de la drogue dans My Own Private Idaho… La violence n’est jamais bien loin, que ce soit entre tapins ou de la part de clients. Manuel Blanc en souffre dans J’embrasse pas, Félix Maritaud tutoie la mort dans Sauvage, Joseph Gordon-Levitt se fait refaire le portrait dans Mysterious Skin et Eastern Boys traite de la prostitution masculine d’immigrés clandestins. Sans oublier Gérard Depardieu et Michel Blanc obligés de se travestir et de finir sur le trottoir dans Tenue de soirée. Des garçons de joie qui en semblent tous bien dépourvus…